L’indice de la liberté de la presse au Burkina Faso en 2023 est de 1,96/4, selon un rapport du Centre National de Presse Norbert Zongo (CNP-NZ), présenté le vendredi 3 mai 2024, à Ouagadougou. Une moyenne qui montre un recul sans précédent de la liberté de la presse dans ce pays, par rapport aux années précédentes.
Les journalistes burkinabè commémorent, à l’instar de leurs confrères du monde entier, le vendredi 3 mai 2024, la Journée mondiale de la liberté de la presse, dans un contexte difficile auquel est confronté le secteur au Burkina Faso. Selon les experts commis à l’élaboration d’un rapport sur l’état de la liberté de la presse en 2023, l’indice est en net recul par rapport à l’année 2022. Il est de 1,96/4.
«Nous constatons un recul de l’indice de la liberté de presse de 2023 par rapport à l’indice de 2022 qui était de 2,21/4, soit un recul de 0,52 points», a souligné le journaliste et consultant, Moussa Sawadogo, l’un des experts ayant travaillé sur le rapport.
De l’analyse, il ressort que depuis 2016, le Burkina Faso a connu dans un premier temps, 2016 et 2018, une tendance haussière avec des notes en 2016 de 2,37 et de 2,64 en 2017, 2,68 en 2018. C’est à partir de 2018 que la situation de la liberté de presse au Burkina va se dégrader de façon continuelle, passant de 2,50 en 2019 à 2,41 en 2020 ; à 2,25 en 2021 à 2,21 en 2022. Et en 2023, l’indice est de 1,96, une moyenne qui illustre un recul sans précédent de la liberté de la presse au Burkina Faso. «Depuis que l’indice existe, c’est la première fois qu’on a une moyenne aussi basse. C’est la première année où la liberté de presse au Burkina Faso atteint un niveau aussi mauvais. Cela est un témoignage qui passe sans discussion d’une dégradation continue des conditions et de contexte de production de l’information journalistique au Burkina Faso», a soutenu M. Sawadogo.
Le présent rapport couvre la période du 1er mars 2023 au 31 mars 2024. C’est un rapport qui suit une méthodologie participative prenant en compte la question du genre. Il porte sur six points.
Au niveau du premier point, les experts se sont penchés sur les normes juridiques et sociales pour voir si elles protègent et favorisent la liberté d’expression au Burkina Faso. Là, une moyenne de 1,75/4 a été attribuée. «On reconnait qu’il y a des textes, une règlementation plus ou moins libérale en matière de création de média, de l’exercice, malheureusement le problème se trouve au niveau du respect de ces textes», a affirmé l’expert, soulignant que «même le droit, aujourd’hui, n’arrive pas à protéger le journaliste burkinabè comme il se doit».
Le deuxième point concerne la pratique professionnelle des journalistes. A ce niveau, les experts ont donné la moyenne de 2,33/4. «Ce qui veut dire que malgré la situation difficile, les journalistes burkinabè arrivent à respecter encore les normes de qualité si on s’en tient à l’éthique et à la déontologie», analyse le journaliste et enseignant Moussa Sawadogo.
Le point suivant était pour voir s’il existe une diversité de médias qui offre aux citoyens des informations objectives et fiables. Là les experts ont donné une moyenne de 2/4. Ce qui montre que le journalisme au Burkina satisfait quand même à des normes professionnelles. Mais les experts ont relevé que «dans l’opinion publique et même souvent au niveau des autorités, parfois à dessein, ont tendance à confondre les journalistes avec les cyberactivistes, avec tous ceux qui sont sur les réseaux sociaux, donnant l’impression que le problème, ce sont les journalistes».
Le quatrième point porte sur la fiabilité financière des entreprises de presse. Là les experts devraient voir si les entreprises de presse sont bien gérées et fiables pour permettre le renforcement de la liberté de presse. A l’issue des travaux, c’est une moyenne de 1,67/4 qui a été donnée. Les experts ont conclu que les entreprises de presse au Burkina Faso «ne sont pas bien gérées et les entreprises ne sont pas fiables permettant le renforcement de la liberté de presse». Les experts ont regretté que la plupart des promoteurs de média viennent dans le métier sans un véritable business plan. Beaucoup de promoteurs «ignorent ou ne maitrise pas l’économie de la presse donnant l’impression de bricoler souvent».
En ce qui concerne la contribution des institutions et organisations professionnelles des médias pour soutenir le professionnalisme des journalistes, la moyenne est de 2,51/4. «Ce qui veut dire que malgré la situation actuelle, les organisations professionnelles et leurs partenaires techniques et financiers continuent à soutenir les médias. Et les experts ont noté que c’est parce que cet effort existe que la situation, même si elle est déplorable, elle est encore acceptable», a fait savoir M. Sawadogo.
Le dernier point qui est subsidiaire. Là, les experts devraient voir s’il existe des stéréotypes sexués qui confinent les femmes à des rôles et à des positions de second plan dans le métier. La moyenne à ce niveau, attribuée par les experts, est de 2,21/4. Une note qui montre que cela n’existe pas au Burkina Faso.
Selon les experts, ce qui a contribué à la baisse de l’indice, c’est, entre autres, les normes juridiques et sociales qui, malgré leur existence, ne protègent pas et ne favorisent pas la liberté d’expression et de presse ainsi que l’accès aux informations publiques. Il y a aussi «les menaces contre les journalistes, le discours de haine contre les journalistes» et «le discours stigmatisant des premières autorités elles-mêmes».
Les experts recommandent, donc, aux autorités de revoir leurs relations avec les médias, trouver les voies et moyens pour apaiser les différentes tensions. Il y a aussi la relecture de la convention collective qui pour beaucoup de journaliste est déjà dépassée. Ils recommandent aussi qu’il y ait beaucoup plus de réactivité de la justice quand il y a des déclarations de haine, de stigmatisation. Les journalistes, selon le rapport, souhaiteraient aussi que les autorités clarifient leur position vis-à-vis des appels de leurs partisans qui tiennent des discours de haine.
La journée mondiale de la liberté de la presse a été officiellement adoptée en 1993 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, à cause de la contribution inestimable des médias au développement de l’humanité au plan politique, socioéconomique, culturel et aussi en vue de protéger les travailleurs des médias.
Par Daouda ZONGO