Ceci est une lettre ouverte adressée au ministre de la Santé par la famille de feu TIENS BANDE T. Bernadin, patient décédé le 23 janvier 2021 au Service de Réanimation de Centre Hospitalier Universitaire Souro Sanou de Bobo-Dioulasso. Ce cas a poussé la famille de ce malade, décédé de Covid-19, à se convaincre que «le dispositif sanitaire national contribue à endeuiller des familles». Aussi, elle raconte comment elle a perdu un fils.
Monsieur le Ministre,
Recevez tout d’abord nos félicitations pour votre nomination à la tête du département de la Santé pour lequel, nous souhaitons vivement que des changements soient apportés afin de rendre effectif le slogan «la santé pour tous». Acceptez nos vifs encouragements pour révolutionner le dispositif sanitaire national qui, actuellement, contribue à plusieurs égards, à endeuiller des familles par l’action de certains collaborateurs qui croient qu’ils n’ont de compte à rendre aux citoyens et aux contribuables de qui émanent leurs revenus.
Par ce canal, je vous saisis au nom et pour le compte de la Famille RAMDE-TIENSBANDE qui a perdu un fils, un frère, un époux et un père, au Service de Réanimation du Centre Hospitalier Universitaire Souro Sanou (CHUSS) de Bobo Dioulasso le 23 janvier 2021, car les circonstances de son décès restent troublantes.
En effet, ayant assisté notre parent, TIENS BANDE Tegawenre Bernadin, dans ses derniers jours à l’Hôpital Sanou Sourou, en compagnie de son épouse, nous avons un devoir de mémoire et de justice vis-à-vis de lui et de la Nation burkinabè. Cette correspondance tient lieu de dénonciation des traitements infligés à notre parent malade et à ses accompagnants pour une redynamisation des conditions de prise en charge dans vos formations sanitaires.
Vous vous souviendrez qu’en octobre 2014, le slogan lancé à tue-tête a été «Plus rien ne sera comme avant» au Burkina Faso, et nous avions grand espoir. Malheureusement, sur le plan sanitaire, les avancées annoncées n’ont pas suivi et ne sont toujours pas au rendez-vous, malgré les attentes des citoyens y compris les membres de ma famille.
Aussi, mon intervention portera essentiellement sur les points ci-après:
- Les conditions de prise en charge des malades au Service de Réanimation du Centre Hospitalier Universitaire Sanou Souro (CHUSS) de Bobo Dioulasso;
- La gratuité non effective des médicaments pour la prise en charge des malades de la Covid-19;
- La compétence et le professionnalisme de certains membres de vos équipes;
- Les problèmes liés à la disponibilité de l’oxygène et à son caractère fonctionnel;
- Le manque des blouses de protection pour les accompagnants et les visiteurs;
- La non prise en charge des personnes contacts Covid-19;
- Le consentement non demandé pour l’intubation;
- Le déficit de communication du staff du Service de Réanimation;
- Des conditions de prise en charge des malades au Service de Réanimation du Centre Hospitalier Universitaire Sanou Souro (CHUSS) de Bobo Dioulasso.
Ledit Service a accueilli, en son sein, le patient TIENS BANDE Tegawenre Bernadin qui est notre parent. Il nous a informés, le 10 janvier 2021, d’une crise d’asthme qu’il faisait. Cela ne nous a point inquiétés, car étant asthmatique depuis son très jeune âge. Le 11 janvier 2021, il a été interné à la Clinique Saint Léopold de Bobo Dioulasso. Après un séjour de 4 jours, il a été évacué, le 14 janvier 2021, au CHUSS, suite à un résultat positif au test de Covid-19. Il y restera jusqu’au 23 janvier 2021, jour de son décès. Il convient de noter que les membres de la famille; présents à son chevet, ont parfois assisté aux tergiversations des agents du Service, quant au traitement à lui procurer. Pourtant, nous savions tous qu’il informait toujours les agents de Santé de ses allergies et antécédents médicaux.
La présente lettre voudrait tirer la sonnette d’alarme pour donner le contexte général du cas devenu le «Malade VIP du Service de Réanimation», tel que vos agents l’avaient surnommé, comme s’il les dérangeait. Nous élevons également nos dénonciations les plus acerbes, afin que d’autres situations similaires soient évitées, et que vos collaborateurs, les médecins et infirmiers, se souviennent, à chaque instant, de leurs différents serments par lesquels ils se sont engagés à sauver des vies et non à endeuiller les familles.
Combien sont-elles, ces personnes de votre espace territorial qui n’ont point confiance en votre dispositif sanitaire? Conduisez juste un sondage auprès des usagers de vos formations sanitaires et vous verrez la justesse des propos qui considèrent nos hôpitaux, vos hôpitaux, comme des mouroirs, des lieux où aucune importance n’est accordée à la vie des patients, d’autrui.
- De la gratuité non effective des médicaments pour la prise en charge de la Covid 19
Pour revenir au cas de votre patient, notre parent défunt, et concernant la Covid -19, pour laquelle il était hospitalisé dans vos locaux, le Gouvernement du Burkina Faso a annoncé tambours battants, en mars 2020, la gratuité des soins pour cette maladie qui semble non encore maitrisée par vos services et qui continue de semer la graine de la douleur dans les ménages.
Loin de nous l’idée de ne pas reconnaitre les efforts fournis par le Gouvernement, pour rendre disponibles quelques médicaments du protocole Covid-19, mais malheureusement, le carnet de liaison ressortait du magasin sans approvisionnement, avec pour raison essentielle le manque d’intrants. Nous avons parfois noté des incohérences entre vos Services concernant la gratuité des médicaments; vos équipes restent encore dubitatives à ce sujet. C’était le premier échelon du caractère irréel de la gratuité.
Les reçus aussi élevés des ordonnances prescrites plusieurs fois par jour, prouvent également que la gratuité tant prônée, n’était que chimère concernant la prise en charge de la Covid-19 au Faso.
Un autre cas pour illustrer cet aspect, quand la décision de l’intubation de notre parent avait été prise par vos services, votre ‘’Malade VIP’’, ce lundi 18 janvier, sans notre consentement, un agent de Santé nous avait demandé de nous préparer à faire face aux produits médicaux dont les coûts seront élevés, pour tirer notre parent d’affaire, en plus d’être moralement forts. La famille s’est serrée les coudes comme nous le faisons toujours et notre parent n’a manqué d’aucun médicament, aussi petit ou aussi onéreux, fut-il. En retour, c’est votre équipe qui n’a pas joué sa partition, les sacrifices et les tests que nous devions subir pour tirer notre parent de sa maladie, nous les avons tous réussis.
- De la compétence et du professionnalisme des équipes
Monsieur le Ministre,
C’est le lieu d’évoquer les profonds questionnements sur la compétence et le professionnalisme de certains de vos collaborateurs à leurs différents postes durant notre séjour dans la formation hospitalière. Les attitudes n’ont fait que nous poser des questions que nous vous retournons, en termes d’évaluation de votre dispositif. En notre qualité d’accompagnants, nous avons eu à déplorer des faits qui nous ont perturbés et qui continuent de nous bouleverser.
Certes, nous ne pouvons passer sous silence, le professionnalisme de certains agents: médecins et infirmiers du Service de Réanimation, de la Coordination Régionale de la prise en charge de la Covid-19 et du Directeur Régional de la Santé des Hauts Bassins, qui nous ont témoignés leur assistance et sympathie et qui se sont battus jusqu’au bout à nos côtés. Nous tenons à saluer leur professionnalisme et surtout leur côté humain. Il y a une autre vie en dehors du CHUSS et les valeurs humaines doivent alimenter le professionnalisme.
Le dispositif de prise en charge mérite que vous vous y attardez avec attention. Au cours de notre passage au Service de Réanimation, nous avons pu noter qu’il n’existait aucun dispositif permettant aux malades d’alarmer la salle de soins où se tenait une partie de l’équipe. A cela, s’ajoutait le fait que les visites aux patients étaient restreintes à deux (2) par jour. En dehors des visites quels calvaires nos malades ne vivaient-ils pas? Pour notre parent, il nous fallait lui envoyer des crédits de communication pour lui permettre de nous appeler à l’extérieur et exposer tous ses malaises et manques de prise en charge dans ses difficultés respiratoires. Et suite à ses appels, nous rentrions informer l’équipe qui encore peinait à bouger, il restait de longs moments sans prise en charge.
Monsieur le Ministre, le traumatisme de notre séjour au Service de Réanimation nous hante toujours. Quand nous étions saisis par notre malade au téléphone et allions signaler ses gênes et malaises, certains agents trouvaient que nous les dérangions et ne bougeaient point pour prendre soin de lui.
Qu’en était-il de ces patients qui n’avaient pas de téléphone ou de crédit de communication pour signaler à leurs accompagnants leurs détresses et déboires, vu que certains étaient en incapacité totale? Nous gardons en mémoire les cas de cette patiente de la chambre voisine atteinte de tétanos que nous voyions à travers la vitre.
Le 15 janvier 2021, vu que le système d’oxygène ne semblait plus convenir à notre parent, toujours en détresse respiratoire, un des médecins avait demandé qu’il soit «ventilé», pour l’aider à mieux se sentir. Aucune suite n’a été donnée aux instructions de ce médecin, exposant davantage notre pauvre malade déjà fragilisé par les prestations douteuses de vos équipes.
Tellement exacerbés par les dysfonctionnements dans ce service, nous avons lutté pour lancer l’alerte sur Ouagadougou, auprès de connaissances et solliciter une meilleure prise en charge de notre parent. S’en sont donc suivis des rappels à l’ordre dans le service, pour comprendre la situation du patient TIENS BANDE, pour qui plusieurs personnes se sont mobilisées. Et c’est finalement aux environs de 20h que le patient a fini par être pris en charge. C’est depuis lors que certains de vos agents énervés l’avaient baptisé »LE MALADE VIP » et se demandaient qui était-il, pour qu’ils eussent désormais du monde sur leur dos. Ils feignaient de parler entre eux de ce malade atypique en notre présence dans leur salle de soin pour nous irriter. Nous avons vraiment tout supporté avec un seul objectif: qu’il retrouve la santé.
Monsieur le Ministre, un autre cas de manque de professionnalisme est le suivant. Lorsque notre parent avait été intubé, à la question de combien de temps durerait son coma artificiel, la réponse mettait l’emphase sur sa réaction au traitement. Soit nous leur concédons ce postulat. La même nuit de son intubation, nous avons remarqué qu’il faisait des mouvements et même se débattait et nous étions heureux qu’il réagisse déjà et cela a duré 48h. Pour nous, les signes de sa guérison étaient là et rassurants. C’est au 3e jour de son intubation qu’en pleine séance de soins, un infirmier a remarqué ses bras qui bougeaient et les amples mouvements qu’il faisait dans son coma artificiel et s’est mis à crier à ses collègues: «Il bouge, ce n’est pas normal». Quand nous avons voulu en savoir davantage, il est ressorti que le patient ne devait faire aucun mouvement et que ses réactions et mouvements étaient liés au fait que les seringues contenant les produits passés progressivement ne devaient pas être vides. Elles devaient être alimentées à un beau niveau en permanence. Malheureusement, elles étaient presque vides parce qu’un agent n’avait pas fait le travail qui était le sien. Comment qualifierez-vous tous ces écarts? Nous dirons un professionnalisme au rabais qui a probablement contribué à coûter la vie à notre parent.
Fort heureusement que pendant que certains nous rabrouaient et nous trouvaient insupportables, quand notre malade sollicitait de l’assistance au regard de ses difficultés respiratoires, d’autres étaient disponibles et enclins à prendre le temps pour nous rassurer et fournir les soins adéquats.
- Des problèmes autour de l’oxygène et de son caractère fonctionnel au service de Réanimation
Monsieur le Ministre,
Le 14 janvier, dès son hospitalisation, il se plaignait de difficultés respiratoires, sans que ses alarmes ne soient prises en charge de la plus optimale des manières; le suivi laissait à désirer.
Un des exemples les plus piteux dans un service dit de «réanimation» a été le manque de contrôle de l’oxygène placé à notre malade. Souvent, il ressentait un manque d’humidification de l’oxygène et il fallait mettre de l’eau dans un support externe. Quand l’eau tarissait, l’air ou l’oxygène séchait et fragilisait sa respiration. Ce problème a été signalé plusieurs fois, mais sans aucun changement. Son épouse qui avait vu un infirmier gérer ce problème à la clinique, avait demandé à un Infirmier de l’assister pour lui permettre de soulager son époux, vu qu’on tardait à venir à son secours. Depuis lors, c’était elle qui s’en occupait, pour humidifier son oxygène. L’oxygène au CHUSS qui était sensé l’aider à respirer l’éloignait de la vie, par la négligence de ceux qui étaient censés protéger sa vie.
Son état ayant commencé à se dégrader et n’ayant toujours pas de réponse appropriée à ces malaises et douleurs, Bernadin TIENS BANDE a rassemblé le peu de force qu’il avait pour lancer l’alerte sur son compte Facebook: @Tiens Bandé Bernadin, post capturé et relayé par nombre d’amis.
Même après son décès, ce post nous a encore valu des menaces et d’autres problèmes liés à l’organisation de ses obsèques. Nous pourrions vous en dire davantage.
Ce cri de détresse lancé par lui, le 15 janvier, vient une fois de plus mettre à nu les insuffisances du dispositif sanitaire au Burkina Faso alors que le pays s’est engagé dans les Objectifs de Développement Durable (ODD).
- Du manque de blouses de protection pour les accompagnants et les visiteurs
Monsieur le Ministre,
Certains agents au service de Réanimation ont dû surmonter, en notre présence les reproches de leurs collègues, pour pouvoir nous trouver des blouses de protection. Ils récriminaient, en disant que c’était leur stock à eux. Cela pour vous faire comprendre que l’indisponibilité des blouses de protection est une triste réalité et que nous, accompagnants, avons été exposés dans vos services parce que nous devions nous occuper de notre frère, de notre époux. Bref, il est notre parent et que ne surmonterions-nous pas pour qu’il puisse se lever, se rétablir et rentrer chez lui. Nous avions pour devoir de veiller sur lui en tout temps, durant son séjour chez vous, vu que vos services ne garantissaient pas sa sécurité.
Dans toutes vos campagnes de sensibilisation et d’adoption de nouveaux comportements au profit des agents de Santé en période de Covid-19, n’avions-nous pas entendu dire que les blouses et certains équipements sont à usage unique? Dans notre cas, quand il arrivait que l’accompagnante principale dispose d’une blouse avec la gentillesse d’un de vos agents, parce que notre malade est devenu comme la bête à abattre, («il n’y a pas de blouse disponible», le refrain quotidien dont ne se lassaient pas vos équipes), elle devait la garder 24h, voire 48h, pour être certaine de pouvoir avoir accès à son époux. Que dalle pour les agents de Santé qui nous regardaient, sans la moindre préoccupation de nous protéger. Il était courant pour nous de rentrer nous occuper de notre malade sans protection, sans que cela ne dérange personne. Dans ces situations, quelles sont vos responsabilités si dans ce service de Réanimation, un de nous, accompagnants, avait été aussi contaminé par la Covid-19 ou toute autre maladie, ou même trépassé, avec notre parent au pire des cas, de par votre faute? On nous dira de ne pas porter plainte, car ce sera la volonté de Dieu qui se serait réalisée. Est-ce normal très chère autorité? Non, non et non, nous en avons assez des manques de prise de conscience et de responsabilité de ceux qui sont sensés nous protéger.
Sentant le risque grand et aussi pour être en adéquation avec les mesures et les conseils, à nous donnés, par ce gentil médecin du service à l’endroit de qui nous ne cesseront de tarir d’éloges, pour son accueil, sa disponibilité et surtout son professionnalisme, nous avons sollicité et obtenu d’une bonne volonté, qui compatissait à notre douleur, un don de dix (10) blouses.
Pour multiplier nos chances de prendre soin de notre parent, le protéger et nous avec, nous avons lancé un SOS sur Ouagadougou, 48 h durant pour l’achat des blouses à nos frais. Là encore, c’était le parcours du combattant, aussi bien à Bobo Dioulasso qu’à Ouagadougou, pour palier votre dispositif défaillant. Des blouses ont été achetées chez un vendeur de matériel bio medical au prix unitaire de 4950 FCFA pour notre usage au CHUSS.
Combien de personnes peuvent faire cette gymnastique et disposer d’équipements adéquats pour leur protection et la prise en charge de leurs parents? Nos cœurs saignent encore plus, quand nous savons que le patient lambda, qui est sans ressources et sans connaissance ou réseau à actionner pour solliciter une simple prise en charge, ne parlons pas encore de prise en charge adéquate et meilleure.
- De la non prise en charge des personnes contacts
Autre fait, ayant été des personnes contacts avec un cas Covid-19, à aucun moment, le dispositif ne nous a orientés vers un centre pour le test. Il a fallu, une fois de plus nous débrouiller, pour se renseigner et attendre quelques jours que les réactifs soient à nouveau disponibles au CHUSS pour passer au test. Ces situations n’accroissent-elles pas le degré de contagion et de propagation de la maladie dans les différents espaces où nous les accompagnants du malade sommes passés? Le dispositif ne devrait-il pas s’améliorer en faisant du dépistage systématique des personnes contacts de malades Covid-19 une priorité?
- Du consentement non requis pour l’intubation
Monsieur le Ministre,
Vos agents ont décidé dans la nuit du 18 janvier 2021 d’intuber le sieur Bernadin TIENS BANDE, sans avoir, au préalable, requis le consentement de sa famille et de lui-même. Il était bien conscient, jouissant de toutes ses facultés mentales. Suite à l’indisponibilité de certains médicaments dans les pharmacies de garde, l’intervention a été reportée au mardi matin, pour rassembler tous les produits manquants. Pour nous, il n’y avait donc aucune urgence, vu que l’équipe médicale nous a permis d’attendre le jour, pour compléter les ordonnances. Notre parent avec qui nous avons communiqué dans la nuit du 18 et le 19 janvier au matin, était très sceptique quant à l’intervention (intubation). Il opposait un refus catégorique, parce qu’il n’avait aucune confiance en votre dispositif sanitaire. Il nous l’a signalé sans cesse (Cf SMS). Il nous demandait d’être vigilants avec vos agents, au regard du manque de professionnalisme de certains d’entre eux.
Une structure sanitaire peut-elle faire une telle intervention sans un consentement écrit de la famille du patient, surtout que l’urgence n’a pas été décrétée? Nous estimons que le choix de décider en toute liberté n’a pas été donné à notre parent et à sa famille. L’équipe lui a juste présenté, selon eux, un des avantages qui consistait à le préserver d’un coma naturel, pour protéger son cerveau en intégralité. Toujours selon vos spécialistes, le coma artificiel allait le sauver. Ici encore, maitrisaient-ils tous les paramètres de l’intubation?
Le mardi 19 janvier au matin, il y a eu une importante coupure d’électricité au CHUSS et le relais ne s’est pas fait, notre parent disait encore: »Tu vois, imagine que pendant l’intervention cela se produit, pas d’électricité, ce sera la catastrophe, je n’ai pas du tout confiance’’. Il a même exprimé ses craintes à un agent qui l’a rassuré que les dispositifs d’électricité étaient autonomes à la Réanimation mais nous étions dans l’obscurité, il nous est revenu que c’était une coupure générale à Bobo Dioulasso. Nous n’entendions que le bruit des moniteurs et des onduleurs dans les salles des patients.
De façon spécifique, le jour de l’intubation, vers 10h, notre frère m’a demandée au téléphone d’aller le rejoindre de toute urgence dans sa salle pour parler à l’équipe et leur expliquer son refus catégorique de se faire intuber, il n’en voulait pas. Son épouse à son chevet était témoin.
Dans ma course pour pouvoir aller l’écouter et le rassurer que tout se passera bien pour sa guérison, je me suis heurtée au refus catégorique d’un responsable du service de Réanimation, soi-disant qu’il était avec l’équipe, déjà en préparation pour l’intervention et que la présence de son épouse à ses côtés lui suffisait. Malgré mon insistance, je n’ai pas pu voir mon frère, ni échanger avec l’équipe soignante. J’ai été très décontenancée.
Malheureusement, ce schéma de notre frère est devenu monnaie courante et ces dernières semaines les scenarii sont idem à Ouagadougou et Bobo Dioulasso: l’intubation dans la prise en charge Covid-19 est aujourd’hui synonyme de plusieurs décès qui se suivent et se ressemblent. Des cas sont connus. Quel dommage pour notre siècle en évolution et notre pays!
- Le déficit de communication du staff du service de Réanimation.
Monsieur le Ministre,
Toutes les situations ici relatées ne sont malheureusement qu’une fine illustration du déficit de communication entretenu.
Outre cela, au service de Réanimation que nous avons fréquenté pendant 10 jours, nous avons vu des patients demandant de l’aide, notamment de l’eau à boire ou à être mieux couchés dans leurs lits, mais personne ne les assistait. On menaçait même certains accompagnants qui tentaient d’aller à la rescousse de leurs malades. Est-ce là le combat pour le Burkina Prospective 2025?
Le clou, ou si vous préférez, la chute, ce sont les deux derniers jours de notre séjour au CHUSS, du 22 au 23 janvier. Dans la soirée du 22, et ayant décidé de veiller personnellement mon frère, après 22h-23h, je passais chaque heure devant sa salle vitrée pour sa surveillance et suivre les constances sur les deux moniteurs sur lesquels il était branché. Entrée à 1h45, silencieuse et postée à un coin de la vitre, j’ai surpris et suivi 15 mn durant, deux agents de Santé paniqués, par je ne sais quelle gaffe qu’ils avaient causée sur mon frère. Ils étaient perplexes et cherchaient visiblement à résoudre un problème ou à réparer quelque chose qui leur avait échappée. Ils tâtonnaient en réalité. Je suis restée silencieuse dans mon coin pour mieux comprendre ce qu’ils feraient. A un moment donné, l’agent qui faisait face à la vitre s’est rendu compte de ma présence et ils m’ont alors intimé l’ordre d’aller patienter dehors sur le banc.
Toujours au cours de la même nuit, vu que je passais, chaque heure, vérifier l’état de santé de notre parent intubé et sans défense, j’ai remarqué des anomalies sur un des deux moniteurs. Celui-ci faisait ressortir, à un moment donné, des Apnées Sévères, mentionnées à l’écran en rouge enregistrées avec de grandes fluctuations au niveau de la tension: des pics comme des chutes. J’ai attiré, plusieurs fois, l’attention d’un des membres de l’équipe de nuit, mais il semblait me prendre pour une analphabète, en voulant me faire croire que ces constantes n’étaient à pas considérer mais que nous devons nous fier au second moniteur. Nul besoin d’être un Dr ou Pr en médecine, pour lire les constantes sur les moniteurs et faire son devoir d’accompagnant: surveiller, informer et alerter en cas de nécessité.
Monsieur le Ministre, est-ce à dire que le dispositif de prise en charge des malades de la Covid-19 n’est pas encore maîtrisé par certains de vos agents? Si c’était le cas, ils auraient pu se référer à leur hiérarchie pour éviter de sacrifier un patient ayant déjà trop souffert et subit les affres des soins en réanimation.
Nous sommes tous conscients que l’équipe de garde du 22 janvier 2021 a commis des dégâts sur notre parent au point de nous faire tourner en rond en ne nous laissant pas le voir à 6h quand l’heure de son alimentation par la sonde était arrivée. Jusqu’à 10h, nous n’avons pas eu accès à lui. Il était prétexté des prélèvements, ou des rencontres avec un responsable du service qui devait rencontrer la famille et était porté disparu à la fin. Ladite rencontre eut lieu tardivement pour nous annoncer que la santé de notre parent se dégradait et que Bernadin TIENSBANDE était devenu le malade le plus important du CHUSS au regard de son état. Toute l’équipe de la Réanimation était en alerte et à la recherche de solutions pour le garder en vie. L’équipe qui a pris le relais le 23 janvier, a souligné plus tard vers 12h, qu’elle avait enregistré de nombreuses anomalies au cours de la nuit dans sa prise en charge, qu’il fallait rattraper et gérer.
Cependant, à voir l’expression des visages, nous avons commencé à nous poser des questions. Je vous épargne la suite des choses et nous pourrons encore vous présenter les reçus de la dernière ordonnance qui nous avait été commandée, d’une valeur de 53 000F, que nous avons honorée pour que peu de temps après la nouvelle fatidique nous tombe dessus comme un couperet.
Nous ne demandons pas la pitié ou la sympathie de la part de vos services ou de votre ministère, mais nous tenons à ce que la vie humaine soit mieux respectée dans vos locaux et formations sanitaires.
Au regard de toute cette peinture du Martyr qu’a été notre parent au CHUSS et pour toutes les victimes de la négligence de certains agents de Santé, nous espérons de tout cœur que vous apporterez la lumière qui redorera le blason du ministère de la Santé du Burkina Faso, tout en inspirant confiance aux populations même les plus pauvres, en votre dispositif sanitaire.
Le cas vécu à l’Hôpital Sanou Sourou, au service de Réanimation, qui a endeuillé notre famille, n’est pas le seul au Burkina Faso. Toujours en lien avec la Covid-19, les dénonciations sont légion dans la prise en charge. On peut quitter la médiocrité pour l’excellence. Certains pays avec peu de moyens y parviennent, pourquoi pas le Burkina Faso? Qu’est ce qui nous manque?
Hier, il y a eu le Sénateur Marvin Sawadogo, aujourd’hui il y a Bernadin TIENS BANDE et c’est certain que la liste s’est allongée, depuis le 23 janvier 2021. Et notre profond désir est que cela s’arrête, avec plus de professionnalisme et de conscience de la part de vos agents dans l’exercice de leur noble mission. L’hôpital est un lieu pour sauver la vie et non pour la perdre.
Beaucoup de formations sanitaires trainent leurs cohortes de décès, à cause du manque de professionnalisme, du manque d’équipement et aussi du silence coupable de certaines familles. Laissons Dieu faire son œuvre dans nos vies quant aux engagements pris par nos décideurs, les partenaires au développement et les agents de Santé; qu’ils soient pris à coeur et mis en oeuvre pour le bien-être des populations sans distinction de classe sociale et de partis politiques dans l’équité. La santé est un droit pour tous.
Tout en souhaitant que notre appel soit entendu et trouve un écho favorable à l’action, Monsieur le Ministre, je vous souhaite une bonne réception et vous assure de nos encouragements à conduire à bien votre département.
La famille de Bernadin TIENS BANDE