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Burkina: y a-t-il eu putsch en septembre 2015?

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Le putsch encore appelé «coup d’Etat» ou en termes juridiques «attentat à la sûreté de l’Etat», est un soulèvement opéré par un clan militaire ou un groupe politique armé pour s’emparer du pouvoir par la force. Mais selon la loi burkinabè, quand est-ce qu’on peut qualifier un acte de coup d’Etat?

On dit souvent que le Burkina est un pays expérimenté en matière de coup d’Etat car il a connu au moins cinq putschs emblématiques depuis son accession à l’indépendance. Certains ont réussi et d’autres déjoués.

Après le soulèvement populaire du 3 janvier 1966, le général Sangoulé Lamizana qui a été porté au pouvoir en a été évincé par un putsch, le 25 novembre 1980. Son successeur, le colonel Saye Zerbo a été renversé à son tour par des militaires qui ont porté le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo à la magistrature suprême en 1982. Lui, également, fut éjecté par un attentat à la sûreté de l’Etat le 4 août 1983, remplacé par le capitaine Thomas Sankara qui a régné pendant quatre ans avant d’être assassiné le 15 octobre 1987. C’est ainsi qu’est venu au pouvoir le capitaine Blaise Compaoré qui a, par la suite, démissionné à cause de violentes manifestations fin octobre 2014. La dernière tentative échouée de coup d’Etat qu’a connue le «pays des Hommes intègres» fut celui de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) en 2015, que certains ont qualifié de «coup d’Etat le plus bête».

Le putsch punissable au Burkina

Le code pénal ancien du Burkina, adopté en 1996, stipule dans le livre trois des crimes et délits et de leur sanction, titre I des crimes et délits contre la chose publique, chapitre I des crimes et délits contre la sureté de l’Etat, en sa section III, Article 110, que l’attentat à la sûreté de l’Etat est l’exécution d’un complot. «Le complot suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution est un attentat puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans», dit cet article 110 du code pénal.

On parle aussi de «complot», toujours selon le code pénal, «dès que la résolution d’agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes en vue de changer par la violence le régime légal; d’exciter les populations à s’armer contre l’autorité légale de l’Etat ou à s’armer les unes contre les autres; de porter atteinte à l’intégrité du territoire national; d’organiser le massacre et la dévastation». Cette infraction est punie «d’un emprisonnement de cinq à dix ans». Les caractéristiques du complot sont indiquées dans le code pénal ancien du Burkina en son Article 109.

Pour ce qui est des complices d’attentat à la sûreté de l’Etat, le code pénal note, au niveau de l’Article 66 qu’ils sont punis comme les auteurs mêmes de ce crime, sauf si la loi en dispose autrement.

C’est sur la base de ce code pénal que le général Gilbert Diendéré et 84 autres personnes ont été mis aux arrêts, inculpés et jugés dans le dossier dit du putsch manqué de septembre 2015, pour attentat à la sûreté de l’Etat.

Au cours du procès les différentes parties ont largement mené le débat à partie de ces articles du code pénal. Si pour la partie accusatrice (le parquet), il y a eu bel et bien un coup d’Etat, pour la défense, ce qui s’est passé n’en était pas un.

Sur quoi se fonde la défense?

Le premier argument que soutient la défense qui s’appuie sur la loi burkinabè, notamment, sur les articles 109 et 110 du code pénal, c’est qu’il n’a pas été prouvé qu’il y a eu un complot. Et sans complot, selon son entendement, il ne peut y avoir attentat à la sûreté de l’Etat.

Un autre argument avancé est qu’«il n’y avait pas d’Etat légal» au Burkina au moment où la prise d’otage a eu lieu. Or les deux articles qui évoquent le complot et l’attentat, font cas de renversement d’«Etat légal».

«Est-ce qu’il y avait un Etat légal le 16 septembre 2015? Pour nous, il n’y avait pas de régime légal puisque le pouvoir qui était en place était assis sur une charte et non une Constitution», a affirmé Me Somé Mathieu, avocat du général Diendéré.

En tout cas, dans cette affaire, le tribunal militaire en charge du dossier, après délibéré, a retenu les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat contre onze personnes et déclaré constituées, les infractions de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat à l’encontre de 47 accusés.

Par Daouda ZONGO