Plus de 33 000 exilés dont 10 000 mineurs et des femmes enceintes. Des morts dans les violentes manifestations réprimées. Ce sont les chiffres tristes des revendications des séparatistes anglophones du Cameroun. En somme, c’est la naissance d’un véritable drame humanitaire qui se met lentement, mais sûrement en place et qu’essaie de fuir de nombreux Camerounais qui trouvent refuge au Nigeria voisin. Le Cameroun s’embrase-t-il inexorablement sur fonds de velléités sécessionnistes des anglophones qui, malgré les menaces du pouvoir et les représailles parfois disproportionnées de l’armée à leur encontre, ont proclamé l’indépendance de leur région, vis-à-vis de Yaoundé?
Certes, cette annonce de l’émancipation politique des zones anglophones n’est que symbolique, mais elle constitue bien l’expression d’une partie de la nation camerounaise dont les autorités réclament jalousement et peut-être encore naïvement, l’unicité et l’indivisibilité. Que valent des déclarations de patriotisme et de nationalisme dans un pays dont des habitants revendiquent leur indépendance parce que se sentant mis au ban de la marche de la société «depuis 30 ans»? Visiblement, les anglophones sont déterminés à aller jusqu’au bout de leurs revendications et le prouvent par des actions réprimées sans état d’âme par les professionnels des armes mais toujours réitérées.
A moins d’avoir délibérément opté à fond pour la politique de l’autruche, le pouvoir de Paul Biya doit accepter de faire face à la réalité et de soigner pour de bon cette gangrène qui pourrait bien conduire à l’amputation du Cameroun, de ses parties anglophones. S’il faut reconnaître que l’élan indépendantiste ne date pas d’aujourd’hui, il faut aussi, sans aucune intention de notre part de l’encourager, faire le constat que Paul Biya et son gouvernement l’ont peu ou prou pris au sérieux, pensant sans doute en venir à bout par les menaces, la force des armes et l’usure. Mais rien n’entame l’engagement des partisans de la sécession qui choisissent toujours des commémorations de grand symbole pour manifester leur mécontentement.
Preuve que les manifestations ne relèvent pas de la spontanéité mais d’une action bien pensée, avec un dessein bien précis. Hier, c’était le cas de la proclamation de l’Ambazonie en la faisant coïncider, le 1er octobre 2017 avec la commémoration de la naissance, le 1er octobre 1961 de la République fédérale du Cameroun suite à la réunification du Cameroun français et du Southern Cameroon britannique. Ce dimanche, ce fut encore le cas avec l’anniversaire de la «Fête de la jeunesse» qui, depuis 1966 était à l’origine de la date du référendum qui a réuni francophones et anglophones camerounais en 1961.
Les forces armées ont nié les accusations d’exactions portées contre elles et le pouvoir de Yaoundé est excédé par ces manifestations sécessionnistes. La réponse par la force est loin d’être la solution idoine, car Biya ne pourra pas faire tomber la fièvre indépendantiste en cassant le thermomètre. L’heure n’est plus aux représailles et dénégations fébriles mais plutôt à des négociations où la bonne foi devrait être la chose la mieux partagée pour sauver encore ce qui peut l’être, dans un Cameroun confronté aux attaques terroristes et où la contestation monte de plus en plus contre le pouvoir sans partage depuis plus de 35 ans, de Paul Biya, 84 ans, et dont la présence dans son pays constitue un événement.
Par Wakat Séra