Ils l’ont promis, ils l’ont fait! Au propre comme au figuré, le divorce est consommé. Certes, les textes fondamentaux du Cameroun ne reconnaissent pas l’ «Ambazonie», mais dans le cœur et l’esprit des habitants des régions francophones du Cameroun, c’est désormais l’entité géographique qui représente leur territoire. Excédés, lassés et blasés, selon eux, d’être mis en quarantaine du développement par le pouvoir central, les Camerounais anglophones ont fini par affirmer leur désamour à l’endroit des autorités, en proclamant leur indépendance. Pour l’instant, le fait, loin d’être anecdotique, n’est pourtant que symbolique. Mais jusqu’à quand ces velléités sécessionnistes resteront-elles à l’état d’un simple mécontentement de populations qui se sentent ostracisées? Il est à craindre que le rubicond soit franchi avec le langage indépendantiste désormais très prononcé et surtout la réponse par la force disproportionnée que le pouvoir de Yaoundé a opposé aux manifestants. La comptabilité macabre de 17 morts qui divise actuellement les gouvernants et Amnesty International n’arrange en rien la situation. Si le mouvement de défense des droits de l’homme évoque les chiffres inquiétant de 17 morts et de nombreux blessés, le gouvernement lui oppose le nombre de 10 personnes tuées. Un seul mort étant toujours de trop, la polémique est puérile et l’indécence qui en résulte révoltante.
Il faut le reconnaître, la Constitution du Cameroun consacre l’unité et l’indivisibilité du pays, mais elle n’en reconnait pas moins le droit de tous ses fils à jouir de façon égale des fruits de la prospérité. Quoi donc de plus normal que tout germe de division et d’arbitraire, surtout de la part du pouvoir, censé être au-dessus de toute considération régionaliste soit combattue avec la dernière énergie? Les deux provinces anglophones du sud-ouest et du nord-ouest du pays n’ont exercé qu’un droit de revendication légitime, et doivent être écoutées et non matées dans le sang. Et même si Yaoundé voit derrière ces contestations qui n’en finissent pas, la main de politiciens poussant à la déstabilisation du régime presque quarantenaire de l’officiellement octogénaire Paul Biya, il urge de de se mettrez à l’écoute des aspirations du peuple. Du reste, les longs règnes ont cela de pernicieux et même suicidaire qu’à un moment de l’exercice de ses mandats sans fin, le président à vie, croit disposer des droits de vie et de mort sur ceux qu’il considère désormais comme ses sujets. Paul Biya dont les séjours dans son propre pays sont considérés comme un évènement et traité ironiquement de «visites», est donc totalement déconnecté des réalités de ses concitoyens qui ne sont plus de cette génération de Camerounais soumis à merci. Il ne faudrait donc pas qu’il soit surpris que le vent du changement qui a soufflé au Burkina Faso, secoue le Togo, et a balayé les dinosaures de la Tunisie et de l’Egypte se transforme en cyclone au Cameroun, au fur à mesure qu’enflent les revendications indépendantistes des anglophones.
Tout compte fait, le Cameroun n’est pas le seul à vivre ce cauchemar. La Catalogne a pris symboliquement ses distances de Madrid. Au grand dam des inconditionnels du football qui raffolent et ne vivent que du duel Lionel Messi-Cristiano Ronaldo lors des folles soirées de classico de la Liga, les Catalans pourraient bien accéder à leur indépendance. Ils y travaillent dur pour! Les Kurdes irakiens ont également dit «oui» à l’indépendance, nonobstant les représailles qui les menaçaient et qui n’ont pas tardé à s’abattre sur eux. Le mal est donc plus profond et nécessite donc une réaction plus intelligente. Le régime sclérosé de Paul Biya devrait privilégier les réformes et surtout la force de l’argument à l’argument de la force dont il est devenu si coutumier. Notre confrère, Ahmed Abba, le correspondant de RFI en langue Haoussa, en sait quelque chose, lui qui croupit injustement depuis deux ans, dans les geôles camerounaises pour des faits non avérés de collaboration avec le groupe islamiste Boko Haram.
Par Wakat Séra