Accueil A la une Cameroun: le SDF survivra-t-il à John Fru Ndi?

Cameroun: le SDF survivra-t-il à John Fru Ndi?

0
Avec la mort de John Fru Ndi, c'est un baobab qui est tombé au Cameroun

Atypique, courageux charismatique. Les trois mots, taillés sur mesure, par le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, pour Ni John Fru Ndi que le Cameroun pleure aujourd’hui.

La mort de l’opposant historique, a semé l’émoi et la tristesse au sein des populations, notamment les militants de son parti, le Social democratic front, le mythique SDF. Car le «chairman» du mythique SDF était un politicien à cheval sur ses idéaux dont le plus important était de ne jamais mêler la violence au combat politique. C’est ainsi qu’il a usé d’un fair-play digne des grands hommes pour éviter d’entraîner le Cameroun dans une guerre civile, après sa défaite à la présidentielle de 1992. C’est animé du même esprit pacifiste qu’il a fait fi de la proposition des sécessionnistes de faire du SDF, le pilier politique de la lutte pour une indépendance du Cameroun anglophone.

Mais, confronté aux vicissitudes de la vie, dont les deux rapts dont il a été victime de la part des indépendantistes, le «meilleur ennemi» de tous les temps, de Paul Biya, a tiré sa révérence, fort de ses 81 printemps. Bien jeune, est-on en droit de soupirer, dans un pays où la politique est comme une affaire des gérontocrates. L’exemple le plus patent étant celui du président de la république. Paul Biya porte fièrement, ses 90 piges officielles, car certains lui en donnent plus.

Si comme on le dit en Afrique, c’est un baobab qui vient de tomber avec la mort du leader politique anglophone qui n’a cessé de prôner l’unité du Cameroun, quel héritage a laissé Ni John Fru Ndi à ses compatriotes et plus particulièrement aux SDFistes? Certes, d’autres cadres du parti qui a longtemps trôné comme leader de l’opposition camerounaise peuvent reprendre le flambeau. Vient en tête des successeurs certains, le premier vice-président du parti, Joshua Osih, celui-là même qui a été le candidat du parti à la présidentielle de 2018. Mais ces héritiers ont-ils le même charisme et la même clairvoyance et surtout le même esprit fédérateur pour tenir une barque qui tanguait déjà du vivant de son premier capitaine?

Rien n’est moins sûr car, en plus des ambitions très personnelles de chacun d’eux de devenir calife à la place du calife, les responsables du SDF résisteront difficilement à l’appât financier et aux strapontins que ne manquera pas de faire miroiter le pouvoir en place pour en finir, pour de bon avec un adversaire politique qui dans le temps, lui a donné du fil à retordre. En l’absence du berger, qui, malgré sa longue maladie, tenait encore le troupeau, le loup foncera donc avec entrain dans une bergerie qui n’était pas forcément l’une des plus sécurisées.

Il ne faut pas être un analyste politique hors-pair, encore moins un liseur dans la boule de cristal, pour voir l’avenir difficile qui sera celui du SDF secoué par des querelles et des oppositions internes de cadres dont l’appétit sera encore plus vorace avec la mort de «Chairman». En tout cas, non seulement le SDF doit faire face aux désaccords entre ses militants au sommet, mais il doit affronter la vague de nouveaux acteurs aux dents longues, déterminés à occuper les premières loges en vue de se positionner pour la succession de «Papy Popaul», aux affaires depuis le 6 novembre 1982. Une longévité au pouvoir de 41 ans! Seul son voisin et petit frère équato-guinéen fait mieux. L’inamovible et inusable Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 81 ans et 44 ans de règne sans partage, détient, le record en la matière sur le continent.

Le SDF survivra-t-il à son géniteur? Question à un plat de ndolè, la succulente spécialité culinaire du Cameroun. En attendant le déchirement ou le recollage des morceaux, c’est selon, les hommages pleuvent sur la dépouille encore chaude de «Chairman»!

Par Wakat Séra