Paul Biya tient-il encore la barque dans la sérénité? Rien n’est moins sûr avec la vague d’arrestations qui déferle actuellement sur l’opposition et la société civile camerounaises. Même Maurice Kamto, arrivé deuxième avec 14,23% lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 et qui continue de revendiquer la victoire qu’il pense lui avoir été volée, n’a pas échappé à la nasse des sbires du presque nonagénaire président. Les manifestations de contestation qui ont suivi la proclamation des résultats et qui ont connu un regain ces derniers jours, sont la preuve que cet énième mandat du président, depuis plus de 36 ans maintenant, ne sera pas un long fleuve tranquille pour lui. Certes les rassemblements étaient interdits, mais le peuple, dépositaire du pouvoir en démocratie n’a d’autre alternative que la rue, lorsque toutes les autres issues offertes par la loi lui sont confisquées. Les ressortissants camerounais en France sont même allés jusqu’à prendre en otage, leur ambassade sur les bords de la Seine. A Douala comme dans plusieurs autres villes du Cameroun, les manifestants ont bravé cette interdiction derrière laquelle se sont réfugiées les forces de sécurité pour interpeller plus de la centaine de personnes hostiles au pouvoir fossilisé en place depuis près de quarante années.
La tension palpable observée au Cameroun n’est que la suite logique du long règne de Paul Biya qui visiblement n’a plus rien à proposer à ses concitoyens mais est déterminé à mourir au palais présidentiel d’Etoudi. Il croyait sans doute que les Camerounais avaient avalisé son nouvel hold-up alors que le peuple craignait plutôt le déploiement impressionnant d’hommes de tenue à la gâchette très facile. Ces «Lucky Luke» des temps modernes, qui tirent également aussi vite que leur ombre, mais contrairement au héros «solitaire» dessiné par le célèbre scénariste René Gosciny qui mène la vie dure à la famille Dalton, ont fondé leur réputation en matant le peuple au lieu de lui porter assistance et sécurité. Ils ont comme pour feuille de route d’être des acteurs du 92è anniversaire, et plus si affinités, de Paul Biya sur le trône. Question: que peut faire encore Paul Biya pour le Cameroun où ses séjours anecdotiques sont de véritables événements, le couple présidentiel ayant établi ses pénates en Suisse? L’époux de Chantal Biya qui fait face aujourd’hui aux velléités des séparatistes des régions anglophones et aux incursions récurrentes de la secte islamiste Boko Haram au Cameroun, aurait été d’une meilleure inspiration en passant la main depuis bien longtemps. Malheureusement, il a encore raté le coche en volant la victoire à Maurice Kamto. En tout cas, son système sclérosé voudrait faire du leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) un héros qu’il n’aurait pas procédé à son arrestation.
De toute façon, l’embastillement où l’exil forcé des opposants n’est pas une trouvaille camerounaise. C’est même la règle, en Afrique et aussi dans certains pays occidentaux dont les dirigeant sont frileux à l’alternance démocratique. Pourvu que Paul Biya et les thuriféraires de son pouvoir reviennent à la raison en intégrant cette vérité qu’à trop laisser la marmite bouillonner, elle finit par exploser.
Par Wakat Séra