Au moins deux morts, et des blessés dont un grave. C’est le bilan d’une fusillade d’envergure qui a eu pour théâtre la ville de Buea, ce mercredi. Le fait aurait paru anodin où être classé dans la colonne des «chiens écrasés» des journaux, s’il n’avait eu lieu en pleine Coupe d’Afrique des nations, dont le Cameroun abrite la 33e édition. Pire, les canons mortels ont tonné, non loin du stade de Molyko, site d’entraînement pour les équipes du groupe F. Du reste, les Aigles du Mali qui faisaient leur entrée dans la compétition contre d’autres Aigles, ceux de Carthage, ont dû plier bagage, dare-dare, de cette enceinte, alors qu’ils étaient en plein exercice. Qui donc a fait crépité des balles alors que la balle de la CAN devait rebondir ce même jour pour marquer les débuts du tournoi dans cette province du sud-ouest camerounais?
Face à l’omerta des autorités sur la question, les regards sont tournés vers les séparatistes anglophones déterminés à se saisir de la CAN pour se faire entendre. Ils auraient trouvé en face d’eux une partie des nombreux éléments des Forces de sécurité qui veillent sur l’événement phare du football africain. Sont-ce les mêmes combattants «ambazoniens» qui ont abattu Emmanuel Kemende? Pour la police, nul besoin de se triturer les méninges ou faire appel à Sherlock Holmes, ceux qui ont assassiné, en pleine rue de Bamenda, le sénateur du SDF, parti dont le père n’est autre que le mythique opposant John Fru Ndi, sont des combattants séparatistes anglophones.
Les séparatistes voudraient porter un coup fatal à la CAN camerounaise qui a connu bien des péripéties avant sa tenue, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Certes, le conflit entre l’autorité centrale et les séparatistes anglophones est une véritable plaie béante que le Cameroun n’arrive pas à panser depuis des décennies. Le mouvement de contestation qui porte cette revendication de séparation entre les zones anglophones et francophones du pays, ont d’ailleurs autoproclamé, le 1er octobre 2017, l’Ambazonie ou Amba Land, un Etat constitué des régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. Certes, ceux qui se réclament de cette république qui n’existe pas officiellement sur la carte du Cameroun ont le droit de le faire s’ils se sentent mis au ban du développement d’ensemble du pays. Cela fait partie de la liberté d’expression dont tout Etat démocratique doit s’enorgueillir.
Mais les «ambazoniens» ont-ils le droit de prendre en otage, un sport aussi rassembleur que le football, et surtout une compétition comme la CAN , qui fait vibrer, sans considération de religion, d’âge, encore moins de couleur politique, la nation, les nations? Non, il est temps pour les sécessionnistes et ceux qui les combattent, d’observer la paix des braves, ou ne serait-ce que la trêve autour du ballon rond frappé déjà par le Covid-19 qui n’épargne ni anglophones, ni francophones. Le football, surtout quand il rassemble autant de monde venu de tous les horizons et captive tant de téléspectateurs de toutes les parties de la planète, doit être un facteur d’union et non de division. Le ballon rond doit respirer la joie, notamment en ces temps de grisaille provoquée par le Covid-19 et ses multiples variants, dont le dernier-né, Omicron fait feu de tout bois.
La CAN 2021 n’a pas besoin d’une mauvaise publicité de plus, elle qui vient de vivre sa première confusion, avec le match entre la Tunisie et le Mali, joué ce mercredi et dont la fin a été sifflée prématurément à deux reprises, avant épuisement des 90 minutes réglementaires auxquelles devraient s’ajouter le temps additionnel. Le Zambien Janny Sikazwe, qui invente le temps soustractionnel, a ironisé un twitto, évoquant l’énorme bourde du juge central de Tunisie-Mali!
En attendant, pour que le ballon continue de rebondir sur les pelouses de Limbé, Yaoundé, Douala, Bafoussam, Buea, et Garoua, en toute sécurité et dans la sérénité, il importe que les combattants séparatistes mettent balle à terre et que l’Etat du Cameroun renforce la sécurité dans ce pays de football, vers lequel tous les regards sont tournés.
Par Wakat Séra