Il n’y a pas deux capitaines dans un même bateau, comme il ne saurait y avoir deux lions dans la tanière de la Fédération camerounaise de football. Samuel Eto’o Fils, le président de la Fécafoot a tenu à le faire savoir à ceux qui semblent encore l’ignorer. Des représentants du ministre camerounais des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, et le sélectionneur belge Marc Brys, nommé par le même ministre à la tête de la sélection A de football du Cameroun, en ont eu ferme confirmation. C’était à l’occasion d’une rencontre de travail convoquée, ce mardi, par le patron du foot camerounais pour, visiblement remettre les pendules à l’heure, en rapprochant le staff désigné par lui et celui mis en place par le département des Sports. Mais les échanges ont été houleux entre les hommes de l’institution gouvernementale et le président de la Fécafoot exaspéré par ce qu’il considère comme une intrusion dans ses vestiaires. Ce fut un miracle si les lieux n’ont pas servi de ring aux deux parties, qui se regardent en chiens de faïence, depuis quelques temps, pour le plus grand malheur d’un football camerounais en pleine descente aux enfers.
«Ici, vous n’avez pas la parole. Quand je viens au ministère, je vous respecte, ici je suis le seul patron! C’est la dernière fois, Monsieur Tollo (Cyrille Tollo du ministère des Sports, NDLR)! Appelez la sécurité. Vous le mettez dehors!» Le ton était sans équivoque, tout comme celui utilisé par Samuel Eto’o pour rappeler au sélectionneur belge qui était son employeur. Même si c’est le ministère des Sports qui le paie. Un paradoxe qui rend, du reste, les relations bien ambiguës entre les deux parties actuellement en conflit. En effet, traditionnellement, c’est la Fécafoot qui fait le choix des entraîneurs nationaux mais c’est le ministère qui les paie. Toute chose qui peut faire croire au «payeur» qu’il a tous les droits, dont celui de nommer le sélectionneur national à qui il paie un salaire. Dans le même temps, c’est la Fécacoot et son président qui ont la responsabilité de répondre des résultats du sélectionneur. Quand tout allait bien, et que les Lions, dont un certain Samuel Eto’o, étaient indomptables, ce qui ressemble à une incongruité ne dérangeait guère. Mais avec les prestations décevantes des Lions Indomptables qui ont perdu crinière, crocs et griffes, ont, alors, affleuré les difficultés de cette cohabitation bien singulière entre le politique et le ballon rond.
Question: Samuel Eto’o, dont le règne à la tête de la Fécafoot est très perturbé comme par une main invisible, n’est-il pas victime des ambitions, vraies ou fausses, de présidentiable qui lui sont prêtées, notamment par les politiciens qui scrutent certainement trop du côté du Liberia où, George Weah, un autre footballeur stratosphérique, le seul Ballon d’Or africain en Europe, est devenu président de la République en 2018, avant de céder son fauteuil cette année? En tout cas, dans ce Cameroun de tous les possibles, où la gérontocratie semble être devenu le premier atout pour être chef d’institutions comme la présidence, l’Assemblée nationale et le Sénat, l’outrecuidance du quadra Samuel Eto’o, il n’a que 43 ans, ne peut qu’être vue d’un mauvais œil.
Pourtant, à quelques jours de leur premier rassemblement prévu pour le 3 juin, avant les deux premiers matches des éliminatoires pour la Coupe du monde 2026, les Lions Indomptables, plus que jamais, ont besoin de calme et de sérénité. Ce qui est loin d’être le cas actuellement, dans une tanière qui ressemble davantage à la Tour de Babel. Que tirer de footballeurs tiraillés entre deux staffs, l’un mis en place par la Fécafoot et l’autre par le ministère des Sports? Il est certainement temps que, pour le bien des Lions et, singulièrement du Cameroun, Paul Biya, le président de la république, siffle la fin de la récréation et amène les uns et les autres à jouer balle à terre!
Par Wakat Séra