Pendant que les parents sont dans le « trou » de la carrière de granite de Pissy, les enfants des femmes qui y travaillent sont envoyés dans une école pré-scolaire non loin de là, créée par l’association de l’ensemble des exploitants pour, ont-ils dit, respecter la loi interdisant les pires formes de travail des enfants. Immersion dans un univers aux allures de cratère de volcan.
Il n’est pas évident de voir la photo de cet endroit et de savoir qu’il est situé en plein cœur de Ouagadougou. Et pourtant, la carrière de granite de Pissy se trouve dans le dos de la Société nationale burkinabè des Hydrocarbures (SONABHY) dans l’arrondissement 6 (ouest) de la capitale burkinabè. A la vue, tout ressemble à un cratère de volcan : le trou béant et la fumée qui en sort. Il fourmille des gens autant aux abords qu’à l’intérieur du trou.
Et ce lieu, c’est le business de 1200 Burkinabè (700 femmes et 500 hommes), selon le président de l’Association des travailleurs de la roche du Kadiogo, Souleymane Porgo. Ce dernier nous explique que la carrière autrefois était utilisée par la Régie Abidjan-Niger (RAN) pour le chemin de fer depuis les temps coloniaux. Abandonnée, les actuels « propriétaires » en « font leur gagne-pain » depuis les années 90.
A l’en croire, leur présence se justifie par le chômage provoqué, entre autres, par la privatisation de certaines sociétés et « la guerre en Côte d’Ivoire ». Avec une dizaine de travailleurs au début, le millier dépassé à ce jour, ils disent être organisés en comité pour diverses raisons dont le secours aux blessés… Au CMA de Pissy, Porgo nous confie que le comité s’est organisé pour que chaque travailleur qui se blesse ait un « bon » pour les médicaments « autant qu’il veut ».
Il faut préciser qu’à la présence de l’équipe de Wakat Séra à la carrière, une équipe de santé est venue pour prendre en charge certains blessés. Ils sont de l’Association secours à l’enfance du Faso (SOS/SEF) dont le président est Abou Koné:
Pour l’extraction des blocs de granite à concasser en différentes tailles pour diverses utilisations, ils disent utiliser une méthode ancestrale qui consiste à chauffer la roche qui se fendille. A partir de la fente, ils utilisent leurs outils pour découper de gros morceaux.
A la question de savoir si ce métier nourrit son homme, M. Porgo est formel : « Nous n’arrivons pas à nous en sortir, mais pour sauvegarder notre dignité quand même, c’est pas mal. Ce travail vaut mieux que la mendicité ». Il nous apprend aussi, qu’il est possible d’avoir 1000 F CFA par jour et certains travaillent 7jours/7.
Pour ce qui concerne les enfants, « nous avons fait une école, puisqu’il existe une loi qui interdit les pires formes de travail des enfants ». Il explique qu’au départ cette école était sous un hangar, « des prêtres et leurs amis italiens ont construit un bâtiment de trois classes pour nous ». Cela veut dire que « ce problème est résolu, mais le souci actuellement, c’est comment faire manger ces enfants ».
L’école qui relève du préscolaire est tenue par Mamounata Ouédraogo, la directrice. Organisée en petite section (30 élèves), moyenne section (46 élèves), en grande section (33 élèves), et la crèche, l’école maternelle des travailleurs de la carrière de Pissy regroupe plus de 100 enfants. La directrice donne des explications sur le fonctionnement:
Jean Sama (marié avec trois enfants) qui travaille à la carrière de Pissy, depuis 15 ans selon lui, dit que la journée de travail commence à 7h pour finir aux environs de 18h. Lui nous fait savoir qu’il peut avoir 3000 ou 4000 F CFA par jour. Avant sa vie sur la carrière, il travaillait dans une boulangerie qui a fermé boutique.
Par Boureima DEMBELE