En consacrant sa première tournée africaine, suite à sa réélection, au Cameroun, au Bénin et à la Guinée Bissau, Emmanuel Macron aurait un message à faire passer qu’il ne s’y serait pris autrement. En clair, de Yaoundé à Cotonou, et à Bissau où il déposera ses valises ce jeudi, le président français partage largement la présence française nouvelle formule avec ses hôtes à travers des explications de texte bien fournies. Preuve que les relations décomplexées feront désormais de la France et des pays africains, en principe, des partenaires qui traiteront d’égal à égal. Mais comme le disent les militaires, c’est le terrain qui dicte la manœuvre! Dans l’attente donc de faire le constat de l’effectivité de ces nouveaux paradigmes qui se sont invités dans une coopération qui prévalait jadis entre obligés et obligeant, il faut reconnaître que face à l’appétit d’ogre manifesté pour le continent par ses concurrents chinois, russes, turc et indiens, pour ne pas les citer, le Français n’avait pas d’autre choix.
En tout cas, la France a désormais peu de marge de manœuvre, ces anciennes terres africaines faisant l’objet d’une convoitise appuyée de la part d’Etats prêts à mettre en œuvre les grands moyens, pour parvenir à leurs fins dans un jeu où tous les coups sont permis. Surtout la propagande et les fausses informations que ceux qui manient bien la langue de Shakespeare appellent «Fake news». Emmanuel Macron a compris qu’il faut discuter avec ses homologues africains en évitant d’avoir des flirts trop poussés avec leurs oppositions et sociétés civiles. A trop approcher celles-ci pour porter la bonne nouvelle de la démocratie, on irrite facilement les pouvoirs en place qui n’hésitent plus à tomber dans les bras de soupirants plus entreprenants et moins exigeants. En tout cas, au Cameroun comme au Bénin, Emmanuel Macron a expérimenté la formule et n’a rencontré, ainsi, que des dirigeants heureux.
Tant que les sujets et les comportements qui fâchent ne sont pas à l’ordre du jour, surtout dans cette opération de reconquête qui ne dit pas son nom tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles. Au Cameroun de Paul Biya, dont il est même devenu l’«ambassadeur», le temps d’une conférence de presse, la guerre civile qui oppose depuis 5 ans, le gouvernement aux mouvements séparatistes anglophones, les prisonniers politiques et le long règne de «Popaul» n’ont à aucun moment constitué un obstacle majeur pour Macron. Dans un passé récent, il aurait pu brandir ces faits comme des manquements à la démocratie pour ne même pas mettre les pieds au Cameroun. Mais les temps ont changé et il faut vite ralentir la progression des Russes et des Chinois à défaut de pouvoir la stopper. Avec le Bénin à qui elle vient de rendre 26 trésors royaux, ce n’est pas rien, la France entend également renforcer la coopération sécuritaire. Dans ce sens, des promesses ont été faites à Patrice Talon qui ne veut pas perdre le nord de son pays, notamment la zone frontalière avec le Burkina Faso, qui subit des attaques armées meurtrières.
Au Bénin, comme au Cameroun, le parangon de vertu s’est effacé devant le défenseur des intérêts économiques de la France. Patrice Talon a même pu prouver à son visiteur de 48 heures, par son éloquence hors-pair, que dans son pays il n’y a pas de prisonniers politiques. Il n’y a certainement pas d’exilé politique non plus. Le constitutionnaliste et professeur d’université Joël Aïvo et l’ancienne ministre Reckia Madougou, sont donc des politiques prisonniers, tout comme l’opposant Sébastien Ajavon est un politique exilé! En tout cas, Macron II ayant compris qu’il ne faut pas trop fouiller dans les poubelles de ses homologues africains terminera, sans doute en toute tranquillité, son voyage sous les tropiques par la Guinée Bissau où il prendra langue avec le tout nouveau président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Comme dans un hasard bien pensé de calendrier, Umaro Sissoco Embalo vient de boucler des visites dans des pays en transition, notamment la Guinée et le Burkina Faso, dirigés, comme le Mali, par des juntes militaires.
Comme l’a chanté le baobab ivoirien du reggae, Alpha Blondy, «tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas»! Emmanuel Macron est loin d’être un «imbécile»…Donc il a changé, il a évolué, et tant pis pour ceux qui attendaient qu’il vienne mettre le maximum de pression sur Paul Biya pour qu’il respecte les droits de l’homme ou qu’il aille exigé de Patrice Talon qu’il fasse la grande ouverture pour son opposition réelle qu’il a mise hors-jeu.
Par Wakat Séra