Maintenir la pression sur les hommes de Kati, pour la tenue effective des élections présidentielle et législatives de février 2022. C’est la principale résolution accouchée par le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) de ce 19 juin. Les têtes couronnées de la sous-région en ont ainsi décidé, tout en reconnaissant les pas en avant effectués par le nouvel homme fort de Bamako dans la poursuite de la transition politique malienne. Certes, le gouvernement formé par Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre nommé par le colonel Assimi Goïta après avoir mis hors du jeu la transition, le président Bah N’Daw et son chef du gouvernement, Mouctar Ouane, ne fait pas l’unanimité, car fortement aux couleurs kaki.
En effet, une quinzaine de maroquins clés, demeurent aux mains des militaires et les autres ministères sont allés à des personnalités dont certaines sont, encore, sous le feu nourri des critiques des politiques et autres membres de la société civile. La trajectoire prise par le Mali semble assez encourageante pour mériter l’égard de la CEDEAO, mais insuffisante pour effacer les grosses boursouflures laissées par les deux putschs militaires, l’un contre le pouvoir démocratique de Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020 et l’autre contre la Transition, ce 24 mai.
Ainsi donc, la levée de la suspension du Mali des instances de la CEDEAO n’a pas été concrétisée ce week-end à Accra, comme l’espéraient certains. La seule crainte que peut susciter la position de la CEDEAO, c’est bien ce fétichisme des dates pour tenir des élections, présidentielle et législatives, au plus tard le 27 février 2022. Le temps imparti aux dirigeant maliens semble bien court, rien qu’en tenant compte des chantiers ouverts par le nouveau Premier ministre de la transition qui doit mettre en musique, le programme de son président. Tenue des élections, organisation des assises nationales de la refondation qui rassembleront politiques, syndicats, société civile, réformes institutionnelles qui cibleront le cadre juridique, la révision de la charte des partis politiques et de la loi électorale, retouche de la Constitution dont on ne sait, pour l’instant, quels articles sont visés, relecture de l’Accord de paix d’Alger de 2015, etc.
Sept travaux d’Hercule que Choguel Maïga devra accomplir dans un temps record, afin d’obtenir le quitus de la CEDEAO, et de la communauté internationale en général. En tout cas la montre ne tourne plus pour le pseudo attelage militaro-civil qui doit remettre le Mali sur les rails de la démocratie, dans le calendrier de la CEDEAO, devenu trop serré pour ce pays qui doit lutter contre les attaques terroristes et sortir définitivement du cycle infernal des coups d’Etat qui l’a happé depuis le 19 novembre 1968, lorsque le président Modibo Keïta a été évincé du pouvoir par le lieutenant Moussa Traoré.
Questions: la CEDEAO, jouit-elle encore d’une crédibilité à même de lui permettre d’imposer un carcan calendaire au Mali, alors que des chefs d’Etat qui en font partie, et bien d’autres organisations africaines et internationales, sont, atones et aphones, sur la prise de pouvoir par les généraux tchadiens, après la mort du maréchal Idriss Déby Itno? Coup d’Etat qu’ils ont même accompagné en discours et en acte! La CEDEAO peut-elle encore imposer des sanctions aux militaires maliens, alors qu’elle n’a pas bougé le plus petit doigt, face à des coups d’Etat constitutionnels qui ont favorisé le printemps des troisièmes mandats dont ceux de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara et du Guinéen Alpha Condé? Les dirigeants de la CEDEAO croient-ils encore, eux-mêmes aux décisions qu’ils prennent et dont les peuples ne sont plus dupes?
Il urge pour la CEDEAO et le reste de la communauté internationale, de redorer leur blason, en ouvrant l’œil, et le bon, sur la mal gouvernance, sport favori des dirigeants africains, et en musclant l’arsenal normatif contre les coups d’Etat, qu’ils soient le fait de militaires qui se fabriquent par la suite une virginité par les urnes ou de civils qui abusent du pouvoir pour asphyxier leurs peuples. En attendant, il faut accompagner le Mali vers une sortie de crise durable, en se basant sur des solutions endogènes et lui éviter les conséquences de rivalités entre puissances étrangères qui n’ont que des visées colonisatrices.
Par Wakat Séra