Toute prise de pouvoir par les armes tombant immédiatement sous le couperet des censeurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le putsch perpétré par le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et ses hommes, et qui a déposé, ce lundi, le désormais ancien président du Faso Roch Marc Christian Kaboré, sera, ce vendredi, au menu d’un sommet extraordinaire de l’organisation sous-régionale. Quel sera le tarif des sanctions que récolteront les auteurs de ce coup d’Etat qui vient confirmer cette malédiction du pouvoir jamais transmis par les urnes, qui colle au Burkina, depuis les indépendances? Pourvu que la CEDEAO ne lance pas des salves de tirs sur l’ambulance Burkina.
Le suspense n’en sera pas réellement un, car la CEDEAO a pour coutume de faire monter la pression par cran. Ce qui est certain, le Burkina sera suspendu des instances de l’organisation, et des mesures ciblées seront peut-être prises à l’encontre des putschistes, avec injonction de libérer le président déchu et démissionnaire, de mettre en place une transition civile ou militaro civile, qui aura pour tâche d’organiser des élections dans 6 mois, pour le retour à l’ordre constitutionnel. Et tutti quanti.
Malgré le soutien populaire, le coup de force des militaires, le énième après ceux qui ont porté au pouvoir, entre autres, le colonel Saye Zerbo, le Médecin colonel Jean-Baptiste Ouédraogo, le capitaine Isidore Thomas Sankara, le capitaine Blaise Compaoré, est dans l’œil du cyclone de la CEDEAO. A en croire les confidences d’un dirigeant ouest-africain, la chance sera tout de même donnée au Burkina de passer à côté des sanctions lourdes si les dirigeants donnent des gages pour une transition de durée raisonnable qui devrait conduire à l’organisation d’élections ouvertes afin de ramener le Burkina sur les rails de la démocratie.
Le Burkina n’a visiblement pas intérêt à aller à l’école du Mali où la junte au pouvoir a provoqué l’ire de la CEDEAO en demandant une si longue longévité de 5 ans pour une transition prévue, au départ, pour durer 6 mois. Un Mali où la passe d’armes verbale fait grimper le mercure entre le gouvernement de transition et les pays occidentaux, et vient de déboucher sur le retour dans leur pays de la centaine de Danois, dont des médecins et des militaires, déployés sur les bords du Djoliba par Copenhague, sous pavillon de la force européenne Takuba, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les autorités maliennes à l’origine de ce rapatriement n’en veulent pas!
Que réserve donc la CEDEAO à un Burkina Faso très affaibli, militairement et économiquement, par des attaques armées meurtrières et des méfaits du Covid-19 qui sont venus se greffer à une pauvreté endémique que supportent, difficilement, des populations contraintes de serrer la ceinture jusqu’à l’étranglement? Nul doute que la CEDEAO tiendra compte de tous ces facteurs, mais ne saurait faire du Burkina une exception à son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance au risque de créer un précédent fâcheux et même dangereux dans cette sous-région où s’établit comme un printemps de coups d’Etat militaires.
Des prises de pouvoir par les armes qui s’enchaînent comme les 3e mandats et des charcutages de constitution sur lesquels la CEDEAO a, sans surprise, fermé les yeux, s’adonnant à la politique de l’autruche alors que ces pratiques sont autant, sinon plus nocives pour la démocratie. Et, plus parce qu’ils sont commis par des dirigeants qui doivent être des gardiens du temple, ces atteintes aux lois fondamentales doivent faire l’objet de sanctions plus sévères.
En attendant, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), doit s’attendre au carton rouge de la CEDEAO, malgré le plaidoyer du colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, à l’endroit de la communauté internationale et des «amis» du Burkina, dont il a requis l’accompagnement, lors de sa première adresse à la Nation ce jeudi soir, au cours de laquelle le nouveau maître de Ouagadougou a été assez consensuel.
Par Wakat Séra