Si suite à la fronde, vraie ou montée de toute pièce, du patron de Wagner Evguéni Prigojine contre son ami et maître Vladimir Poutine, le présent et l’avenir de la société de sécurité privée russe sont des plus incertains en Russie et ailleurs dans le monde, en Afrique, le groupe poursuit visiblement son business.
Presqu’en toute quiétude, Wagner vogue en mer calme, surtout en République centrafricaine où ses éléments qui se comptent en millier sont présentés comme des sauveurs du pays qui était dans les griffes de divers groupes rebelles. Leur commerce est si florissant et la confiance du maître des lieux en eux si grande, que pour le moment, les hommes de Wagner que Bangui exhibe avec des casquettes d’instructeurs russes, mais que la communauté internationale désigne comme des «mercenaires», sont comme poissons dans le fleuve Oubangui. Même si Kremlin qui a confirmé, à la faveur de cette crise de juin que Wagner est ce monstre qu’il a fabriqué et qui voulait le manger, en lançant contre lui cette mutinerie avortée, ne doit plus lui accorder une confiance aveugle.
Certes, la Russie officielle de Vladimir Poutine doit tirer un profit énorme des marchés juteux, et d’or, au propre comme au figuré, obtenus et exécutés par Wagner sur le continent, mais la sale besogne ne peut être officiellement revendiquée par Moscou qui entend tout de même se forger et conserver, une certaine respectabilité dans le concert des nations. Même si elle discute, peu ou prou, bonne gouvernance et respect des droits de l’homme avec ses «partenaires», nouveaux ou de longue date, la Russie officielle essaie visiblement de se fixer une ligne Maginot, d’où l’importance de Wagner sur l’échiquier du bon joueur d’échecs de la Place Rouge. Dans cette logique, le groupe Wagner repris en main par Kremlin, a le mérite de ne plus souffrir de ce flou opaque artistique dont la Russie et ses partenaires africains l’enveloppaient. Son statut devient, on ne peut plus, clair!
Du coup, quelle sera désormais, l’attitude des hôtes de Wagner, qui sont si fiers de leur «souveraineté non marchandable» et engagés à fond dans la lutte contre l’impérialisme par une chasse sans mesure ouverte contre les Occidentaux? Sauront-ils mettre dans la balance de leurs relations avec Wagner, que ce dernier, avec cette tentative de rébellion de Evguéni Prigojine, a trahi son maître? Et si Wagner les trahissait un jour, surtout que ses hommes sont qualifiés de mercenaires, alors que le mercenaire a la réputation de se faire payer ses services, et surtout de travailler pour le plus offrant? Autant de questions qui révèlent le danger pour les pays, africains ou non, de dormir sur la natte de Wagner. Car, non seulement ils ne sont pas à l’abri d’une trahison ou d’un abandon «en plein vol» comme l’a dit l’autre, mais en plus, sauf à faire dans l’hypocrisie, ils seront contraints de mettre sous éteignoir, leur souveraineté qui pourtant est devenue le concept le plus en vogue sous les tropiques.
Sauf si clamer son émancipation n’est qu’un simple effet de mode où un argument purement populiste, c’est, pour la Centrafrique, sortir des bras de l’impérialisme français pour se blottir dans les serres russes! Bangui est-il devenu une sous-préfecture de Moscou? En tout cas, Wagner est bien dans la place et s’apprête à y sécuriser, le référendum du 30 juillet, qui servira certainement à plébisciter la nouvelle constitution taillée sur mesure pour Faustin-Archange Touadéra, afin de décrocher son 3e mandat. Et la présidence à vie, si affinités! Les affaires marchent donc bien pour Wagner. Et pour l’archange de Bangui! Jusqu’à quand? That is the question, comme le diraient les sujets du souverain Charles III.
Par Wakat Séra