L’ancien président centrafricain, François Bozizé, est dans le viseur de la justice de son pays, notamment de la Cour pénale spéciale (CPS), qui a émis, depuis ce mardi 30 avril, un mandat d’arrêt international contre lui. Accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans l’intervalle de 2009 à 2013, «l’exilé de Bissau» ignore à quelle sauce il sera mangé dans l’avenir. Pour l’instant, il ne doit sa liberté qu’à son hôte depuis un peu plus d’un an, qui s’oppose à son retour en Centrafrique, s’appuyant sur l’argument, pour l’instant difficile à démonter, selon lequel la Guinée-Bissau «n’a pas de loi d’extradition».
Questions: le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo, surpris, du reste, par cette action judiciaire contre son protégé, traqué par son pays d’origine, résistera-t-il longtemps encore aux injonctions de Bangui? Bissau ne finira-t-il pas par céder à la demande de la CPS, contraint par une pression quelconque, intéressée ou non? Cette cours spéciale n’est-elle pas que le rideau derrière lequel se cache Faustin-Archange Touadéra, pour mettre le grappin sur un adversaire dont il craint qu’il ne veuille reprendre le fauteuil présidentiel duquel il a été chassé, par le coup d’Etat du 24 mars 2013? Pourquoi est-ce seulement maintenant que la CPS se lance aux trousses de l’ancien chef de l’Etat centrafricain qui était venu au pouvoir par le coup de force du 15 mars 2003, et est l’objet d’autres mandats d’arrêt précédents à celui du mois passé?
Sans chercher à s’ériger en avocat de François Bozizé, qui a été à la tête de plusieurs coups d’Etat dont l’échec répété l’a conduit plusieurs fois à la fuite et à l’exil, c’est difficile de ne pas voir par cette poursuite contre lui, une manœuvre de l’homme fort de Bangui, de mettre son pouvoir à l’abri de la convoitise de l’ancien président. Les exemples foisonnent sur le continent, qui montrent comment les nouveaux présidents harcèlent leurs prédécesseurs, souvent par peur que ces derniers ne cherchent à revenir au pouvoir. Surtout que François Bozizé Yanvougonda, dans son cas, traine la réputation peu enviée d’indécrottable déstabilisateur. Il pourrait bien connaître le même sort que le capitaine Moussa Dadis Camara qui répond, actuellement, devant la justice de son pays, de crimes et viols commis le 24 septembre 2009 dans le plus grand stade de Conakry, durant son règne cocasse sur la Guinée, où il a pris le pouvoir suite à la mort, le 22 décembre 2008, du général Lansana Conté.
En tout cas, si François Bozizé doit être jugé, si sa digue protectrice, nomméer Umaro Sissco Embalo, cède, il faudra souhaiter que le droit et rien que le droit soit dit, pour éviter que le politique ne se serve une fois de plus de la justice, pour des intérêts personnels de conservation du pouvoir. Mais rien que les misères de cet exil, dont la dernière est la poursuite judiciaire contre François Bozizé sont la preuve que le puissant et intouchable d’aujourd’hui, peut devenir demain, un simple justiciable qui doit répondre d’actes criminels commis sous son magistère.
Par Wakat Séra