Elles ne connaissent pas le jour de l’an, encore moins le 8-Mars. Pour elles, tous les jours se ressemblent par leur lot de corvées d’eau, de lessive, de cuisine, d’éducation des enfants, pour les citadines et de rudes travaux champêtres pour les rurales. Elles, ce sont ces femmes pour qui cette journée ne sera qu’une de plus, au cours de laquelle le soleil, inexorablement, va se lever à l’est pour se coucher à l’ouest, leur donnant juste le temps d’accomplir les mille et une tâches qui leur permettent de tenir leur rôle de pilier de la famille. Ne dit-on pas que la femme se lève toujours la première et est la dernière à se coucher? Le 8-Mars, de leur naissance à ce jour, n’a jamais apporté un rayon de bonheur de plus dans leur vie où les seules séquences de joie sont également ces moments de douleurs indicibles des accouchements qu’elles multiplient, comme si elles n’étaient que des «machines à faire des enfants».
Les droits de la femme que cette journée, consacrée comme telle par les Nations Unies en 1977, ces femmes n’en n’ont peut-être jamais entendu parler. La radio et la télévision, a fortiori l’internet, ne figurent pas dans leur répertoire. Et même si elles peuvent en avoir l’occasion, auront-elles le temps de pratiquer ces outils? Rien n’est moins sûr! Surtout quand on est femme déplacée interne, au Burkina Faso, au Niger ou au Mali, où les attaques terroristes récurrentes endeuillent au quotidien, populations civiles et militaires, jetant sur les chemins difficiles de l’exil, les rescapés en quête de cieux plus cléments. Ainsi, en plus de la vie de femme, commence une vie de réfugiée, d’une précarité sans commune mesure, où les rares instants de joie sont ces visites de bons samaritains qui viennent offrir des sacs de riz, des bidons d’huile et des vêtements, collectés çà et là, certains pour prouver leur sincère compassion aux Personnes déplacées internes, les «PDI», d’autres pour se donner bonne conscience, sous les projecteurs des équipes de reportage de la télévision.
Et, comme dans la majorité des pays sur le continent, quand les femmes ont l’opportunité de commémorer le 8-Mars, l’occasion est belle pour elles, de courir derrière le pagne choisi par les autorités pour marquer l’événement. Le rassemblement est alors sonné pour des heures de «djandjoba», ces réjouissances populaires dans les bars, maquis ou en plein air, qui ne prennent fin que tard dans la nuit. Les femmes, dopées par la boisson qui coule à flot sur le poulet «bicyclette», flambé ou «télévisé», rivalisent en phases de danse, encouragées par une riche variété musicale distillée par l’orchestre-live ou les platines de DJ qui ont le secret d’électriser l’ambiance.
Du coup, ce qui devait servir de cadre pour dénoncer les discriminations, les inégalités et les violences qu’elles subissent, devient pour les femmes, une grande fête où aucune place ne peut être encore accordée à la réflexion et la recherche de solutions devant concourir à l’amélioration de leurs conditions de vie qu’elles décrient pourtant tous les jours. Selon des anecdotes bien malheureuses, certaines «fêtes» du 8-Mars ont coûté leurs foyers à des femmes qui ont abandonné, toute une journée, mari et enfants, pour jouir de leurs «droits» de manger, boire et danser.
Au Burkina, la révolution de Thomas Sankara avait fait du 8-Mars une journée au cours de laquelle, ce sont les hommes qui étaient derrière les fourneaux pour faire manger la famille. Mieux que ce symbole, il est sans doute temps de faire de tous les jours du calendrier, des 8-Mars, pour se focaliser sur les voies et moyens à mettre en branle pour donner à la femme, sa véritable place dans la société! Cependant, même si «toutes les femmes sont des reines», comme le chante l’artiste sénégalais Ismaël Lo, il faudra éviter de faire des hommes leurs sujets taillables et corvéables à merci. Car, le risque est grand, pour rétablir encore l’équilibre, d’avoir à inventer des 8-Mars, la Journée internationale des droits des…hommes.
Bonne commémoration du 8-Mars à toutes les femmes, dans la réflexion, pour un quotidien meilleur pour la femme et l’homme!
Par Wakat Séra