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Code électoral: des acteurs de la société civile dénoncent des intimidations dans le débat

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Dans cette déclaration, 16 Organisations de la société civile (OSC) tout en  affirmant « la possibilité d’entreprendre des actions plus vigoureuses dénoncent les intimidations que subissent les acteurs de la société civile dans le débat sur le code électoral »

L’adoption de la modification du code électoral en douze (12) articles le 30 juillet 2018 a soulevé un débat qui secoue toute la société burkinabè, incluant la classe politique, la société civile, les burkinabè de l’étranger et les citoyens et suivie par l’opinion internationale. Après observation du processus de la révision du code électoral et des arguments présentés de part et d’autre, les organisations signataires de la présente déclaration estiment indispensable de rappeler certains principes et d’adopter une posture. En rappel, la société civile est dédiée à la protection des droits humains et de la démocratie. A cet effet, elle occupe la position de contre-pouvoir et de veille citoyenne qu’elle a déjà assumée dans un proche passé pour permettre certaines évolutions sur le plan politique.

LES ENJEUX JURIDIQUES

Le système électoral, principalement organisé par le code électoral, est le fondement du modèle démocratique. La qualité de la démocratie, l’alternance politique, la résolution des crises socio-politiques sont indiquées et résolues par la qualité du système électoral. La principale exigence pour un code électoral efficace est son caractère consensuel découlant du dialogue politique institutionnel ou général. Les règles du jeu électoral ne doivent être en dehors du champ des manœuvres politiciennes, au risque de rompre le consensus politique.

Les grands principes des élections découlent des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux auxquels le Burkina Faso a librement souscrit.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dispose en son article 21 que : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote ».

L’article 15 de la même DUDH précise que : « Tout individu a droit à une nationalité ». Dans le débat actuel, la nationalité ne peut être évoquée pour certains Burkinabè de l’étranger à l’occasion de leur enrôlement dans le fichier électoral. Un burkinabè Sawadogo P. né au Burkina Faso de parents burkinabè et son épouse Rouamba Z. née au Burkina Faso de parents burkinabè se rendent en Côte d’Ivoire où ils ont un enfant. L’enfant aura un acte de naissance ivoirien sans que sa nationalité burkinabè ne soit contestable puisque les informations sur ses parents figurent sur son acte de naissance. Et c’est le cas d’un très grand nombre de burkinabè en Côte d’Ivoire. Que dire alors de ceux nés au Burkina ayant immigrés dans les pays d’accueil ?

Au niveau africain, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et le protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnelle au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité (2001) de la CEDEAO convergent tous sur les mêmes principes de l’universalité des élections en démocratie.

Il n’est plus nécessaire de revenir sur la question de la carte consulaire dont la qualité, la fiabilité et l’authenticité ont été affirmées par les autorités pertinentes pour cela (Cf. l’Ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’Ivoire et du Ministre des affaires étrangères sur radio Omega). Tous les autres acteurs s’exprimant sur le sujet pour tenter de réduire la fiabilité de la carte consulaire ne procèdent qu’à des conjectures. Le caractère biométrique de la carte consulaire en Côte d’Ivoire garantissant sa fiabilité et conçue par l’Etat burkinabè (Cf. Rapport du conseil des ministres du 31 juillet 2013 sur la carte consulaire et la maison du Burkina Faso en Côte d’ivoire) pour constituer le fichier électoral aurait dû être retenue pour l’enrôlement sur le fichier électoral en vue d’une part, de permettre l’enrôlement du plus grand nombre possible et d’autre part, de respecter le droit de vote constitutionnel reconnu à tout citoyen burkinabè.

La constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991 reprend ce principe cardinal en son article 12 qui octroie le droit de vote aux citoyens burkinabè. Comme l’exige également le pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU en son article 25 qui dispose que : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables:

  1. a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis;
  2. b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ;
  3. c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. »

Les principes juridiques ainsi évoqués ne font pas partie du champ des stratégies  « politiciennes » et ne devraient point subir des manipulations. Ils ont été édictés pour garantir l’équité, la transparence et le caractère démocratique des processus électoraux, et par ricochet, la stabilité politique, la paix et le respect des droits fondamentaux du citoyen.

En vertu des dispositions rappelées plus haut fondées sur de multiples instruments juridiques, il apparait clairement illégale toute mesure, loi ou décision qui empêche d’une manière ou une autre, qui biaise ou réduit le vote d’un ou plusieurs individus. Dans le contexte burkinabè, le vote des Burkinabè de l’étranger est une obligation et tout empêchement de ce droit constitue une violation du droit de vote.

LES CONSEQUENCES DE LA REVISION

L’adoption de la révision du code électoral le 30 juillet dernier comporte des risques évidents pour la paix, la stabilité politique et l’unité nationale. L’onde de choc, évaluable à l’ampleur du débat suscité parmi les Burkinabè illustre cette réalité. Les citoyens burkinabè, après l’épisode de la transition de 2015 et des conséquences de la révision du CNT, veulent éviter de valider une gouvernance génératrice de tensions socio-politiques interminables et de menace à l’unité du pays. Un processus électoral apaisé et équitable est le meilleur moyen de préserver la paix et la stabilité politique par des institutions politiques légitimes, toutes choses, indispensables au développement durable. La situation a entrainé une crise au sein de la commission électorale nationale indépendante dont les membres d’une de ses trois entités à savoir l’ensemble des représentants de l’opposition politique contestent la loi électorale.

En tout état de cause, certaines argumentations sur la fiabilité de la carte consulaire en Côte d’Ivoire ont entaché la confiance en un document administratif conforme aux règles diplomatiques internationales qui pourraient mettre à mal la protection diplomatique et consulaire des ressortissants à l’étranger et partant, leur sécurité et celle de leurs biens. Les institutions burkinabè ont le devoir d’assurer la protection juridique des citoyens burkinabè lorsqu’ils sont en dehors du pays, et non pas de contribuer à fragiliser leur situation. Dans le cadre du processus électoral, la biométrie est recherchée pour réduire la fraude électorale, en particulier les inscriptions multiples d’électeurs. Dès lors que la carte consulaire biométrique de Côte d’Ivoire assure qu’aucun burkinabè ne figure deux fois dans la base de données de la carte consulaire (dixit Mahamadou Zongo, ambassadeur et qu’un avis technique favorable de l’ancienne CENI a été acquise quant à l’impact sur le fichier électoral) ce document est parfaitement valable pour l’enrôlement électoral. Des institutions internationales en charge des élections viendront confirmer ce fait plus tard.

Quant au choix des Ambassades et consulats généraux comme lieux de vote à l’étranger, cette option constitue un obstacle majeur qui va limiter l’expression du suffrage des citoyens. Pourtant des pays comme le Mali, le Sénégal ou le Niger par le prolongement diplomatique arrivent à faire voter leurs ressortissants dans leurs lieux de résidence facilitant leur proximité avec les bureaux de vote.

Il est à noter en outre qu’au Burkina Faso, le code électoral ancien prévoyait explicitement une disposition d’extension des lieux de vote en accord avec le pays d’accueil. Le nouveau code électoral supprime cette possibilité d’extension annulant toute base légale, pour ne pas dire, toutes chances à d’éventuels accords dans ce sens.

Il est aussi cas du changement de la méthode du recensement électoral. Une proposition de la CENI retenue dans la loi remplace l’ancien recensement physique assuré sur le terrain par les agents recenseurs par une plateforme numérique s’appuyant sur la base de données de l’ONI où c’est par des SMS que les citoyens seront enrôlés et recevront l’indication de leur bureau de vote.  Cette méthode présente de grands risques de manipulations pouvant compromettre la qualité du fichier électoral. La méthode d’enrôlement porte en elle les germes des contestations à venir et devrait être revue pour favoriser la confiance dans la compétition électorale.

Les acteurs politiques ne devraient pas préjuger du sens du vote des burkinabè vivant à l’étranger pour nourrir leurs argumentations. La diaspora est traversée par les mêmes courants politiques que les burkinabè vivant au Burkina Faso et sauront faire leur choix le moment venu.

L’ENGAGEMENT

Les organisations de la société civile signataires de la présente :

  • Interpellent le Président du Faso quant à la possibilité de suspendre le processus actuel en ne promulguant pas la loi votée, et de rouvrir les concertations avec les autres parties,
  • S’étonnent du silence des représentants de la société civile à la CENI sur le code électoral et les interpellent à prendre leur responsabilité afin d’aider le Burkina Faso à aller à des élections ouvertes, démocratiques et pacifiques ;
  • Interpellent la communauté internationale et, en particulier, les institutions impliquées dans les élections, à ne pas appliquer l’approche du fait accompli, en raison des risques que font courir au Burkina Faso, les implications des nouvelles dispositions du code électoral. Nous attendons, de ce fait, les réactions des Nations Unies, de l’Union Européenne, de l’Union Africaine et de la CEDEAO sur la dernière révision du code électoral burkinabé,
  • Appellent les autorités coutumières et religieuses à sortir de leur léthargie et d’œuvrer à la préservation de la paix et de la stabilité politique,
  • Affirment la possibilité d’entreprendre des actions plus vigoureuses et dénoncent les intimidations que subissent les acteurs de la société civile dans le débat sur le code électoral.

Ouagadougou, le 8 août 2018

 Ont signé :

  1. Cercle d’Eveil (CEDEV), Evariste Konsimbo
  2. Réseau des Organisations de la Société Civile pour le Développement (RESOCIDE), Siaka Coulibaly
  3. Cadre d’Expression Démocratique (CED), Pascal Zaida
  4. Collectif des Associations et Mouvements de Jeunesse Burkinabè en Côte d’Ivoire (CAMJBCI), Zallé Noaga Moussa
  5. Observatoire pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (ODDH), Lookman Sawadogo
  6. Alliance des Nouvelles Consciences (ANC), Marc Bonogo
  7. Alliance pour la Défense de la Patrie (ADP) Abraham Badolo
  8. Convergence Citoyenne et Panafricaine (CCP), So Ousmane
  9. Mouvement Citoyen pour le Retour des Exilés Politiques et la Réconciliation Nationale (MCREP/RN), Mahamadi Ouangraoua
  10. Association Namalgue pour la Cohésion Sociale (ANACOS), Ouattara Aboubacar
  11. Organisation pour une Jeunesse Éveillée au Burkina Faso (OJEF), Welgo Zakarya
  12. Mouvement Jeunesse Développement Démocratie (MJDD), Tagnan Zakaria
  13. Association Jeunesse pour le Développement du Burkina (AJDB), Ouedraogo Samadou
  14. Observatoire des Jeunes (OBJ), Dende Mohammed Ali
  15. Coalition des Associations Œuvrant pour le Droit au Logement (CAODL), Sanfo Mahamadi
  16. (M21) Marcel Tankoano