Accueil Editorial Come-back de Buhari : et après?

Come-back de Buhari : et après?

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Souriant mais visiblement affaibli, Buhari est de retour (Ph. Reuters)

Enfin !!! Muhammadu Buhari est rentré à la maison. Le chef de l’Etat nigérian avait quitté le palais d’Abuja depuis le 19 janvier 2017 et s’est rendu à Londres pour, officiellement, faire son bilan de santé. Mais son absence durait une éternité et certains Nigérians avaient même ironisé, en réclamant son retour, « Bring back our president », en référence au slogan « Bring back our girls », scandé lors de l’enlèvement massif par Boko Haram, de plus de 200 lycéennes de Chibok, en 2014. Si le « come back » de Buhari, au physique visiblement affaibli, est effectif, la question essentielle qui se pose est de savoir si l’enfant de Katsina est de nouveau apte à diriger son pays. L’homme fort du Nigeria, champion du Congrès progressiste (APC) avait confié cette tâche suprême à Yemi Osinbajo, le vice-président du Nigeria. Et attendant que le vrai président reprenne véritablement le job, l’intérim est toujours assumé avec heur par l’adjoint, un chrétien évangéliste. Mais le pouvoir conquis par le musulman sunnite restera-t-il encore longtemps entre les mains du chrétien évangéliste ? Si oui, bonjour les dégâts, car sur la base d’un gentleman agreement, ces règles non écrites mais généralement aussi contraignantes que les lois, c’est au tour d’un musulman d’exerce le pouvoir, après la présidence du chrétien Goodluck Jonathan. A moins que le Nigeria ait à sa tête, Muhammadu Buhari, un président officiellement élu mais malade et Yemi Osinbajo, un vice-président ayant la réalité du pouvoir.

Ce lundi est donc décisif, car devant décider de la reprise du gouvernail du bateau Nigeria par son vrai capitaine qui a d’ores et déjà annoncé, que bien que se sentant mieux actuellement, il pourrait encore avoir besoin de nouveaux examens dans quelques semaines. En espérant pour son pays que ce ne soit pas le genre d’examen qui a dû maintenir Muhammadou Buhari loin du palais présidentiel pendant plus de deux mois de questionnements autour de sa santé, il faut néanmoins souhaiter que le Nigeria puisse avoir un chef en pleine forme pour relever les défis économiques et surtout faire face au danger permanent que constitue Boko Haram, la secte islamiste qui puisera de nouvelles forces dans ce flou au sommet.

Il faut le reconnaître sans ambages, si la rumeur sur l’état de santé de Buhari a autant enflée, c’est encore la faute au sceau de secret défense apposé sur le sujet, comme c’est le cas dans presque tous les pays africains. Des journalistes en ont d’ailleurs fait les frais devant la justice, eux qui ont osé communiquer sur la santé du chef. Question : le président Buhari souffrait-il déjà de son mal avant d’accéder à la magistrature suprême ? Si oui, qui porte cette lourde responsabilité d’avoir caché cette maladie ?  Le peuple nigérian a-t-il été floué, à l’instar d’autres, même ceux de pays dites de grande démocratie, qui ont découvert plus tard qu’ils avaient voté pour un chef à la santé bien précaire ? La transparence commence par là. Le président peut bien souffrir d’un mal de tête, comme tous ses semblables humains, d’où l’inopportunité de créer un mystère sur ses maladies. En tout cas, en Afrique surtout, la santé du chef de l’Etat est encore taboue. Rien ne doit filtrer de son palais ou du centre de santé où il séjourne, contrairement à la bonne pratique des bulletins publiés en toute transparence, sous d’autres cieux. Pourtant, aujourd’hui où le monde est devenu un grand village où tout se sait, souvent à une vitesse grand V, l’exercice est d’ailleurs plus difficile que de communiquer sur la santé de Muhammadu Buhari. Tout président qu’il est, il est d’abord et avant tout un être humain.

Connu pour sa main de fer, ce qui n’est pas non moins un atout pour diriger le géant Nigeria, le général Buhari, après renversé par un coup d’Etat en 1985, connaîtra la prison jusqu’en 1988. Son retour à la tête du Nigeria n’aura portant étonné que ceux qui ignorent le goût très prononcé du natif de Katsina pour le pouvoir. Avant de conduire et réussir le putsch de 1983, il avait déjà participé à celui de 1966 qui amènera Murtala Muhammed au pouvoir. Son retour au palais présidentiel d’Abuja fait du reste suite à trois échecs aux élections présidentielles de 2003, 2007 et 2011. Malgré des atteintes aux droits humains reprochés à son premier mandat kaki, Buhari a retrouvé une virginité par les urnes en 2015. Il se servira, du reste, de cette popularité pour engager la guerre contre Boko Haram, qu’il a promis mettre à genoux. Mais comme la réalité est loin d’épouser les promesses de campagne, les résultats de la lutte contre la nébuleuse étant toujours attendus, en témoigne le fait qu’une bonne majorité des filles de Chibok est toujours aux mains de Abubakar Shekau et ses affidés.

Par Wakat Séra