Le phénomène du commerce ambulant pratiqué par des enfants est devenu chose courante à Ouagadougou, et certainement, partout ailleurs au Burkina Faso. On remarque des enfants de tous âges, filles comme garçons qui sillonnent les villes avec des marchandises diverses, allant des arachides, aux fruits, … Ces enfants qu’ils soient scolarisés ou pas sont souvent exposés à des dangers. Wakat Séra est allé à la rencontre de ces enfants ce jour 15 septembre 2018. Zoom sur ces enfants-travailleurs, malgré la législation y relative.
Des enfants d’âge compris entre 6 et 16 ans parcourent la ville de Ouagadougou avec des articles de tout genre. Le phénomène est répandu à telle enseigne qu’on n’en fait pas un problème. Ces jeunes gens communément appelés « marchands ambulants », « porteuses d’assiettes »… vont partout où il y’a de l’affluence, espérant écouler leurs marchandises. Les marchés, les différentes artères, les services publics et privés, aucun endroit ne leur échappe. Parmi ces vendeurs, on compte des élèves en vacances, des déscolarisés etc. qui se battent même souvent entre eux pour faire acheter leurs produits.
Il ressort que certains sont à la recherche du peu pour se nourrir, d’autres sont à la recherche de l’argent pour poursuivre leurs études, et d’autres même cherchent juste à s’occuper. Une jeune fille de Tampouy âgée seulement 14 ans nommée, Souhaita Zabsonré, nouvelle certifiée de médersa (école coranique) nous a confié que ses « parents sont très pauvres » et qu’il lui faut aider sa mère dans le commerce de pain pour subvenir au besoin de la maison. « Je suis dans une famille très pauvre, mon père a deux épouses et 10 enfants. Notre père est vieux et ne travaille pas. Nos mères se battent pour nous. Je voulais faire l’école normale mais par faute de moyen j’ai été à la médersa.
Pour manger c’est même dur, donc il faut que je me plie pour aider ma mère à nous nourrir mes frères et moi». La petite fille signale en outre que « personne parmi mes frères n’est allé loin à l’école, on est obligés d’arrêter pour chercher à manger. Mes sœurs ont été mariées très tôt et moi aussi d’ici là je vais quitter le domicile parental », regrette-t-elle
Raina Samandoulgou, âgée de 11 ans elle fait du commerce de porte-monnaies au « marché du dix ». Contrairement à Souhaita, Raina ne vend pas pour subvenir à ses besoins. Elle se retrouve parmi les commerçants du « dix yaar » à vendre parce que sa mère l’en « oblige ». « Moi je n’aime pas me promener pour vendre des sacs, mais ma mère ne veut pas me laisser libre les vacances. Elle pense que c’est de la paresse de ne pas vouloir faire quelque chose pendant les vacances comme les autres enfants ». A l’en croire, cette fillette rencontre beaucoup de difficultés dans son activité. « Les gens me font la force. Je peux conclure un marché à 750f et quelqu’un va me donner 700f et me dire de partir. Comme je n’ai pas la force pour retirer ma marchandise, je laisse et je m’en vais».
Un peu plus loin une autre jeune fille, Adissa Ouédraogo âgée de 16 ans et en classe de 2nd a déclaré qu’elle vend des feuilles de choux bouilli pour aider sa grande mère à la scolariser. « L’argent que je vais gagner sera mon argent de poche, mais je vais également donner un peu à ma grand-mère pour ma scolarité. Je veux aussi un téléphone portable donc je me donne à fond pour ces trois mois de vacances pour faire le maximum de revenus. Je n’ai pas de limite, quand je sors le plat sur la tête, je ne rentre que quand j’ai épuisé mon stock. Je pars à Tampouy, à kilwin et à Marcoussis». Si Souhaita et Raina dans le cadre de cette activité n’ont jamais été victimes de harcèlement, Adissa elle dénonce un harcèlement exagéré. « Pour qu’on achète ce que tu vends il te faut être propre et vraiment bien habillé. Cela fait que certains hommes, au lieu d’acheter, ils préfèrent t’appeler pour te faire des avances. C’est énervant, tu veux vendre et lui il t’occupe pour rien».
Dans la même lancée, sa copine et camarde de vente Isabelle Sanou, campagnard et commerçante de gâteaux âgée de 18 ans ajoute qu’elle a failli se faire violer. « Les hommes sont pas bien, un célibataire m’a appelée dans un six-mètres .Quand je suis arrivée, il m’a dit de rentrer dans la cour il va prendre l’argent dans la chambre et venir. C’était dans une cour commune et il n’y avait que lui. Je me suis courbée sur mon plat pour enlever le gâteau. Il m’avait dit qu’il veut pour 100f.
Quand il est sorti de la maison il m’a saisi par derrière au niveau de la hanche et il a attrapé ma bouche. Je me suis débattu et j’ai crié très fort, il a eu peur et m’a laissé partir. Depuis lors je ne vends plus dans les domiciles».
Notons que la jeune fille dont il est question a dû abandonner ses études, alors que selon ses mots, elle était première de la classe. Elle témoigne, par ailleurs, un regret pour ses études et une inquiétude quant à son avenir qu’elle-même juge incertain.
Un garçonnet de 12 ans, élève en classe de 6e qui se fait appeler Madi Sawadogo « le colleur » est vendeur de mouchoirs (lotus) et de bonbons nous apprend qu’il fait le commerce ambulant pour pouvoir payer une cotisation pour le réveillon du 31 décembre que son groupe organise. « L’année passée mes camarades ne m’ont pas laissé participer à la fête du réveillon qu’ils ont organisée car je n’ai pas honoré la cotisation. Il y a même quelqu’un qui a retiré ma copine. Mais Cette année s’il plait à Dieu je serai au rendez-vous ».
Peu importe la raison avancée, ces enfants traversent toutes des situations souvent difficiles. Et pourtant, il existe une législation en la matière, au Burkina Faso, relative au travail des enfants.
Par Tunwendyam Nadine ZONGO (stagiaire)