« Qu’est-ce qu’on attend pour agir? » s’interroge Emmanuel Argo, auteur de nombreux écrits dont Nelson Mandela et la naissance de la nouvelle Afrique du Sud, Du néologisme international: Remitt@nces, Du néologisme et concept de: La NégroÉvolution. Il est également co-auteur du livre: NEPAD and the African Renaissance… Face au commerce d’êtres humains et à toutes les violations de droits, il estime qu’il faut au plus vite agir.
La traite des êtres humains prend plusieurs formes, les plus courantes étant la prostitution, l’esclavage et le travail forcé …
Le 14 novembre 2017, toujours victimes de notre faculté d’oubli, de notre indifférence ou immergés dans nos propres difficultés, nous découvrons, abasourdis par la nouvelle, que des libyens pratiquent le commerce d’êtres humains pour l’esclavage, profitant d’une manne d’hommes, de femmes et d’enfants qu’ils retiennent sur leurs côtes afin d’éviter leur traversée jusqu’en Europe. Kadhafi n’était-il pas maintenu au pouvoir pour ces mêmes services ? La pratique sévit toujours, seulement cette fois-ci c’est peut-être une affaire d’échelle et comme nous sommes conditionnés à ne réagir que sur le fait probant du quantitatif, là, nous nous offusquons !
Mais ce n’est pas tout. L’officialisation de cette information par Amnesty international nous « autorise » à exprimer notre révolte, alors qu’elle est connue des milieux autorisés.
Les images qui nous parviennent en boucle à la télévision, nous renvoient au temps jadis, au plus fort moment du commerce triangulaire et de l’esclavage. Autrefois l’esclave avait une valeur marchande. Aujourd’hui, son prix est inférieur à celui d’un téléphone portable ! L’argument de vente lui, ne semble pas avoir changé : « sain, fort et robuste », il est réputé capable d’endurer les travaux les plus pénibles sous des climats rudes, qu’ils soient chauds ou qu’ils soient froids. S’il n’a plus à couper et à transporter la canne à sucre sur ses épaules – le colon ayant récemment remplacé les hommes libres par des machines – le nègre esclave d’aujourd’hui peut même nettoyer les déchets et les cuves toxiques de l’industrie chimique européenne !
Les médias qui nous communiquent, seconde après seconde, l’état du monde, nous oblige à hiérarchiser les horreurs alors, qu’au même titre que la Shoa, les goulags et autres génocides européens, africains et d’ailleurs… la marchandisation des êtres humains est un crime contre notre humanité et nous sommes d’autant responsables que nous ne pouvons pas dire cette fois-ci : je ne savais pas.
Maintenant que l’insoutenable est identifié et connu, que fait-on ?
La question à résoudre urgemment est la suivante : pourquoi de telles pratiques existent-elles encore alors que nos démocraties occidentales, pour avoir pratiqué de tels crimes, ont adressé au monde une Déclaration universelle des droits de l’Homme. Cette belle idée ne vaudrait-elle que pour donner bonne conscience à ceux qui l’ont lancée ? Ou pour dissimuler des connivences de fait?
Il y en plusieurs :
En premier lieu, la connivence d’ordre moral.
Celle des ordres religieux et laïcs d’abord, à l’instar de décideurs politiques, plus attachés à défendre leurs prébendes voire à étendre leur domaine d’influence, qu’à s’entendre pour protéger l’humanité de ses crimes.
Ensuite, pourquoi nos « sachants », grands romanciers, philosophes va-t’en guerre pour l’Irak et la Libye, prétendants et prétendantes à la fonction suprême, donneurs de leçons et demandeurs de réparations qui ne pourront jamais être satisfaites, ne se sont-ils pas mobilisés, comme ils l’ont déjà fait pour d’autres causes. Foin de rêves, le vivre ensemble pour lequel je ne cesse de plaider, ne peut trouver son sens que si déjà les sus-désignés de la communauté noire et autres visibles, non pas seulement en Europe, mais dans les Afriques, les Amériques, les Caraïbes, l’Océan Indien commencent à faire preuve de solidarité morale. En émettant ensemble un simple geste de solidarité, quels que soient nos origines et notre statut social, nous dirons à la face du monde :
– que désormais nous ne devons plus accepter la traite des êtres humains dans notre monde moderne,
– que les dirigeants et autres autorités morales, religieuses et laïques, doivent prendre toutes dispositions pour l’éradiquer.
En second lieu, la connivence d’ordre économique.
Les économies, le progrès technologique, le confort des pays développés dépend des matières premières dont le continent africain est riche. Les seules places financières occidentales doivent-elles continuer à fixer le cours de ces manières premières ?
Tant qu’une juste complémentarité économique et sociétale ne sera pas mise en place, le déséquilibre perdurera et l’exil continuera.
Ce n’est pas la destitution tonitruante de tel ou tel dictateur, ou son jugement médiatisé devant un tribunal international qui changera les choses. Car c’est encore une façon de masquer une organisation qui avantage certains au dépend des autres.
Même si on ne peut douter de la moralité et de l’efficacité des ONG humanitaires, leur cause, pourtant juste, favorise paradoxalement le maintien dans la pauvreté de milliers de laisser pour compte, puisque dans la guerre économique planétaire, entretenue par la spéculation, on peut compter sur ces ONG pour soigner les victimes collatérales.
Tant que les puissantes multi nationales, avec la complicité de dirigeants, poursuivront leur course mortifère vers le profit, au mépris de la valeur des Hommes et du fragile équilibre de notre planète, tant qu’ils bafoueront le droit de peuples à disposer librement de leurs terres et de leurs matières premières, tant qu’ils spolieront les peuples et qu’ils tueront les économies locales par une exportation de biens agricoles ou manufacturés, nous assisterons à la marchandisation des idées et des Hommes.
Me concernant, descendant de nègres créoles nés en terre de France, particulièrement sensible à la question noire dans notre monde contemporain, je suis l’auteur de :
Main basse sur l’argent des pauvres. Merci aux Remitt@nces préfacé par le Prix Nobel de la Paix Lech Walesa. L’objet de ce livre et du néologisme international Remitt@nces – envois d’argent effectués par les migrants à leur famille restée au pays- est de mettre en évidence le système financier et économique que représente le travail des migrants économiques à travers le monde.
Par ailleurs, je rappelle qu’en 2007, lors d’une réunion de la société civile organisée par le G8 et la Banque Mondiale à Berlin, c’est toute une assemblée que j’ai contraint à se lever pour commémorer l’abolition de l’esclavage pratiqué légalement et régit par le Code Noir.
Dans ce même livre, pages 48, 49, 50 et 51, je souligne les violations graves des Droits de l’homme dans les Emirats : confiscation de passeports, esclavage, maltraitance de migrants principalement venus des Afriques, du Bengladesh, des Philippines etc.
Enfin, je propose dans mon ouvrage le gel des prix de produits de première nécessité dans les régions les plus pauvres du monde et des pistes de développement local à partir des Remitt@nces dans un rapport gagnant-gagnant.
En 2008, comme membre de la TICAD/ C-CFA (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique et de la Commission de la Société Civile de l’Afrique), j’ai proposé le Programme Africa Mundus qui a pour objectif de promouvoir le retour de migrants désirant s’installer dans leur pays d’origine, mais aussi de soutenir la mise en place des entreprises locales qu’ils entendent créer.
Dans un article 05/10/2016 paru sur le Huffington post intitulé : Accueil des réfugiés : l’Europe n’est pas un Eldorado, je dénonce les dérives criminelles d’une immigration non maitrisée et la privation, pour les pays d’origine, d’intelligences et de compétences, lesquelles, si elles restaient, favoriseraient le développement.
Toujours en 2016, faisant suite à la tragédie migratoire et à la découverte du petit Alyan, Syrien de trois ans, retrouvé mort sur une plage turque, le philosophe des sciences Patrick Tort et moi-même avons adressé aux présidents des principales instances européennes une lettre ouverte intitulée : Lettre aux Européens dans laquelle je proposais en outre des financements européens, la création d’une taxe Remitt@nces pour contribuer à aider les migrants à se maintenir dans des zones de paix stabilisée tout en participant au développement des économies locales. Adressée aux principaux médias, seul le journal l’Humanité l’a publiée.
Beaucoup d’initiatives nécessiteraient une coordination s’appuyant sur des moyens allant au-delà de supports européens, car la problématique est d’ordre mondial.
En appui à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, tout en la réactualisant, je propose de préparer une résolution visant la rédaction et l’adoption d’une charte universelle et de concorde, pour l’éradication de l’esclavage et de la traite des êtres humains sous toutes ses formes ; l’ONU devant être le garant de la dignité de la personne humaine. En déclarant comme fléau planétaire la marchandisation des Hommes, cette Charte complètera la question tout aussi urgente des bouleversements économiques, sociaux et culturels liés aux conséquences du réchauffement climatique. En un mot, si nous ne résolvons pas la question des migrations économiques, nous ne pourrons pas anticiper la migration des réfugiés climatiques.
Si nous refusons que notre confort soit, comme il le fut pendant des siècles d’esclavage, au prix de la dignité, de la liberté et de la vie de certains hommes au motif qu’ils sont noirs et pauvres, nous pouvons radicalement changer le cours des choses.
Notre juste combat pour la planète ne doit pas occulter celui de l’humanité ; si nous acceptons la marchandisation des êtres humains, quand bien même on éviterait à l’atmosphère une augmentation de 2 degrés, nous agissons contre nous-mêmes. La pauvreté, la guerre ne sont pas des excuses à notre lâcheté.
Fait en France le 22/11/2017