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Concession des chemins de fer à Bolloré: l’adresse de l’Union d’action syndicale à l’Assemblée nationale

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photo d'illustration

Dans la présente correspondance qui avait été adressée au président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, l’Unité d’action syndicale (UAS) l’avait interpellé sur le projet de loi portant sur la convention de concession révisée des chemins de fer. Du reste, l’Union s’était dite « scandalisée et révoltée », avant l’adoption hier mercredi du projet de loi qui concède la gestion de SITARAIL au groupe français Bolloré.

« La vraie criminalité, c’est quand des fils et filles d’un pays se font acteurs ou complices, de façon consciente ou inconsciente, du bradage du patrimoine national: le cas des rails. Et après, on vient nous chanter que l’Etat manque de ressources », s’est indigné sur sa page Facebook, Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT-B.

Excellence monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

L’exposé des motifs de ce projet de loi indique en son point II – CONTENU DE LA CCR- que « la CCR marque une rupture profonde avec la convention de concession du 12 décembre 1994, en passant du modèle d’affermage à celui d’une véritable concession intégrale de type ROT (Réhabilite, Operate and Transfer : réhabiliter, exploiter et transférer)…».
Au sous point II.2- durée de la concession, on note que «la durée de la concession est de 30 ans à compter de la date d’entrée en vigueur… » !

Au sous point II.4- Dispositions financières et tarifaires, on note au 2e paragraphe que : « Par ailleurs, SITARAIL doit apurer le passif cumulé de la concession initiale qui comprend le service de la dette du Programme d’Investissement d’Urgence 1996-2001, les arriérés du droit d’usage au 31/12/2006 ainsi que les prélèvements effectués par l’AFD sur les comptes séquestres des sociétés de patrimoines en paiement des échéances non honorées par SITARAIL. »
Par ailleurs, il est prévu que :
– les dettes de SITARAIL envers les Etats (5 753 596 597 F CFA pour le Burkina Faso) seront remboursées sur un échéancier de 15 ans avec un différé de 5 ans ;
– les dettes des Sociétés de Patrimoine (1 072 152 656 F CFA pour la société de gestion du patrimoine ferroviaire du Burkina) seront apurées selon un échéancier de 5 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la CCR.
Enfin, nous notons que selon cette convention, SITARAIL s’est aussi portée acquéreur du matériel roulant ferroviaire des deux sociétés patrimoniales à un prix forfaitaire de 10 millions d’euros, soit 6 559 570 000 F CFA , payable sur un échéancier de 15 ans comportant un différé de 5 ans … » .

Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Le contenu de ce projet de convention, notamment les dispositions ci-dessus évoquées, nous scandalisent et nous révoltent. En effet :
– les chemins de fer de l’ex-Régie Abidjan-Niger sont un symbole du sang et de la sueur de nos ancêtres, soumis alors aux travaux forcés par le colonisateur. On comprend difficilement que les Etats ivoirien et burkinabè choisissent de les privatiser et de les confier à un repreneur qui cristallise les scandales d’exploitation néocoloniale en Afrique (Cf. scandales autour des concessions de l’exploitation des ports de Lomé et de Conakry, ainsi que des chemins de fer du Cameroun) ;
– les chemins de fer constituent une infrastructure stratégique pour un pays enclavé comme le nôtre. En tant que telle, ils devraient faire l’objet d’une attention particulière qui requiert une forte implication de l’Etat ;
– la révision de la concession est envisagée sans réaliser au préalable un bilan de l’exécution de la concession passée depuis vingt-cinq ans. Du reste, les dettes évoquées dans le projet indiquent clairement que le concessionnaire a été défaillant dans l’exécution du contrat. Sans compter que depuis sa privatisation, le repreneur n’a rien réalisé dans le sens du développement de l’infrastructure et d’améliorer le transport des biens et des personnes entre les deux pays. Au contraire, le transport ferroviaire s’est dégradé avec notamment la fermeture de nombreuses gares, toute chose qui a porté un coup dur à l’économie des localités que traversait le rail. A ce propos, il convient de rappeler que la réouverture des gares a été soumise au gouvernement comme préoccupation par l’UAS dans son cahier de doléances de 2015. Et le communiqué final issu de la rencontre Gouvernement/Syndicats de 2016 mentionne que « concernant la réouverture des gares ferroviaires, le gouvernement s’engage à rouvrir les gares ferroviaires et à harmoniser le statut des travailleurs, conformément aux conclusions du Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) 2016 »;selon nos informations, le projet d’extension est envisagé avec l’écartement métrique qui oblige nos Etats à faire des commandes de machines au prix fort car ne correspondant pas aux standards présents sur les marchés ;bien que SITARAIL ait accumulé des dettes vis-à-vis des deux Etats, la convention envisage de lui accorder des différés aussi bien pour le règlement de ces dettes que pour l’acquisition du matériel roulant ferroviaire des deux sociétés patrimoniales ; Au niveau du volet gestion des ressources humaines, tantôt SITARAIL met en avant l’ancien accord quand cela l’arrange tantôt elle met son veto quand les travailleurs s’y réfèrent pour leurs droits, en prétendant que cet accord est caduc. Il faut noter qu’elle-même (SITARAIL) n’a pas adopté comme le préconise la convention de concession une convention d’entreprise dont la négociation devait associer les travailleurs à travers leurs syndicats ;au plan social, la privatisation de la gestion du rail a eu pour conséquence la fermeture de nombreuses gares avec un impact négatif important sur le tissu économique et social des zones d’influence desdites gares ; de la même façon, le trafic voyageurs a été sérieusement réduit;le projet prévoit que cette fois-ci, le patrimoine soit vendu à SITARAIL à un prix dérisoire et à crédit. Cela signifie que le groupe Bolloré propriétaire, après avoir acquis le patrimoine pourra le transférer ailleurs si cela est plus rentable pour lui.

Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Le projet de loi portant ratification de la convention de concession révisée, est présenté comme une formalité à exécuter par l’Assemblée nationale. En effet, les deux Etats ont, à l’occasion du TAC 2016, déjà signé un accord avec le groupe Bolloré pour la réhabilitation du chemin de fer Abidjan¬Ouagadougou-Kaya pour un montant d’environ deux cent soixante-deux milliards (262 000 000 000) de F CFA avec une première phase d’environ quatre-vingt-cinq milliards (85 000 000 000) de F CFA qui doit être exécutée sur une durée de quatre (4) ans. De plus, la partie ivoirienne a déjà, par ordonnance, marqué son accord pour la ratification de la convention. Nous interpellons l’Assemblée nationale afin qu’elle ne ratifie pas la convention de concession telle que rédigée. Autrement, elle se ferait complice du bradage d’un patrimoine aussi important que les chemins de fer. Nous estimons que la gestion des chemins de fer doit être repensée en vue d’en faire un instrument de développement du pays et de sauvegarder les intérêts du peuple burkinabè.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, l’expression de notre considération distinguée.

Ouagadougou, le 17 août 2018

Le secrétaire général

Ampliations :

Groupes parlementaires de l’Assemblée nationale

Ont signé :

Pour les Centrales syndicales :

CGT-B
Bassolma BAZIE, Secrétaire général

CNTB
Augustin Blaise HIEN,
Secrétaire général

CSB
Olivier G. OUEDRAOGO,
Secrétaire général
FO/UNS
El Hadj Inoussa NANA, Secrétaire général

ONSL
Paul N. KABORE,
Secrétaire général

USTB
Georges Yamba KOANDA
Secrétaire général

Pour les syndicats autonomes :
Le Président de mois
Juste K. LOGOBANA,
Secrétaire général/SYNTAS