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Conseil d’administration du BIT à Genève : pour un travail toujours plus décent

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Le Burkina Faso était représenté à la 329ème session du Conseil d’administration du Bureau International du Travail (BIT) à Genève par une délégation conduite par le ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection sociale, Clément Sawadogo. L’agenda des administrateurs du Bureau international du travail était très chargé. Le Conseil d’administration est habituellement un moment privilégié pour approfondir la réflexion sur toutes les résolutions et recommandations de la dernière Conférence internationale du travail, mais aussi d’examiner de nombreuses plaintes sur le non respect par des pays des conventions régissant le monde du travail. Tous les efforts concourant vers un objectif ultime. Faire en sorte que le travail soit toujours plus décent.

 

Pour Clément Sawadogo, « le travail décent, c’est le travail qui épanouit le travailleur, lui procure les moyens de vivre décemment, la sécurité et la santé au travail, lui permet de s’occuper de ses charges sociales. Il est donc de plus en plus question de faire en sorte que les emplois générés dans tous les pays du monde soient des emplois décents, que ce ne soit pas des emplois qui sont juste l’occasion de ruiner le travailleur, de l’exploiter à outrance, mais plutôt des emplois qui épanouissent le citoyen ».

La grande question reste comment garantir cette décence dans certains segments de la vie économique. Il revient à l’Organisation internationale du travail dont le BIT est le secrétariat permanent d’élaborer les principes, les conventions, les résolutions et les recommandations pour obliger les employeurs à garantir le caractère décent du travail. Mais pour la grande majorité des travailleurs qui luttent pour la survie, le plus important reste de trouver d’abord du travail. Son caractère décent étant relégué au second plan.

C’est dire que le combat est loin d’être gagné. Il faut d’abord le gagner dans les esprits des employeurs qui déploient des trésors d’ingéniosité pour minimiser les coûts de production, mais aussi des travailleurs qui sont prêts à tout pour fuir la précarité. Et cela, indépendamment de la situation économique des pays.

« On peut être parfois surpris de constater que dans les pays développés, la question du travail décent se pose avec acuité », relève Clément Sawadogo. « Un continent comme l’Europe est aujourd’hui confronté au problème de la migration et au risque que nombre de travailleurs migrants ne soient pas traités convenablement dans les relations de travail. Il y a aussi l’épineuse question du chômage qui fait qu’un travailleur peut d’un moment à l’autre perdre son emploi.Tout ça fait partie du travail décent parce que c’est à partir de votre activité de travailleur qu’on va organiser également votre protection sociale ».

Dans les pays moins nantis, cette question de travail décent se pose avec plus d’acuité. Le travail quand on en trouve rime souvent avec sous-emploi, sous-rémunération, mauvaises condition de travail ou insécurité.

Le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale en est conscient. « Dans les pays en développement comme les nôtres, indique t-il, la question du travail décent acquiert évidemment une dimension encore plus délicate. Il y a des problèmes de sécurité, de santé au travail, d’organisation du travail comme dans les mines. D’une manière générale, le secteur formelle dans nos pays ne représente qu’une infime proportion du travail à l’échelle de la société. Si vous avez 10% des travailleurs dans le secteur formel et 80% dans l’économie informelle, la question du travail décent se pose davantage avec d’acuité ».

« Quelle décence peut-on vraiment affirmer dans l’économie informelle ou il y a une multitude de situations ? », s’interroge par ailleurs le ministre Clément Sawadogo. Selon lui, « bon nombre de travailleurs du secteur informel ne sont même pas immatriculés et les rapports de travail sont négociés d’une manière qui ne répond à aucune norme. La question du travail décent reste vraiment une question posée et à résoudre au niveau de l’économie informelle. Donc dans des pays économiquement fragiles comme les nôtres la question ne peut pas être abordée comme dans les pays développés ».

 

Quid du monde paysan ?

 

Le diagnostic est posé. Reste la thérapie. Peut-on espérer formaliser le secteur informel ?

En fait, la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle est l’un des thèmes favoris de l’OIT depuis déjà quelques années.Il y a eu beaucoup de réflexion, de discussions, d’analyses, de publications sur cette question.

Pour Clément Sawadogo, « c’est une question fortement préjudicielle sur l’évolution générale du monde du travail, mais elle est aussi liée à l’évolution de l’économie. Plus l’économie se développe, plus le tissu de la production s’organise et moins l’économie est informelle. L’OIT aborde la question sous l’angle de comment on va pouvoir mieux organiser les segments de production informelle pour y garantir un minimum de travail décent, mais à vrai dire, c’est une question qui va au-delà et qui se pose en terme d’évolution économique. Donc c’est une question qui est posée au niveau de l’OIT mais qui va au delà et dont la solution ne peut pas être trouvée intrinsèquement au niveau de l’OIT, mais en tant qu’acteurs et régulateurs du monde du travail, nous avons l’obligation de voir quelles opportunités nous pouvons saisir pour mieux contribuer a organiser ce secteur informel et pour mieux régir les rapports de travail entre employeurs et employés de l’économie informelle ».

Pour ce qui est du monde rural qui représente la majorité des travailleurs dans les pays africains, la décence du travail est également une quête. Le ministre Sawadogo pense que la solution passe par une amélioration des conditions de travail du monde paysan. « Cela suppose, estime t-il, qu’on puisse les doter de moyens de travail plus performants, notamment par la mécanisation agricole, une modernisation de l’outil de production, une optimisation des rendements. Mais en plus de tout cela, il faut former les paysans pour que la combinaison de leurs propres capacités et le fait de pouvoir disposer de matériel plus performant permette de faire évoluer l’activité agricole de type traditionnelle, rudimentaire et archaïque vers une activité beaucoup plus moderne et plus organisée. A ce moment, ce travail deviendra beaucoup plus décent en ce qu’il procure de meilleurs revenus et améliore les conditions de travail physique du paysan ».

Le débat sur le travail décent qui figure à l’agenda des rencontres de l’OIT depuis plusieurs années n’est donc pas près d’en sortir. L’organisation qui défend le travailleur mais aussi l’employeur continuera la discussion avec toutes les parties.

« L’OIT est par excellence une organisation tripartite qui réunit à la fois les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. C’est une obligation que les décisions soient prises sur la base d’un consensus trouvé au sein de ce tripartisme », affirme Clément Sawadogo.

 

 

Mathieu Bonkoungou

Ambassade Mission permanente du Burkina à Genève