Accueil Société Convention de Minamata : la Communauté internationale crie haro sur le mercure

Convention de Minamata : la Communauté internationale crie haro sur le mercure

0
Un produit extrêmement nocif

 

150 États, plus de 1300 délégués dont deux présidents et près de 80 ministres. Un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur de la  Convention de Minamata sur le mercure, la première Conférence des parties a réuni du beau monde à Genève du 24 au 29 septembre. Elle a choisi Genève pour abriter le siège de la Convention.

La communauté internationale est en ordre de bataille pour livrer une guerre sans merci au mercure.

L’objectif assigné à cette convention de Minamata est de protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure.  Plusieurs études scientifiques indiquent en effet que l’exposition au mercure, même à de petites quantités, cause de graves dommages au système nerveux, digestif et immunitaire, ainsi que sur les poumons, les reins, la peau et les yeux. Ces manifestations  ont été observées pour la première fois en 1950 au Japon dans le village de Minamata qui a du reste donné son nom à la Convention sur le Mercure.

Après avoir consommé du poisson contaminé par des rejets d’une usine pétrochimique, les habitants de la baie de Minamata avaient souffert d’une pathologie incurable provoquant paralysies, convulsions, troubles visuels, auditifs, sensoriels, de la parole et de la mémoire. 900 personnes en étaient décédées.

Il faudra de la détermination et de la stratégie pour venir à bout d’un ennemi ubiquitaire comme le mercure, parce que c’est une substance secrétée et rejetée par la nature, notamment par les feux de forets, les éruptions volcaniques ou les puits géothermiques. Mais il y a aussi l’action de l’homme qui y contribue par les centrales thermiques à charbon, la fabrication de certains produits utilisés dans la vie courante comme les PVC, les piles, les ampoules à basse consommation, les commutateurs électriques, les produits pharmaceutiques et cosmétiques et les amalgames dentaires.

Et il y a surtout l’utilisation du mercure dans l’orpaillage pour extraire l’or du minerai. Ce point a, du reste, été considéré par la Région Afrique comme l’un des plus importants pour la mise en œuvre réussie de la Convention de Minamata.

Le mercure, un danger pour les humains et les animaux

Les ministres africains ont, dans une déclaration livrée lors de la cérémonie d’ouverture de la séance ministérielle, interpellé la conférence des parties sur l’exploitation artisanale de l’or, qui est, selon eux, « une question de préoccupation socio-économique, sécuritaire et  politique » dans leur région.

« Bien que nous comprenions les impacts sur la santé et l’environnement associés à l’utilisation du mercure, nous comprenons également que c’est parce-que les mineurs artisanaux n’ont pas d’alternatives pour leurs moyens de subsistance que cette activité est prépondérante ».

Ils se sont félicités de l’élaboration d’un Document d’Orientation sur la préparation des Plans d’Action Nationaux (PAN) pour l’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l’or, tout en relevant que ces plans d’action nationaux ne devraient pas constituer une fin en eux-mêmes. « Leur mise en œuvre devra réduire de façon significative et finalement éliminer l’utilisation du mercure dans l’exploitation artisanale de l’or et à petite échelle de l’or », ont-ils par ailleurs indiqué, tout en insistant sur le fait que l’atteinte de cet objectif nécessitera des ressources financières importantes et une assistance technique comme stipulé dans la Convention. « L’approvisionnement et le commerce mondial du mercure sont étroitement liés à cette question. Sans un système de déclaration et une évaluation de l’efficacité de la situation mondiale adéquats, nous ne pouvons pas faire face à la question du commerce illégal de mercure et réduire le mercure dans l’exploitation artisanale et à petite échelle de l’or », soutient la Région Afrique.

1,3 g de mercure pour produire 1 g d’or

L’autre priorité soulevée par la Région Afrique concerne le devenir dans l’environnement des produits contenants du mercure ajouté. L’Afrique consomme les produits manufacturés contenant du mercure mais ne sait que faire des déchets. « La Région Afrique a donc besoin d’une approche dotée  d’un mandat clair pour éliminer le mercure dans les produits pour lesquels des solutions de rechange sont largement disponibles et rentables », ont affirmé les ministres dans leur déclaration à la conférence.

Au Burkina Faso, le problème du mercure se pose avec d’autant plus d’acuité que l’orpaillage est très développé. Selon une enquête réalisée en 2013 par l’ONG américaine AGC, le ratio or/mercure est de 1/1,3 c’est-à-dire pour produire 1g d’or, il faut utiliser 1,3g de mercure. Il y a aussi une exploitation importante des métaux non ferreux qui occasionne d’importants rejets et émissions de mercure. On enregistre un flux important des produits contenant du mercure ajouté, tels que les thermomètres à mercure, les piles à mercure, etc., en provenance de l’étranger. Et il n’existe pas encore de technologie de contrôle des rejets et émissions de mercure. Il en résulte que le risque d’exposition de la population est élevé, surtout pour les centaines de milliers d’orpailleurs et d’autres personnes vivant sur les sites d’orpaillage.

Les orpailleurs utilisent le mercure pour séparer l’or du minerai

« Les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes bien qu’étant le groupe de personnes les plus vulnérable à l’exposition au mercure sont fréquents sur les sites d’utilisation du mercure au Burkina. Empêcher l’exposition de ce groupe au mercure constitue un des grands défis à relever au Burkina », indique le ministère. Certains symptômes sanitaires tels que des malformations congénitales ou des tremblements de membres auraient déjà été observés au sein de certaines communautés d’orpailleurs, mais des études sont encore nécessaires pour les associer à l’exposition au mercure.

Le gouvernement envisage des mesures fortes comme l’élaboration de façon spécifique de textes juridiques relatifs à l’élimination ou l’interdiction du mercure dans tous les secteurs d’utilisation, mais dans certains domaines comme l’exploitation artisanale de l’or sans recours au mercure, il aurait besoin d’un accompagnement de la coopération internationale pour le transfert de technologies.

Le gouvernement entend également promouvoir et encourager l’importation des équipements sans mercure avec des incitations de réduction de taxes douanières pour les produits ou équipements ne contenant pas de mercure. Pour toutes ces mesures, il faudra une bonne campagne d’information-éducation-communication et pour assurer la pérennité, la gestion durable du mercure va s’inscrire dans les curricula de formation dans une démarche d’éducation environnementale pour le développement durable.

Rendez-vous en 2020

Le Burkina Faso entend jouer pleinement sa partition dans cette guerre déclarée au mercure, avec l’aide de la communauté internationale qui a déjà soutenu le pays dans la mise en œuvre de quatre projets :

Le premier est un projet sous régional dénommé « Assistance aux orpailleurs pour la réduction ou l’élimination du mercure» Burkina Faso, Mali Sénégal. 2012 -2016. Il avait pour objectif d’aider les orpailleurs à abandonner l’utilisation du mercure dans le traitement de l’or et à adopter la technologie sans mercure.

On peut également relever un projet d’évaluation initiale du mercure (MIA) pour la ratification de la convention et la préparation de la mise en œuvre et un projet  Plan d’Action National pour la réduction ou l’élimination du mercure dans l’exploitation  artisanale et à petite échelle de l’or.

Et enfin un  projet pilote dont l’objectif est d’éliminer le mercure dans l’exploitation artisanale et à petite échelle de l’or et d’organiser la chaîne de valeur de l’or. Ce projet dont le financement s’élève à 2 millions de dollars, concerne 8 pays dans le monde, et en Afrique, c’est le Kenya et le Burkina Faso qui ont été retenus pour sa mise en œuvre.

Les États parties à la Convention de Minamata se sont accordés sur un certain nombre de produits, dont la fabrication, l’importation et l’exportation seront interdites d’ici 2020. La convention prévoit ainsi l’interdiction du mercure d’ici 2020 dans les thermomètres, instruments de mesure de la tension, batteries, interrupteurs, crèmes et lotions cosmétiques et certains types de lampes fluorescentes.

Les gouvernements devront également élaborer des stratégies pour réduire la quantité de mercure utilisée dans les mines à petite échelle et devront établir un plan d’action national dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur du traité, de manière à réduire et, si possible, éliminer le mercure. La convention réglemente aussi les émissions et les rejets de mercure provenant des grandes installations industrielles telles que les centrales au charbon, les chauffe-eaux industriels, les incinérateurs de déchets et les cimenteries. La mesure phare étant la fermeture programmée d’ici 15 ans des mines de mercure.

Premier bilan d’étape donc en 2020.

Mathieu Bonkoungou

Ambassade Mission permanente du Burkina à Genève