Le Burkina Faso, comme bien des pays africains est en train de contredire, pour l’instant en tout cas, les sombres prévisions de millions de morts de Covid-19. Les derniers chiffres officiels font même penser que la gestion de la pandémie est plus ou moins maîtrisée par les Burkinabè. Toutefois, il est trop tôt pour crier victoire car, les tests pratiqués, contrairement à l’échantillonnage plus important dans des pays voisins comme la Côte d’Ivoire ou un peu plus lointains comme le Sénégal, sont dénoncés pour leur insuffisance. C’est dans cette ambiance d’espoir mêlé aux inquiétudes que se pose l’équation du retour en classe des enfants après celle de la réouverture des marchés qui avaient été fermés, depuis le 25 mars dernier, dans le plan de riposte du gouvernement. Si le grand marché a déjà accueilli de nouveau ses occupants, les petits marchés et «yaars» de quartier attendent toujours leur tour. Mais, tout porte à croire que les commerçants n’en peuvent plus de rester à la maison ou de tourner en rond, chaque jour, autour de leurs lieux de travail, dans l’espoir d’y reprendre place le plus vite possible. Ce lundi 27 avril, ils ont été nombreux à mener des actions de protestation pour se faire entendre bruyamment, après avoir épuisé les canaux tels les réseaux sociaux et les émissions interactives sur les radios.
Après Rood-Woko, le marché central de Ouagadougou dont la réouverture a été présentée comme une phase pilote, ces commerçants s’attendaient à ce que le processus s’étende vite aux petits marchés qui leur permettent de tirer leur pitance journalière et surtout d’approvisionner les foyers en vivres. Mais ils ne voient rien venir et se lèvent d’ailleurs contre ce qu’ils traitent de «mépris» de la part des autorités. C’était plus ou moins prévisible que tout ce beau monde ne puisse vivre ce confinement de fait sans des mesures d’accompagnement conséquentes. Au Burkina, «on vit au jour le jour» et c’est l’argent gagné aujourd’hui qui sert à nourrir la famille le lendemain. De plus, ce sont ces petits marchés de proximité qui sont très utiles aux populations. C’est là qu’on trouve rapidement les condiments et le demi kilo de viande ou de poisson pour la sauce. C’est là que les femmes échangeaient les nouvelles. En tout cas, ces petits marchés fournis, pour la plupart du temps par le grand marché constituent des maillons essentiels de la machine économique grippée du Burkina. Ne faudrait-il donc pas que ceux qui nous gouvernent pensent sérieusement à leur réouverture, en insistant sur les mesures barrières et surtout le respect du port de masque obligatoire? Loin de nous toute idée d’encourager le relâchement dans la lutte, mais les Burkinabè sont, en tout cas pour le plus grand nombre, conscients que leur salut, et même leur vie, passent par la victoire sur le Covid-19 qui a mis les puissances de ce monde à genou. Du reste, si les Forces de défense et de sécurité réussissent à merveille à faire respecter le couvre-feu de 21h ç 4h du matin, ce n’est certainement pas le maintien de l’ordre sanitaire dans ces marchés et le port obligatoire des cache-nez qu’elles ne pourront pas gérer avec efficacité. A moins de consacrer pour de bon la perte d’autorité de l’Etat au Burkina!
Face au Covid-19, il devient de plus en plus clair qu’il n’existe pas de solution copier-coller pour maintenir l’économie à flot. Chaque pays, en plus des gestes barrières conventionnels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), doit développer des initiatives pour que la vie continue à l’intérieur de ses frontières. Et le grand danger viendrait de la perte du contrôle de la gestion de la crise par les autorités.
Par Wakat Séra