Comme la Géorgie des années 1830, la Californie de 1848, l’Australie de 1851, le Colorado de 1858, pour ne citer que ces Etats et villes qui ont connu la ruée vers l’or, depuis quelques jours et notamment hier 23 et aujourd’hui 24 mars, le Burkina Faso connaît sa «ruée vers la chloroquine». Le Covid-19, qui vient d’emporter l’immense artiste Manu Dibango, est passé par là. Dès les premiers soupçons sur la découverte de la chloroquine comme remède contre le virus à couronne qui a mis le monde sens dessus-dessous, le nouvel or des usines pharmaceutiques est devenu introuvable au Burkina. Les chercheurs d’or, en voiture, à moto ou à vélo, masques collés au nez, et armés de la volonté farouche de trouver le produit où il se cache, sont allés à l’assaut de toutes les pharmacies du pays, fouillant, même les petits dépôts pharmaceutiques des villages. Si ceux qui s’y sont pris tôt ont pu avoir, pas l’or mais d’autres médicaments dérivés, la chloroquine ayant été retirée des rayons et des prescriptions depuis bien longtemps, les autres, malgré leur détermination, sont retournés bredouilles à la maison, plus que jamais taraudés par les inquiétudes sur la menace du Covid-19 qui connaît une propagation rapide au Burkina. En effet, du 9 au 24 mars notre pays est passé de deux à 114 cas, pour sept guéris contre malheureusement quatre décès. Et la nouvelle de la confirmation par le professeur Didier Raoult, depuis Marseille en France, ne pouvait que bien tomber. Un vigile, de son poste de surveillance non loin du salon de coiffure où nous avons nos habitudes a même crié, euphorique, que «corona est mort, ils ont trouvé son médicament». Lui qui a l’habitude de se faire lui-même ses prescriptions et d’honorer ses ordonnances dans la rue, comme tout bon citoyen lambda qui tire le diable par la queue, ignore sans doute que l’auto-médication est dangereuse et que l’utilisation de la chloroquine rentre dans un protocole bien précis.
N’étant ni médecin, encore moins chercheur, donc ne possédant pas le bagage adéquat pour s’immiscer et prendre position dans la guéguerre des scientifiques et politiques pour les remèdes à homologuer d’abord, mais face à l’urgence sanitaire, nous ne pouvons que saluer à sa juste valeur, la trouvaille de Didier Raoult. C’est même loin d’être une découverte récente, et l’homme de science a d’ailleurs montré que ce médicament connu de tous, notamment des Africains qui en avait fait leur plus fidèle compagnon dans les attaques mortelles du paludisme, soigne 90% des cas de coronavirus dépistés de façon précoce. Question: qui est contre les prouesses du professeur Raoult? Plus que tout, on a l’impression que de gros intérêts, notamment commerciaux, loin des alternatives peu coûteuses qu’offre le bien connu comprimé sous les tropiques, sont menacés. Les grands laboratoires et la puissante industrie pharmaceutique n’ont que faire des milliers de malades qui tombent comme des mouches en Italie, en Espagne, ou en France, et bientôt sur le continent africain relativement épargné jusque là. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit, du reste, l’adage qui va comme un gant au grand lobby des fabricants et vendeurs des produits pharmaceutiques. Jusqu’où sont-ils capables de pousser encore le bouchon du cynisme et la recherche du gain éhonté sur le malheur de leurs semblables? Du reste, le silence sur les bienfaits de la chloroquine et sa catégorisation, depuis le 13 janvier 2020, selon certaines sources, au titre des «substances vénéneuses», donc disponible seulement sur ordonnance, alors qu’elle était en vente libre depuis 50 ans, sont des faits bien suspects, et même criminels s’ils s’avèrent.
En attendant que l’épisode de la ruée vers la chloroquine connaisse sa suite et, espérons-le sa fin, le Covid-19 lui continue sa course, mettant presqu’à l’arrêt le Burkina, et ses établissements scolaires, ses marchés qui sont de véritables baromètres de la vie économique et social en Afrique, ses gares et cars de transports, son aéroport. En tout cas, pour l’instant et comme ailleurs, le slogan est sans équivoque: «Restez chez vous» et respectons surtout les gestes barrières et les mots d’ordre de ceux qui nous dirigent, mais sont impuissants face au petit virus à couronne.
Par Wakat Séra