Que pouvaient les six anecdotiques voix obtenues par le député Jean-Michel Amankou contre l’élection de son pair d’Agboville au perchoir? Rien évidemment, car avec ses 237 votes, c’est un véritable raz-de-marée que le nouveau propriétaire du «tabouret» de l’Assemblée nationale a provoqué dans les urnes ce mardi. Pouvait-il en être autrement quand Adama Bictogo qui a ratissé large, a été porté par les élus, non seulement de sa formation politique d‘origine le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, pouvoir), mais également par les partis politiques d’une opposition qui, aujourd’hui, ne refuse rien à Alassane Ouattara.
Surtout qu’en dehors de la partie invisible de l’iceberg, tout est enrobé dans la belle et séduisante double enveloppe du «consensus» et de la «réconciliation» nationale». Deux concepts dans l’air du temps mais qui n’ont guère porté chance à l’adversaire du jour de Adama Bictogo, lui qui n’a même pas été investi candidat par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) sous la bannière duquel il mène son combat politique et qui a plutôt appelé ses élus à voter pour le poulain du parti d’en face.
Comme dans un mauvais rêve, à moins que ce soit une symphonie harmonieusement interprétée par des instrumentistes bien au fait des enjeux futurs de cette élection, dont la présidentielle de 2025, les propres camarades de parti de Jean-Michel Amankou ne lui ont pas donné leurs voix! Paradoxe des paradoxes! Mais c’est une illogique dont seuls les politiciens maîtrisent la…logique! Fort heureusement, l’honorable, que dis-je, le «déshonoré» du jour a sauvé la beauté de la démocratie, sinon le plébiscite du successeur de Feu Amadou Soumahoro, aurait simplement tourné au ridicule.
En réalité, comme le chantaient les partisans de Laurent Gbagbo, aux heures de règne de l’ancien président ivoirien, pour dire qu’en face c’est le désert, pour le RHDP d’aujourd’hui, «devant c’est maïs»! Malgré tout, l’homme d’affaires dans une autre vie, patron du groupe Snedai, et cadre influent du RHDP, a réalisé un score à la soviétique qui dénote non seulement de sa maîtrise des arcanes de la politique ivoirienne, mais surtout du soutien de son mentor, Alassane Ouattara. Député d’Agboville depuis 2011, vice-président de l’assemblée nationale depuis avril 2021 sous Amadou Soumahoro, dont il a assuré l’intérim pendant que celui-ci se battait contre la maladie, Adama Bictogo n’est pourtant pas le plus rassembleur du RHDP. Certains le trouvent même assez clivant. Pourtant, rassembler, c’est la première qualité que devra cultiver le banni de l’exécutif depuis 10 ans, devenu aujourd’hui pierre d’angle du législatif.
Quel est donc le projet de Alassane Ouattara qui vient de prendre à contre-pied bien des analystes dits infaillibles de la vie politique ivoirienne, selon lesquels le nouvel occupant du perchoir n’était plus dans les grâces présidentielles et était même sur le point être jeté aux orties? En tout cas, cette unanimité politique faite autour de Adama Bictogo serait un présage important de la rencontre prochaine entre Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, les trois dinosaures qui ont pris en otage, depuis quelques décennies, la vie politique ivoirienne sur laquelle ils règnent au gré de leurs humeurs, de leurs mariages, de leurs divorces et de leurs…remariages en attendant une future séparation. Un cycle incessant!
Par Wakat Séra