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Côte d’Ivoire/dirigeants politiques: tous des boulangers

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Depuis la lutte anti-coloniale, les partis politiques ivoiriens ont noué des alliances de circonstance qui ont toutes fait long feu. Les présidents Félix Houphouet Boigny, Henri  Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara ont soit dupé, ou ont été dupés par leurs alliés.

Les hommes politiques ivoiriens sont friands d’alliances qui se revèlent comme une tactique payante pour acceder au pouvoir. Tout a commencé en 1959 avec Feu Félix Houphouet Boigny, le Premier ministre de la République autonome de la Côte d’Ivoire dans le cadre de la Communauté franco-africaine. Dans un mémorable discours prononcé au stade Géo André (actuel stade Félix Houphouet Boigny), il appelle tous les partis politiques (Bloc democratique eburnéen, Parti progressiste, Entente des independants de Côte d’Ivoir, etc.) qui ont pignon sur rue, à se joindre au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) pour assurer l’unité des Ivoiriens. A ses yeux, ce creuset national aurait l’avantage d’éviter les querelles tribales et ethniques qui trouvaient un echo favorable au sein des partis politiques. Grâce aux moyens dont il disposait, le Bélier de Yamoussoukro réussit à convaincre ses adversaires qui se sabordent au profit du PDCI-RDA devenu ainsi le parti unique jusqu’en 1990. Certains leaders de ces part-is seront recompensés par des maroquins au gouvernement ou nommés à la tête de sociétés d’Etat. Prétextant les complots des annnées 1961-1963,  la purge lancée par Houphouet contre ceux qui l’empêchaient de gouverner rond, ne va pas épargner ses anciens alliés.

Certains vont goûter à la prison d’Assabou pendant que d’autres  perdaient tout simplement leurs privilèges. Dès lors, le père de la nation va gouverner le pays en roue libre jusqu’en 1990 où la rue poussée par une crise économique aiguë, va le contraindre à réinstaurer le multipartisme à partir du mois d’avril de la même année. De ce printemps politique, vont fleurir le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, le Parti ivoirien des travailleurs (PIT) de Francis Wodié, l’Union des socio-democrates (USD) de Zadi Zaourou, le Parti pour le progrès et le socialisme (PPS) de Bamba Moriféré, etc. Ces leaders politqiues, tous des universitaires, mettent sur pied la coalition de la gauche democratique qui décide de boycotter la présidentielle d’octobre 1990 au motif que «les dés sont pipés» d’avance. Contre l’avis de ses alliés, Laurent Gbagbo décide d’affronter Félix Houphouet Boigny qui pour la première fois, n’obtiendra pas les 99% de voix, score stalinien auquel il avait habitué l’opinion. Le «Woody de Mama» obtient 18% des suffrages exprimés et devient du coup le leader de l’opposition au grand dam de ses alliés qui crient à la «haute» trahison. Agacé par ces critiques, Laurent Gbagbo fait savoir à ses ex-camarades que ce sont «les petites rivières qui coulent vers les grands fleuves».

Par cette boutade, Laurent Gbagbo met fin aux illusions de ces alliés qu’il  a reussis à duper. Les choses évoluent en 1994 quand le Rassemblement des républicains (RDR) sort des entrailles du PDCI à cause du duel entre le dauphin constitutionnel Henri Konan Bédié (KKB) et l’ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara (ADO). La bataille pour la succession de Félix Houphouet Boigny ayant été remporté par Bédié, «N’Zueba», les partisans de Ouattara n’ont d’autre choix que de créer leur parti. Laurent Gbagbo voit en ce nouveau bébé de la scène politique une aubaine pour couper le «serpent» PDCI en deux afin de l’achever définitivement et acceder au pouvoir. Il s’allie avec Djéni Kobina, le secrétaire général du RDR, un de ses anciens compagnons de cellule de la prison de Séguela et  ex-camarade de lutte syndicale. Ainsi nait le Front républicain en 1995, réunissant le FPI et le RDR qui décident le boycott «actif» de la présidentielle d’octobre 1995 remportée par HKB.

Les premières fissures entre les alliés interviennent aux législatives de décembre 1995 et aux municipales de mars 1996 où ils se s’entre-déchirent sur le choix des candidats. La guerre entre Simone Gbagbo du FPI et Jacqueline Oble profite au PDCI qui prend la mairie d’Abobo et bien d’autres communes. Tout se gâte en 1998, quand le FPI décide d’entamer des negociations avec le PDCI à l’insu de son allié RDR roulé ainsi dans la farine. Bédié et Gbagbo se mettent en couple à partir de 1999, laissant le RDR seul face à la machine de repression du pouvoir. Toute la direction de la rue Lépic (Amadou Gon Coulibaly, Henriette Dagri Diabaté, Hamed Bakayoko, etc) est jetée dans les geôles de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) en octobre 1999.

C’est dans cette ambiance qu’intervient le coup d’Etat de décembre 1999 qui contraint Bédié à l’exil en France et assure le retour triomphal d’ADO sur les bords de la lagune Ebrié. Les premiers meetings animés par le «Brave tchê» du RDR inquiètent ses concurrents, tant l’ancien Directeur général adjoint du FMI «dja la foule» (captive). Face à ce déferlemen humain soulevé par Ouattara, Laurent Gbagbo convainc le PDCI à se mettre ensemble  avec son parti au sein du Front républicain composé des «vrais ivoiriens aux souches multiseculaires» contre les «étrangers». Les deux partis emballent le chef de la junte, Robert Guei dans leur aventure de la promotion de l’Ivoirité. Une nouvelle Constitution et un code électoral taillés sur mesure, éliminent ADO et Bédié à la grande satisfaction du général Guei qui affronte Laurent Gbagbo à la présidentielle d’octobre 2000.

Le champion du FPI parvient à rouler le général autoproclamé président de la République dans la farine et prend le pouvoir de façon «calamiteuse» après avoir jeté ses partisans dans la rue encadrés par l’armée noyautée par ses militants. Guei Robert qui pensait manipuler Gbagbo qualifié de «boulanger», comprendra qu’il s’est fait duper comme un gamin par plus rusé. Le régime du président Gbagbo bascule face à la rébellion déclenchée en septembre 2002 mais ne rompt pas. Se adversaires réunis au sein du G7 composé des trois mouvements rebelles et les quatre partis politiques (PDCI, RDR, UDPCI et MFA) finissent par créer le Rassemblement des Houphouetistes pour la democratie et la paix (RHDP). Au 2è tour de la présidentielle de novembre 2010, le champion du RHDP, Alassane Ouattara terasse celui de La Majorité présidentielle (LMP), une coalition formée par Simone Gbagbo.

Le RHDP remet le couvert en octobre 2015, assurant une victoire écrasante à Alassane Ouattara sans un adversaire de taille. Ironie du sort, le PDCI qui ne sent pas son allié RDR lui faire la passe en 2020, claque la porte du RHDP pour se jeter dans les bras du FPI. Ainsi va la vie dans le marigot politique ivoirien où les alliances se font et se defont au gré des projets présidentiels des candidats.

Mahamadou DOUMBIA (Corespondant Wakat Séra en Côte d’Ivoire)