L’élection présidentielle prévue pour octobre 2020 en Côte d’Ivoire pourrait bien être reportée, compte tenu des bouleversements connus par les opérations préélectorales, Covid-19 oblige. Mais en attendant, le pays de Alassane Ouattara vit au rythme des «affaires Soro» et du séjour parisien du Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly pour «suivi médical». Toute la vie politique ivoirienne tourne autour de ces deux personnages, qui, annoncés dans l’arène de la présidentielle de 2020, se retrouvent tous aujourd’hui sur les bords de la Seine, non pour des vacances dorées, l’heure étant loin de se prêter au tourisme, le Covid-19 régnant toujours en maître, mais pour des fortunes diverses. Le destin qui a l’art de jouer de ces tours aux hommes, a rassemblé dans la même ville et dans le même temps, ceux qui font pourtant l’actualité, loin de la terre de leurs ancêtres. Guillaume Kigbafori Soro (GKS), en lune de fiel avec celui qui l’appelait avec affection son «fils» est contraint à l’exil parce que acculé par une justice accusée, à tort ou à raison, de faire la volonté du prince du moment. Amadou Gon Coulibaly (AGC), le dauphin choisi par le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO), pour lui succéder sous la bannière du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est lui en délicatesse avec sa santé.
L’un dans l’autre, les deux hommes pourraient bien suivre en spectateurs ce combat pour le fauteuil de ADO. Pour GKS, à moins d’un tsunami, tout retour en Côte d’Ivoire avant la fameuse présidentielle à laquelle il reste convaincu qu’il prendra part et «gagnera», s’éloigne avec les accusations et condamnations que la justice de son pays lui fait tomber dessus en cascades. Même si le dernier uppercut que l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire a pris, ne l’a pas laissé groggy, il le condamne malgré tout, par contumace et en l’absence de ses avocats, à 20 années de prison ferme, 4,5 milliards de francs CFA d’amende, la confiscation de sa résidence. Et la partie du film la plus fâcheuse pour lui mais qui fait le bonheur de ceux qui ne veulent pas le voir en présidentiable, même en rêve, c’est la privation de ses droits civiques pour sept ans. C’est-à-dire qu’il restera, au mieux, bien confiné même sans Covid-19, le temps que le match de la présidentielle soit joué et que le nouveau maître d’Abidjan, s’il est pro-Ouattara ou Ouattara lui-même, mette en place une autre stratégie pour le maintenir loin des berges de la lagune Ebrié. Même l’injonction de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à l’Etat ivoirien de surseoir à cette poursuite judiciaire qui prend des airs d’un acharnement qui ne dit pas son nom, n’a pas pu, pour l’instant en tout cas, sauver l’enfant terrible de la politique ivoirienne de sa descente aux enfers. C’est un secret de polichinelle, tant que ADO qui en a fait comme son affaire personnelle est aux…affaires, GKS devra, comme nous l’avons déjà écrit, boire la calice jusqu’à la lie. La règle non écrite en politique de ne laisser aucun répit à celui qui vous a fait roi, restera ainsi immuable et le feuilleton finira sans doute encore, et comme toujours par l’épisode du chasseur qui devient chassé.
Si Guillaume Kigbafori Soro se démène comme un diablotin dans le bénitier de ADO, Gon lui garde encore l’espoir d’être sauvé par le…gond. Si les bruits qui courent sur son état de santé du Premier ministre ivoirien sont des plus pessimistes, la communication officielle lui fait prolonger tranquillement son «suivi médical» pour quelques semaines encore, entre les mains des toubibs au bistouri expert du célèbre hôpital parisien de Pitié-Salpêtrière. Mais c’est certain, son organisme déjà fragilisé par l’implantation cardiaque qu’il a subie en 2012 dans le même centre hospitalier, supportera-t-il les stress et angoisses, surtout l’harassante campagne électorale, d’une présidentielle? Grande question qui doit sans doute bien embarrasser au QG du RHDP, parti au sein duquel les ambitions d’autres présidentiables, s’aiguisent de plus en plus.
Ainsi bouillonne la marmite politique en Côte d’Ivoire, qui doit lutter contre le Covid-19, mais aussi contre un autre virus non moins dangereux qui est la grande peur provoquée depuis la nuit des temps par les élections dans ce pays où les séquelles des violentes crises post-électorales rappellent, si besoin en est encore, qu’il faut faire attention au retour des vieux démons de la guéguerre politicienne.
Par Wakat Séra