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Côte d’Ivoire: en attendant Gbagbo

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L'ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo (DR)

La Côte d’Ivoire se trouve en pleine effervescence électorale et surtout politique. Dans ce contexte, une éventuelle  libération de l’ancien président, Laurent Gbagbo, incarcéré à La Haye  depuis le 30 novembre 2011, devrait chambouler les cartes dans la perspective de la présidentielle de 2020.

Le procès de l’ancien chef d’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, et de son protégé, Charles Blé Goudé, reprend ce 1er octobre 2018 à La Haye après la pause des vacances estivales. Pour ses avocats, le «Woody de Mama» devrait recouvrer la liberté après deux ans d’audiences qui n’ont pas prouvé la culpabilité de leurs clients. Les 15 000 pages de retranscription des dépositions, les milliers de documents et les centaines d’heures de vidéos, les 82 témoins appelés à la rescousse pour étayer les accusations de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, n’ont pas de quoi montrer «au-delà de tout doute raisonnable», les charges qui pèsent sur le père de la Refondation, estime l’avocat principal de la défense de Laurent Gbagbo à La Haye, Me Emmanuel Altit. A ses yeux, l’accusation n’a pas pu «prouver l’existence d’un seul élément relevant de la responsabilité́ pénale» de Laurent Gbagbo qui tendrait aà démontrer qu’aurait existé un «plan commun» dans les meurtres commis pendant la crise postélectorale. Fort de ces éléments «en béton», la défense réclame l’acquittement pur et simple de Laurent Gbagbo.

Si la partie est loin d’être gagnée car la Procureure et l’avocat des victimes tenteront de démonter ces arguments, nombreux sont ceux qui estiment que les chances d’une libération propable de l’époux de Simone et de Nady restent grandes. L’acquittement en appel récent du leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean Pierre Bemba, vient en rajouter à la confiance des « GOR », c’est-à-dire les Gbagbo ou rien. «Nous sommes sereins et confiants que le président Laurent Gbagbo sera acquitté, libéré et pourra regagner son pays », a déclaré Justin Koua, président de la jeunesse d’une coalition qui regroupe des partis politiques et une partie du Front populaire ivoirien (FPI). Un tel scénario va complètement boulverser la carte politique de la Côte d’Ivoire avec à la clé le risque de vivre le remake de 2010 où Laurent Gbagbo, Alassane Dramane Ouattara (ADO) et Henri Konan Bédié s’affrontaient dans un duel d’éléphants. Laurent Gbagbo, s’il n’est pas victime du syndrome Bemba dont la candidature a été rejetée par la Commission électorale nationale électorale (CENI) en République démocratique du Congo (RDC), Alassane Ouattara sera contraint de revenir sur sa décision de remettre le pouvoir à une nouvelle génération, pour retourner au front en vue de la conservation du fauteuil présidentiel. Son parti, le Rassemblement des républicains(RDR), déchiré par des querelles intestines entre des poids lours comme le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, le premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, et le ministre d’Etat en charge de la Défense, Hamed Bakayoko, et affaibli par le découragement de nombreux militants qui estiment avoir été oubliés dans le partage du gâteau, ne pèsera difficilement lourd face à une coalition formée par Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.

Alliance devenue possible depuis que le Parti democratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la frange qui reste toujours sous la coupe de Henri Konan Bédié, a claqué avec fracas la porte du RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour le développement et la paix). Il ne faut pas non plus exclure l’arrimage de Guillaume Soro à ce remariage, avec pour seul objectif de chasser le RDR du pouvoir. La grande clameur de soutien qui a accueilli Simone Gbagbo, ce samedi 29 septembre à  la 7è édition de la coupe d’Afrique de Maracana (Maracan’2018) au Parc des sports de Treichville, prouve que le Front populaire ivoirien (FPI) reste encore populaire, et même très populaire. Applaudie par  une foule, en délire, heureuse de revoir l’ex-première dame, et qui scandait «Libérez Gbagbo! Libérez Gbagbo!», est une preuve patente de cette ferveur que provoque encore le parti fondé par Laurent Gbagbo. Pour avoir «dja foule», comme on le dit à Abidjan pour désigner l’émeute créée par une star, Simone Gbagbo peut se considérer être bien en vogue. Ce qui peut la reconforter dans son ambition de briguer le fauteuil présidentiel au cas où son époux ne serait pas libéré par la CPI. L’un dans l’autre, les Gbagbo donneront toujours des nuits blanches au pouvoir de Alassane Ouattara.

Par Wakat Séra