Du TAC aux tirs! Ainsi se présentent les dernières heures du calendrier mouvementé de Alassane Ouattara. En effet, à peine a-t-il posé ses valises en provenance de Ouagadougou où il venait de prendre part à la 6è édition du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre son pays et le Burkina Faso, que le président ivoirien a été accueilli par des tirs en plein Cocody, un des quartiers centraux d’Abidjan. Une fois de plus, les réalisateurs de cette série d’horreur servie régulièrement aux populations ivoiriennes inquiètes et paniquées, ne sont autres que des hommes de tenue. Pendant combien de temps sifflera encore la cocotte-minute ivoirienne avant de se taire ou exploser? Si rien n’est fait pour désarmer les militaires et les cœurs, le volcan en sommeil pourrait bien se réveiller, éruption qui pourrait être fatale pour Alassane Ouattara qui, c’est maintenant certain, vivra une fin de mandat complètement pourrie. Visiblement et comme pour confirmer la myopie politique dont il fait preuve, Alassane Ouattara vient de faire un réaménagement ministériel qui passe mal. La nomination de Hamed Bakayoko comme ministre de la Défense, puisque c’est de cela qu’il s’agit ne semble pas être du goût de tout le monde à Abidjan. Certains pensent que c’est une manière d’affaiblir ce proche de Alassane Ouattara, dit surtout protégé de son épouse Dominique, au profit du nouveau premier ministre Amadou Gon Coulibaly qui s’assure ainsi le contrôle de la sécurité et de l’administration territoriale, avec pour point de mire 2020. Pour d’autres HamBak, comme on l’appelle familièrement sur les bonnes de la lagune Ebrié, pourrait bien être également être victime de ce département insatiable qui bouffe les ministres, dans un cycle interminable de mutineries. A moins que l’homme trouve le remède pour guérir l’armée ivoirienne, politisée et divisée, de ce cancer qui la ronge inexorablement, si rien n’est fait.
Par contre, dans le décryptage d’autres observateurs de la vie politique ivoirienne, par cette nomination, Alassane Ouattara «lance Hamed Bakayoko contre Guillaume Soro». Si tel est l’objectif visé, ce serait la confirmation que Guillaume Soro serait considéré par le pouvoir comme celui qui est à l’origine de ces humeurs bruyantes et incessantes des militaires, ex-rebelles ou non. Alassane Ouattara est donc dans la logique de mettre sur la route du remuant président de l’Assemblée nationale, son rival de tous les jours. Est-ce la bonne parade? Certainement pas, le mal étant devenu trop profond, renforçant les clivages et surtout sur le point de faire voler en éclats, si ce n’est déjà fait, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). La guerre est ouverte et Alassane Ouattara et son parti politique, le Rassemblement des républicains (RDR) sont en train de perdre leurs alliés d’hier, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire de Henri Konan Bédié et l’aile Guillaume Soro, qui sont même visiblement prêts à flirter avec le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le plus célèbre des prisonniers de Scheveningen, vient d’obtenir comme une petite victoire de sortir des geôles de la Cour pénale internationale (CPI). La chambre d’appel de cette institution fortement contestée actuellement en Afrique, a simplement cassé, ce mercredi 19 juillet, une décision refusant la liberté à l’ancien président ivoirien pour le reste de son procès. Mieux, la chambre d’appel a enjoint celle de première instance de réexaminer sa situation. Même mince, l’espoir existe pour le premier ex-chef d’Etat dans les serres de la CPI depuis le 29 novembre 2011, âgé aujourd’hui de 72 ans et malade, de bénéficier de liberté provisoire pour la suite de son procès.
Seul contre tous? Cela pourrait être le sort de Alassane Ouattara, lâché par ceux qui l’ont porté à la présidence. Même que le bruit de dissension au sein même du RDR court dans le landernau politique ivoirien. Las de cette prise en otage permanente par les mouvements itératifs violents des hommes de tenue, et fatigué d’attendre une réconciliation nationale qui demeure un véritable serpent de mer, le peuple ivoirien attend certainement son heure. Il sera sans doute l’arbitre courtisé et craint d’une crise politique qui, en réalité, n’a jamais quitté la Côte d’Ivoire depuis la disparition, le 7 décembre 1993, du père de la nation ivoirienne, le président Félix Houphouët Boigny. Se réclamant presqu’eux tous d’en être les héritiers, c’est pourtant de façon éhontée et pour des intérêts égoïstes et très personnels, que les politiques ivoiriens vendangent les valeurs d’homme de dialogue et de rassembleur du «Vieux».
Pour l’instant, le casse-tête reste entier pour Alassane Ouattara dont le pouvoir fragilisé a intérêt à reprendre la main afin de s’offrir une meilleure fin de mandat. Premier challenge, relever le défi sécuritaire des 8è Jeux de la Francophonie, qu’Abidjan accueille à partir de ce vendredi 21 juillet mais qui pourrait être «gnagamé» (mélangés) par des manifestants déterminés à pourrir la vie à Alassane Ouattara.
Par Wakat Séra