Ils ont saigné le latex ave l’espoir de se faire le sou mais aujourd’hui, ils sont saignés à cause de la chute du prix de ce produit sur le marché international et les dysfonctionnements de la filière au plan national.
Les planteurs d’hevea ne savent plus à quel Saint se vouer, tant cette filière jusque-là juteuse, est confrontée à de multiples problèmes au plan national que sur le marché international. La crise est née du boycott « actif » du latex par les usiniers qui ont coupé les herbes sous les pieds des paysans en refusant d’acheter leurs produits. Selon les organisations de l’hévéa en Côte d’Ivoire, cette limitation du volume d’achat des usiniers s’explique par leur incapacité à absorber toute la production des planteurs. Ces usines n’ont pas pu augmenter leur capacité de transformation à cause des taxes « suréalistes » imposées par l’Etat.
Face à ce dysfonctionnement, les planteurs sont contraints d’exporter leurs produits à l’état brut. Le hic, les armateurs refusent de continuer à embarquer les fonds de tasse (hévéa brut) sur leurs bateaux pour l’exportation. Ils justifient ce refus par la dégradation matérielle que cause la sève d’hévéa, détruisant le plancher de leur cargaison. Conséquence : plus de 20.000T de latex sont encore bloqués au Port autonome d’Abidjan (PAA) au grand dam des paysans qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. A l’Association des professionnels du caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire (APROMAC), on envisage une solution de transport en bateau de l’hévéa brut par des conteneurs. Le prix d’achat élevé du caoutchouc a entrainé une ruée massive de nombreux investisseurs vers cette filière qui a connu un véritable boom. Les planteurs de cacao et de café, les deux mamelles de l’économie ivoirienne, ont tourné leur dos à leurs premières amours pour se jeter sur l’hévea.
Du coup, l’on assiste à une surproduction alors que le nombre d’usines n’a pas augmenté pour une première transformation du latex. Au même moment, les pays d’Asie du sud (Malaisie, Thailande) et d’Amérique latine ont inondé le marché mondial, entrainant une chute des prix. Les responsables des coopératives sont très mal à l’aise car ils sont obligés parfois de faire des avances aux planteurs sur fonds propres. A cause de cette situation, de nombreux producteurs ont passé une mauvaise fête de la Tabaski car ils n’ont pu s’offrir le mouton du sacrifice. Si rien n’est fait, la rentrée scolaire aura un goût amer pour de nombreux parents d’élèves. On est très loin de la promesse d’embellie faite par le patron de l’APROMAC.
« Je prends ici l’engagement de redoubler d’efforts, pour non seulement maintenir le niveau des acquis mais également rehausser le fonctionnement de la faîtière afin de relever les nouveaux défis de la filière », avait déclaré Kremien Malan Eugène, le nouveau président de l’APROMAC, le 19 juillet 2018, lors de son installation.
L’hevea a été introduit en Côte d’Ivoire dans les années 1950 après la défaite des Français à Dien Bien Phu en mai 1954 en Indochine où les colons avaient planté de milliers d’hectares de plantation de ce produit destiné aux usines Michelin.
Mahamadou DOUMBIA (correspondant Wakat Séra en Côte d’Ivoire)