Hamed Bakayoko est le nouveau Premier ministre de la Côte d’Ivoire. La nomination, ou la confirmation, c’est selon, a mis un laps de temps avant d’intervenir, ce jeudi 30 juillet, alors qu’elle était attendue depuis le 20 juillet dernier, selon ceux qui se disent dans les secrets du palais. Ce cadeau de Tabaski, Hambak l’étrennera cumulativement avec son maroquin de la Défense que Alassane Ouattara ne peut se permettre le risque, à trois mois des élections, de remettre entre des mains nouvelles. Loin d’être en terra incognita pour avoir assuré, pendant deux mois, l’intérim du défunt Amadou Gon Coulibaly, le locataire de la Primature, qui séjournait en France pour des ennuis de santé, le nouveau Premier ministre, véritable poids lourd du régime Ouattara, est, indubitablement, en train de poursuivre son ascension vers les cimes du pouvoir.
Toutefois, s’il reste un maillon essentiel de la machine électorale qui devrait permettre à Alassane Ouattara, si celui-ci se décide à être le candidat de son parti pour la présidentielle prochaine, de faire passer sa candidature pour un troisième mandat, jugé d’inconstitutionnel, Hamed Bakayoko ne peut visiblement pas porter le costume de dauphin, laissé par son prédécesseur à la primature. La fronde dite du «Tout sauf Bakayoko» est en effet trop vive au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et le progrès (RHDP), la propre famille politique du tout nouveau chef de l’Exécutif.
La Côte d’Ivoire a donc, à nouveau, un Premier ministre, elle dont l’appareil institutionnel s’est brutalement dégarni, après la mort du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, la démission du vice-président, Daniel Kablan Duncan, les absences pour santé défaillante des présidents, du Sénat, Jeannot Ahoussou-Kouadio et de l’Assemblée nationale, Amadou Soumahoro. Alassane Ouattara, après avoir mis à la place du «fils» Amadou, son «fils» Hamed, au poste de Premier ministre, a-t-il encore un troisième «fils» digne de sa confiance pour le mettre en selle pour sa succession prévue dans trois mois? Rien n’est moins sûr, l’autre «fils», Guillaume Soro, ayant décidé, comme l’enfant prodigue de la Bible de prendre ses distances de ce cocon familial au sein duquel il se sentait de plus en plus à l’étroit et surtout personna non grata.
Et ce n’est pas évident que, comme dans la parabole de l’Evangile, selon Luc 15: 11-32, l’ancien président de l’Assemblée nationale se lève et retourne vers son «père» et que celui-ci tue le veau le plus gras pour célébrer son retour. Ici, nous sommes en politique où les requins ne se font aucun cadeau. Du reste, la fracture est trop profonde entre le «fils» Soro et le «père» Ouattara. Toute chose qui renforce la thèse de la candidature de Alassane Ouattara qui a promis à ses fans du RHDP qui le supplient de briguer ce troisième mandat risqué, de revenir vers eux après son «recueillement». En tout cas, il les a rassurés, en leur rappelant qu’il ne les a jamais déçus. Tout est dit, dans ce discours sibyllin que le leader du RHDP a tenu ce mercredi devant les siens.
En attendant, sur les bords de la lagune Ebrié, l’échauffement bat son plein pour le match du 31 octobre qui prend des allures d’un remake de 2010, avec le trio Laurent Gbagbo-Alassane Ouattara-Henri Konan Bédié, qui pourrait se reconstituer si le premier arrive à se libérer des serres de la Cour pénale internationale avant le 31 août et que le deuxième se renie totalement, pour revenir dans le combat pour sa propre succession.
Mais d’ores et déjà, avec la malheureuse conjonction de la crise sanitaire liée au Covid-19, du défi sécuritaire que doit relever la Côte d’Ivoire, depuis les attaques, lointaine de Grand-Bassam et plus récente de Kafolo, et la montée de la température politique, le désormais Premier ministre ivoirien ne bénéficiera d’aucun temps de grâce. Hamed Bakayoko, reconnu comme un bosseur, malgré son passé d’habitué des nuits chaudes d’Abidjan, le sait. Et il sait surtout qu’il ne compte pas que des amis qui lui veulent du bien, dans la mare politique ivoirienne actuelle où il faut nager en «prudencia», comme le chante le célèbre patron du Zoblazo, l’inoxydable Meiway, de son vrai nom, Frédéric Ehui.
Par Wakat Séra