Abidjan un jour, Abidjan toujours. C’est la philosophie de la belle capitale ivoirienne qui s’apprête à offrir cette hospitalité dont elle a le secret, à plus de 4 000 participants, à l’occasion des 8è Jeux de la Francophonie qu’elle accueille du 21 au 30 juillet de cette année. Tout est fin prêt et en attendant de démarrer ce cette rencontre d’échanges sportifs et culturels par le canal de la langue de Molière, Alassane Ouattara s’offre un saut de puce chez le voisin du Burkina Faso, ce lundi 17 juillet 2017. A Ouagadougou, le chef de l’Etat ivoirien, en compagnie de son hôte burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, et de leurs gouvernements respectifs travailleront sur les grands chantiers communs à leurs deux pays, unis par l’histoire, la géographie et la politique. Ce sera à l’occasion de la 5è édition du Traité d’amitié et de coopération (TAC) qui, depuis le 29 juillet 2008, date de sa signature, permet au Burkina Faso et à la Côte d’Ivoire d’impulser leurs relations multisectorielles séculaires. Mieux, ce TAC comme l’a si bien dit Alpha Barry, le ministre burkinabè des Affaires étrangères devrait contribuer à renforcer les liens entre les deux pays mais surtout à dégager pour de bon le ciel ivoiro-burkinabè, obscurci par endroit depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a emporté le régime de Blaise Compaoré, le co-géniteur du TAC avec Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien. Mais le chef de l’Etat ivoirien, pris dans la tourmente des mutineries qui n’en finissent pas et la guerre de positionnement pour la présidentielle de 2020 qui fait rage dans son pays aura-t-il véritablement le cœur à l’ouvrage? Rien n’est moins sûr.
Entre tension sécuritaire et pression politique, le mélange explosif qui se met en place en Côte d’Ivoire n’a rien de rassurant pour Alassane Ouattara. Depuis qu’il a annoncé qu’il ne briguera pas un troisième mandat, celui qui a remis l’économie de son pays à flot et a réalisé de grands chantiers infrastructurels qui font la fierté d’une Côte d’Ivoire dévastée par une guerre civile et une violente et sanglante crise électorale, ne connaît plus la paix. La température a davantage grimpé avec les modifications constitutionnelles opérées sous la houlette de celui qui est passé de «ADO la solution», slogan de sa campagne électorale, à «ADO le problème». Le train de la réconciliation nationale n’a jamais quitté la gare. Pire, les réformes institutionnelles qui ont créé un poste de vice-président et ont par ricochet dépouillé le président de l’Assemblée nationale de l’attribut de dauphin constitutionnel sont passées par là, tout comme les dernières fatwas contre les proches de Guillaume Soro, ou du PDCI, limogés à tour de bras… La guerre désormais ouverte entre Ouattara et Soro, les anciens amis pour la conquête du pouvoir qui était entre les mains de Laurent Gbagbo, et surtout les suspicions de trahison entre anciens alliés du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), sont autant d’ingrédients qui donnent des nuits blanches au président ivoirien. Cela ne fait plus l’ombre d’un doute, Alassane Ouattara connaîtra une fin de mandat très mouvementé et au lieu de sortir triomphalement de l’arène où sont en train de l’abandonner ses soutiens d’hier, il pourrait bien quitter les affaires par la plus petit des portes. Comble de tout, il pourrait bien passer dans cet anonymat qui constitue la hantise de ces hommes qui ont toujours occupé les devants de la scène et sont persuadés d’avoir réalisé de grandes choses pour leur pays.
Et la détention sans fondement de Laurent Gbagbo qui pourrait connaître un autre tournant, soit par la liberté conditionnelle ou la résidence surveillée pour le célèbre prisonnier de la Cour pénale internationale (CPI), risque d’en ajouter au calvaire de Alassane Ouattara. Les cailloux, le Rassemblement des républicains (RDR) et son champion en ont désormais trop dans les chaussures. Car le jeu des rapprochements entre amis d’avant devenus ennemis d’hier, en train de redevenir amis de demain, sera fatal pour Alassane Ouattara, si le statu quo fait de mutineries et de grèves demeure. Pourtant l’homme avait toutes les cartes en main, avec à ses côtés, le président du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI/RDA), Henri Konan Bédié et le chef de l’ex-rébellion, Guillaume Soro, qui lui ont offert le pouvoir pratiquement sur un plateau d’or. L’émancipation de Ouattara au détriment de la survie de ces anciens amis, passera difficilement. La lagune Ebrié sera bien agitée dans les jours prochains. Pourvu que tout se passe dans les règles de l’art pour éviter à la Côte d’Ivoire de replonger dans la violence.
Par Wakat Séra