Des manifestations ont éclaté, ces mercredi 12 et jeudi 13 août, à Abidjan, dans des quartiers comme Yopougon, Anono, Port Bouët, Gonzagueville, et autres, et à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, dans des localités comme Daoukro, le fief de l’ancien président et candidat à la présidentielle, Henri Konan Bédié, Bonoua, à 50 km à l’Est de la capitale ivoirienne, Bangolo, Tabou, Toumodi, pour ne citer que ces villes. Saccages de maisons d’habitation et de sièges de partis politiques, incendie de pneu et de bâtiments administratifs comme le commissariat de Bonoua, tirs de gaz lacrymogènes, barricades de routes, et malheureusement au moins quatre morts, sont, entre autres, le bilan non exhaustif de manifestations qui ont fait monter le mercure socio-politique d’un cran en Côte d’Ivoire, depuis que le président ivoirien, Alassane Ouattara, a pris la décision de briguer un autre mandat, le fameux troisième mandat, reconnu comme celui de tous les dangers.
Malgré ces scènes qui font craindre le pire pour une Côte d’Ivoire qui porte encore, bien visibles, les stigmates de la guerre civile de 2002-2003 et de la crise post-électorale tristement meurtrière de 2010-2011, qui ont, du reste, amené Alassane Ouattara au pouvoir, le ton guerrier est le langage le mieux utilisé par les va-t’en guerre des camps en conflit. En tout cas, si les manifestants ont brandi les pancartes «ADO dégage», l’exécutif du parti au pouvoir, en signifiant clairement que rien n’arrêtera la machine de la candidature contestée de son champion, a annoncé l’investiture de celui-ci pour le 22 août prochain. Et c’est prévu au stade Félix Houphouët Boigny, un homme de paix, qui doit certainement se retourner dans sa tombe, au vu de cette Côte d’Ivoire en ébullition.
Les démons de la violence sont de retour en Côte d’Ivoire, avec l’annonce de Alassane Ouattara d’être candidat à sa propre succession, envers et contre l’opposition et la société civile qui sont vent debout contre ce 3è mandat, qu’elles jugent anticonstitutionnel. La Loi fondamentale de la Côte d’Ivoire dit en effet que le mandat présidentiel est de cinq ans, renouvelable une seule fois. Et le chef de l’Etat avait même annoncé son retrait, suite à ses deux quinquennats au cours desquels il a redonné des couleurs à son pays. Mais ça, c’était le 5 mars dernier, car le 8 juillet est passé par là, date à laquelle le Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly (AGC), candidat du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a été arraché à l’affection des siens. Il fallait rebattre les cartes et le parti au pouvoir n’avait pas de plan B.
C’est ainsi que Alassane Ouattara, pour calmer les «pleurs» de ses partisans qui lui demandaient de revenir défendre les couleurs du RHDP, a «accepté» le «sacrifice» suprême d’hériter de son «fils» AGC , de la casquette de candidat à la présidentielle prévue pour le 31 octobre 2020. Problème, ses opposants et la société civile brandissent le carton rouge. La Constitution l’interdit. En face, les pros-Ouattara rétorquent que le président-candidat, sera plutôt à son premier mandat de la 3è république, avec l’avènement de la nouvelle constitution. Et voilà la Côte d’Ivoire qui va encore à l’embrasement, les politiciens restant égaux à eux-mêmes, en ne jouant que sur le terrain de leurs intérêts égoïstes et très personnels.
Soit! Comme veut le faire croire le RHDP, c’est le Conseil constitutionnel qui est juge de l’éligibilité d’un candidat. Mais le parti, obsédé par les lambris dorés du palais du Plateau, feint d’oublier que c’est le peuple qui donne ce pouvoir et quand il se sent floué dans le contrat, la même Constitution lui donne le droit, par divers moyens, de retirer au mandaté, le pouvoir, sans forcément attendre les urnes. C’est souvent arrivé, comme au Burkina Faso, pays voisin de la Côte d’Ivoire, où Blaise Compaoré qui était dans la légalité et a toujours été plébiscité par le peuple lors d’élections «libres et transparentes» a voulu manipuler la Constitution pour aller au mandat de trop. Pas même l’Union africaine, encore moins la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), syndicats des chefs d’Etat, reconnu pour leurs interventions contre le peuple, n’ont rien pu pour l’homme fort de Ouagadougou dont des sources disent que sa chute aurait même été accompagnée par certains de ses pairs à qui il faisait de l’ombre. Il est d’ailleurs l’hôte de la Côte d’Ivoire où il est en exil depuis 2014.
Juste pour dire à Alassane Ouattara que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. A moins de manipulation contre nature, un chat ne peut pas donner la vie à un chien. ADO doit donc garder à l’esprit que c’est le même peuple qui l’a porté et adulé, est le même qui le conspuera et le chassera s’il ne fait plus son affaire. Si Alassane Ouattara, qui sait se proclamer héritier du sage de Yamoussoukro, pouvait agir avec une once de sagesse du «Vieux», il calmerait le jeu en ramenant tout le monde sous l’arbre à palabre, là où finissent toutes les incompréhensions, et même les guerres les plus longues. C’est lui le chef de famille et ce sera à son honneur.
Par Wakat Séra