Bien que provisoires, les résultats des élections législatives de ce 6 mars, donnent vainqueur, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), avec un total de 137 députés, soit 54% des 255 sièges en jeu. La coalition formée par le PDCI-RDA de l’ex-président Henri Konan Bédié, et la plateforme EDS de l’ex-chef d’Etat Laurent Gbagbo, obtient 81 sièges. Les candidats indépendants, quant à eux, s’en tirent avec 26 sièges. Le taux de participation, estimé à 37,88% est, logiquement bien faible, ne dérogeant pas, ainsi, à la règle des élections intermédiaires, qui, malgré leur importance capitale pour la conquête et l’exercice du pouvoir, suscitent, contrairement à la présidentielle, peu d’engouement de la part des électeurs. Les 2 788 022 votants des 7 359 399 d’Ivoiriens inscrits sur la liste électorale, ont donc fait leurs choix. Les 82 184 contre 34 083 bulletins blancs et les 2 705 838 de suffrages exprimés, qui sanctionnent ces législatives, complètent le tableau en chiffres de ces élections pour lesquelles le parti au pouvoir visait 60% des sièges.
Certes, l’opposition n’a pas réussi à contrarier, véritablement, les plans du parti au pouvoir qui conserve sa majorité à l’Assemblée nationale, et qui pourrait même, à l’occasion, compter sur la marge d’une quinzaine d’indépendants. Mais, en retournant aux urnes, après des boycotts successifs, les opposants, qui ont même réalisé la prouesse de se réunir en coalitions, dont l’alliance PDCI-EDS d’une part et, d’autre part, celle regroupant le Cojep de Charles Blé Goudé, l’UDPCI de Albert Mabri Toikeusse, AGIR de Martial Joseph Ahipeaud et tirée par le Front populaire ivoirien (FPI), tendance Pascal Affi N’Guessan, se donnent de véritables chances de revenir dans le débat politique, par la grande porte. Mieux valant tard que jamais, ils ont enfin intégré le fait que leur absence n’a fait qu’élargir le boulevard que s’est ouvert le RHDP dans la conservation de son pouvoir, pouvoir duquel il avait éloigné ses véritables adversaires, dont les plus emblématiques, sont, sans aucun doute, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, et l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Ce dernier ne risque-t-il pas, du reste, de se compliquer un destin politique déjà mal en point, en faisant boycotter, ces élections par ses militants? Rien n’est plus sûr, à moins que, «Bogota» ait déjà pensé à une autre stratégie, fin tacticien qu’il est.
Les opposants, qui crient à la fraude et autres irrégularités, en attendant la suite des différents recours introduits, ou à introduire, devant le conseil constitutionnel, certainement, sans l’illusion de renverser les résultats de fond en comble, ont fait plus que tenir la dragée haute au RHDP de Alassane Dramane Ouattara, qui, rappelons-le exerce un troisième mandat présidentiel, anticonstitutionnel. Yopougon, l’une des plus grandes communes d’Abidjan, ancienne base historique du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, est retournée à ses anciennes amours, après une législature d’infidélité avec le RHDP. Une véritable victoire pour l’opposition, avec, cerise sur le gâteau, l’élection de Michel Gbagbo, le fils de l’autre, dans cette circonscription à enjeu. Avec «Yop», Port-Bouët et Marcory, où le match a été houleux, d’autres communes ont été conquises par la coalition PDCI-EDS qui engrange ainsi, 81 députés, soit 32% du total des sièges.
Elle est bien loin du butin du parti au pouvoir, mais, avec les obstacles qu’elle a subis, par la persécution engagée de longue date contre ses leaders et ses cadres, en exil forcé ou embastillés, l’opposition peut bien s’enorgueillir de ses résultats, qui pourraient en appeler de plus conséquents. Mais, combien de temps tiendra l’unité érigée pour ces dernières législatives, le fort des opposants étant toujours d’être d’accord sur leurs…désaccords? En tout cas, c’est la Côte d’Ivoire dans son ensemble qui aura gagné, si les esprits demeurent positifs, et que seule la voie républicaine est suivie dans les contestations et réclamations. Pourvu donc que tout se passe selon les règles démocratiques, dans une Côte d’Ivoire électorale où les démons de la violence ne sont jamais loin.
Par Wakat Séra