Guillaume Kigbafori Soro a été condamné à la prison à vie par le tribunal criminel d’Abidjan. Comme ses co-accusés, il lui est reproché, entre autres griefs, celui de tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat et complot, diffusion de nouvelles fausses et troubles à l’ordre public. Sur les 20 poursuivis dans ce procès, qui lui n’a pas épousé l’esprit de la réconciliation qui souffle sur Abidjan, tous des proches de l’ex-président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, quatorze ont comparu, tandis que les autres se trouvaient en exil. En dehors de cinq d’entre eux qui sont sortis, libres du palais de justice, parce qu’ayant déjà purgé, en détention provisoire, plus des 17 mois représentant la peine qui leur a été infligée, la main de la justice a été très lourde contre 14 autres prévenus, absents du box et qui ont donc récolté chacun, 20 ans de prison, par contumace pour Affoussy Bamba, l’avocate de Guillaume Soro, en exil comme son client.
Comme il fallait s’y attendre, compte tenu de la forte senteur politique qui enveloppait ce procès, le principal prévenu, GKS, tombé en totale disgrâce auprès de son ancien mentor ADO, a ramassé, rien moins que la perpète. Les avocats du supplicié d’Abidjan qui ont promis faire appel, devant des «juges beaucoup plus sages», ont dénoncé «un procès politique (…) une justice aux ordres». En face, la partie civile, logiquement «satisfaite» des peines prononcées, brandit «une très bonne décision, conforme à la profusion de preuves discutées à l’audience». Pour les conseils de l’Etat ivoirien, «force reste à la loi (…) c’est la justice qui a triomphé». Dans ce procès qui promet sans doute d’autres développements, les avocats des condamnés n’ayant pas encore déposé «la toge», le tribunal ordonne également la dissolution de Générations et peuples solidaires» (GPS), le mouvement politique se réclamant de Guillaume Soro, tout en condamnant les 20 prévenus à une peine solidaire de un milliard de francs CFA de dommages et intérêts à l’Etat ivoirien.
Guillaume Soro aurait peut-être pu en prendre plus, si la guillotine était toujours de service sur les bords de la lagune Ebrié. Car, ce procès n’a eu lieu que parce que le désamour, pour ne pas dire la haine cordiale qui s’est installée entre GKS et ADO, n’a d’égal que l’amour, de «père et fils» qui unissaient, en tout cas en apparence, les deux. Le premier, il faut le rappeler a servi de porte-parole, ce qui lui avait même conféré en son temps, le statut de chef, de la rébellion qui a ouvert la voie des élections de 2010, donc de la présidence à Alassane Dramane Ouattara. C’est le même «fils» qui est monté au front, tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur, pour défendre le triomphe à la présidentielle de 2010, victoire que contestait à son «père», le président de l’époque, Laurent Gbagbo.
Mais ça, c’était avant! Avec ses ambitions légitimes, mais peut-être trop précoces, Guillaume Soro qui est passé de Premier ministre à président de l’Assemblée nationale et ne rêvait désormais que du fauteuil présidentiel, ne s’attirera que les foudres d’un ADO autour duquel de nouveaux requins de la politique grouillent également, en attendant de saisir leurs chances à la première opportunité.
Comme Icare, qui, dans la mythologie grecque, a trop volé près du soleil avec ses ailes de cire et de plumes créées par son père, est mort, Guillaume Soro, à trop rôder près du trône de son «père» ADO est allé à sa propre perte. Du reste c’est le sort réservé, dans la plupart des anciens royaumes africains, aux dauphins des rois, ce qui obligeait à éloigner du souverain pour éviter qu’il le tue, son héritier au trône. A moins que son prénom Kigbafori, qui se rapporte à l’invincibilité, ou le train de la réconciliation qui, en principe, a quitté le quai de la guerre pour la gare de la paix, l’embarque comme deuxième passager, après Laurent Gbagbo, rentré en Côte d’Ivoire ce 17 juin, sur décision du prince, Guillaume Kigbafori Soro, est dans le dur!
Par Wakat Séra