47 corps de victimes de la crise post-électorale de 2010-2011 ont été restitués à leurs familles. Ces cadavres avaient été exhumés, pour certains en 2015, dans le cadre d’investigations sur ces violences meurtrières sans précédent qui ont endeuillé une Côte d’Ivoire toujours déchirée par les séquelles socio-politiques de cette guerre autour d’urnes ensanglantées. Du reste, bien des familles attendent encore des nouvelles de leurs morts, afin de pouvoir en faire le deuil. Une légitime attente qui, ne sera pas comblée pour bien des proches de victimes, car des corps sont toujours entassés dans des charniers dont les emplacements de certains demeurent toujours inconnus.
Ces morts passeront-ils par pertes et profits sur le long et douloureux chemin d’une réconciliation nationale qui a été très lente au démarrage? En fera-t-on une sorte de «soldat inconnu» pour permettre à leurs parents et amis de se recueillir devant un monument sans âme? Dans leur quête de la réconciliation nationale, nécessaire mais difficile, les autorités ivoiriennes vont-elles, au risque de réveiller encore les démons de la division, procéder au recensement de toutes ces fosses communes, remplies de cadavres de l’un ou l’autre camps qui se sont affrontés, à mort, rien que pour le fauteuil présidentiel? Autant de questions qui méritent réflexion de la part de tous les acteurs impliqués dans le processus.
En tout cas, s’il faut saluer la sortie de gare du train de la réconciliation qui roule sur des rails, parfois mal fixés, il urge, pour les populations de désarmer les cœurs! Ce qui est loin d’être aussi facile que de déposer les kalachnikovs sur des bûchers embrasés lors de cérémonies jadis médiatisées à outrance. Il est également indispensable, pour les politiciens qui maîtrisent, plus que nul autre, l’art de surfer sur les facteurs crisogènes, notamment les divisions ethniques et religieuses, de donner de réelles chances à la réconciliation nationale d’aboutir, en privilégiant l’intérêt national.
L’occasion est donc offerte sur un plateau d’or, au pouvoir d’Alassane Ouattara, de mettre fin à l’instrumentalisation de la justice pour se débarrasser d’adversaires politiques, si tant est que la réconciliation nationale n’est pas qu’un moyen de faire diversion, la pilule amère du troisième mandat après charcutage de la constitution ne passant toujours pas. L’opportunité doit être également saisie par l’opposition d’éviter de brandir à tout moment le harcèlement politique pour empêcher le droit d’être dit, quand des crimes sont avérés. Plus qu’une simple opération de charme, la réconciliation doit être vraie et sincère. Dans cette logique, il faut donc plus d’actions que la restitution de corps, le dédommagement de près de 4 500 personnes, le retour au bercail de leaders de l’opposition dont l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son «fils» Charles Blé Goudé, l’amnistie de plus de 800 personnes au sein desquelles l’ancienne première dame Simone Gbagbo, etc.
La Côte d’Ivoire et les Ivoiriens sont, certainement, lassés de se regarder en ennemis, souvent dans la même famille, alors que l’heure est, maintenant, aux défis de l’emploi pour les jeunes, la lutte contre la vie chère et le combat sans merci contre l’insécurité qui, après s’être enkystée dans le Sahel africain, menace toute la sous-région dont les pays, sont de plus en plus, ciblés par des attaques terroristes. Plus qu’un simple effet de mode, la réconciliation nationale est une priorité pour la Côte d’Ivoire, qui, en la matière pourra même servir d’étoile du berger au Burkina voisin où la cohésion sociale est fortement mise à mal.
Par Wakat Séra