Alors que tous attendaient qu’il consacre sa première visite à Alassane Dramane Ouattara, le réconciliateur en chef qui a favorisé son retour au pays natal, c’est maintenant que Laurent Gbagbo prend la route du palais présidentiel où il devrait arriver, sauf embouteillage politique, mardi 27 juillet. Après près d’une décennie d’exil judiciaire, notamment un long et éreintant procès à la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien jardin de Fatou Bensouda, et un acquittement par la même juridiction, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo est rentré au bercail, le mois dernier, sans rien changer de son discours dur, mais de vérité contre le maître d’Abidjan. Peu importe qui en est l’initiateur, cette rencontre qui ne doit pas être un face à face de rancoeurs habillé et de sourire de façade hypocrites avec vue sur molaires, mais plutôt un pas de plus dans la dynamique de la réconciliation. Il est temps que le train de la réconciliation, embarquant tous les fils du pays, s’ébranle vers une Côte d’Ivoire nouvelle où il refera bon vivre pour chacun et pour tous. Dans cette optique où beaucoup d’eau a déjà coulé sous les ponts, au lieu de continuer à regarder dans le rétroviseur des rébellions, guerres civiles et crises postélectorales qui ont rougi la lagune Ebrié du sang des Ivoiriens, il vaut mieux se projeter sur l’avenir et ne regarder que vers le quai de la réconciliation.
En somme, il urge pour les Ivoiriens, tout comme leurs voisins du Burkina Faso, pays ayant connu et subi des déchirures politiques aussi, de désarmer les cœurs pour renforcer la cohésion nationale et la paix, armes fatales contre les attaques des forces du mal et la pauvreté. L’adage ne dit-il pas que l’union fait la force? Certes, l’inoxydable trio de feu qui met la Côte d’Ivoire sous coupe réglée depuis des décennies, après la mort de Félix Houphouët Boigny, doit enfin chercher à s’effacer de la scène politique qui a besoin de régénérescence. Pour l’heure, qu’ils s’appellent Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié (HKB) ou Laurent Gbagbo (LG), les dinosaures de la politique rendront, ainsi, fier service aux Ivoiriens. Mais avant ce lifting de fond en comble, il importe que ce monstre tricéphale, dont les alliances se font et se défont, se nouent et se dénouent, le plus souvent dans des violences inouïes, conduise à bon port, le bateau de la réconciliation, que ne cessent de faire tanguer des lieutenants va-t’en-guerre aux discours et comportements haineux. Pourtant, si la Côte d’Ivoire brûle, ils n’échapperont guère aux feux de l’enfer. Et c’est dans cette logique qu’il faut saluer, une fois de plus, cette rencontre entre Ouattara et Gbagbo, non plus dans les couloirs de l’hôtel du Golf au temps fort de la crise postélectorale de 2010-2011 qui a fait plus de 3000 morts, mais dans un palais présidentiel, certes souillé par le troisième mandat de Alassane Dramane Ouattara, mais cependant plus propice pour des retrouvailles de deux anciens rivaux à la rancune tenace.
Prémisse d’un new deal qui pourrait conduire à une nouvelle alliance aux intérêts individuels et très personnels de deux politiciens et de leurs familles respectives, sur le dos du peuple? ADO, après avoir jaugé la popularité sans ride de LG, malgré 10 années d’éloignement des siens, fera-t-il de l’ancien supplicié un nouvel allié? Quelle promesse aguichera Laurent Gbagbo et son Front populaire ivoirien, surtout que le fauteuil de vice-président laissé vacant par Daniel Kablan Duncan depuis sa démission cherche preneur? Toutes les options sont sur la table de Alassane Ouattara pour lui permettre de demeurer maître du jeu et de diviser une opposition qui, du reste, ne s’est jamais entendue que sur ses désaccords. Si ADO est sorti de son idylle avec HKB, il peut bien convoler en justes noces, honni soit qui mal y pense, avec LG. Mariage et divorce, ce sont bien les deuxièmes noms de la politique!
Ainsi se promènent les politiciens de la Côte d’Ivoiren, et d’ailleurs, comme à la Rue Princesse quand celle-ci, à ses heures de gloire, faisait le bonheur de ses habitués qui y trouvaient toujours la joie.
Par Wakat Séra