Pendant que la Commission électorale indépendante (CEI) égrenait les résultats des dernières élections locales du 13 octobre 2018 le « sphinx de Daoukro », Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), sonnait le branle-bas de combat dans son fief Daoukro où son parti a convoqué son 6è congrès extraordinaire. Des invités de marque comme l’ancienne ministre et proche de Guillaume Soro, Affoussiata Bamba et le président d’une aile du Front populaire ivoirien, Affi N’Guessan figuraient parmi les centaines d’invités. Mais pendant que se constitue une sorte de front anti-Ouattara pour la présidentielle de 2020, Henri Konan Bédié doit jouer serré pour ne pas perdre son trône et la face, dans la bataille judiciaire engagée par des . Le fauteuil du président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) est mis à prix par des dissidents qui tiennent coûte que coûte à le dégommer depuis son désamour avec le président Alassane Ouattara. Le couple Ouattara-Bédié qui a commencé à vaciller à l’approche de la présidentielle de 2020, et a fini par voler en éclats au grand dam des enfants nés de cette idylle. Le 17 juin 2018, le bureau politique du PDCI reporte aux «calendes ivoiriennes» la signature du contrat de mariage proposé par le président du parti unifié le Rassemblement des houphouetistes pour la paix et le développement (RHDP), Alassane Ouattara.
Sentant que son conjoint n’était pas enthousiaste pour déposer ses bagages au nouveau domicile conjugal, «un enfant» du couple, désormais divorcé, Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre des Ressources halieutiques et de la Production animale bien connu au fichier du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) lance le mouvement «Sur les traces de Félix Houphouet Boigny». Ce nouveau-né bat campagne pour le RHDP unifié avec le soutien ferme du Rassemblement des républicains (RDR) qui l’encourage à pousser le « sphinx de Daoukro » vers la sortie.
De ce fait, toutes les décisions de Henri Konan Bédié sont contestées par ce mouvement qui multiplie les affronts contre le père de l’Appel de Daoukro. C’est ainsi que Jérôme N’Guessan, membre du PDCI, partisan de l’intégration de son parti au RHDP, a introduit une requête en annulation de la dernière réunion du bureau politique de son parti, organisée le 24 septembre 2018, à Daoukro (centre). Ce dernier avait déjà saisi et obtenu de la justice, l’invalidation de la précédente réunion du bureau politique du 17 juin à Abidjan, rencontre qui avait reporté l’examen des textes du parti unifié, après la présidentielle de 2020. Victoire de courte durée, car à la surprise générale, la justice ivoirienne a radié le mardi 9 octobre 2018, l’affaire du procès en annulation des résolutions du bureau politique du PDCI, introduite par Jérôme N’Guessan.
Excédé par ces agissements, Henri Konan Bédié, a sorti ses griffes lors du 8è bureau politique tenu le lundi 8 octobre 2018 dans son fief de Daoukro. «Nous ne tolérerons pas avec les militants et nos alliés, qu’un juge s’immisce dans les affaires du PDCI, dans les affaires d’un parti politique. Nous ne tolérerons plus et il n’y aura jamais d’administrateur provisoire du PDCI. Personne ne s’avisera à prendre une telle décision, autrement, c’est la chienlit, le désordre généralisé dans toute la Côte d’Ivoire et cela, je ne sais jusqu’où ça s’arrêterait. A Bon entendeur salut!». Paroles de l’ancien président de la République.
Réponse du berger à la bergère, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, lors d’un meeting organisé le 10 octobre 2018 à Bouaké (centre du pays), a apporté la riposte à l’homme fort du plus vieux parti de la Côte d’Ivoire. «Aux dernières réunions du bureau politique de notre parti ami et frère du PDCI, certains propos ont été tenus, tendant à faire croire que le pouvoir essaie de faire quelque chose contre le PDCI-RDA. Rien, jamais rien n’a été entrepris contre le PDCI RDA. S’il y a problème et c’est possible à l’intérieur du PDCI RDA, il faut prier pour qu’une solution soit trouvée à l’intérieur. Et trouver une solution à l’intérieur, ça permettra de consolider le RHDP. Mais il n’est pas bien de vouloir diviser à nouveau les Ivoiriens en faisant croire que notre pouvoir commun, le pouvoir du RHDP essaie de diviser quelque formation politique que ce soit», a répliqué le «Lion» de la rue Lépic, siège du RDR.
Bédié n’est pas au bout des peines. Sitôt qu’il a annoncé l’organisation d’«un congrès extraordinaire de stabilité et de clarification» pour ce 15 octobre 2018 à Daoukro, un autre congrès du PDCI est programmé par Kobenan Kouassi Adjoumani. «Je voudrais dire au président Bédié et je voudrais aussi lancer un appel à l’endroit de tous les militants PDCI pro-RHDP que le congrès annoncé par le président Bédié, le 15 octobre 2018 ne concerne pas les nombreux militants PDCI-RDA et qui sont pour le RHDP. Je voudrais que cela soit entendu de tous. Et moi-même, très bientôt après les élections du conseil régional, je vais annoncer un congrès et à l’occasion duquel nous allons prendre des décisions et nous allons demander au président Bédié d’être président d’honneur du PDCI et nous autres, nous allons constituer une équipe dynamique pour assurer la gestion du PDCI-RDA. C’est un grand message que je lance et je voudrais que ça soit entendu de tous», a déclaré Kobenan Kouassi Adjoumani, lors d’un meeting, dans la région du Gontougo (Est).
Visiblement, le scénario qui se dessine pourrait être le suivant: la justice invalide les décisions du congrès de Henri Konan Bédié et valide celles de l’instance de Kouassi Adjoumani. Les avocats de Bédié feront appel à cette décision de justice et les choses tireront en longueur pendant une bonne période. Au lieu de préparer la présidentielle de 2020, le PDCI passera son temps à défiler à la justice. Henri Konan Bédié joue certainement le combat de sa vie.
Mahamadou Doumbia (Correspondant de Wakat Séra en Côte d’Ivoire)