Encore une affaire de viol qui défraie la chronique sur les bords de la lagune Ebrié! Alors que la page de l’affaire de simulation de viol dans une émission phare de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI) qui a conduit à des sanctions immédiates contre l’animateur, Yves de M’Bella, est encore bien ouverte, voici qu’un autre épisode de la série «Viols à Abidjan», est en plein tournage. Le mis en cause, qui continue de bénéficier, comme dans tout dossier non encore jugé, de la présomption d’innocence, est, excusez du peu, un ministre de Alassane Ouattara. Le ministre rejette en bloc cette accusation et porte plainte ce que les siens traite de diffamation et d’escroquerie. Tout est parti d’un enregistrement audio circulant depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. La victime, une artiste camerounaise, épouse et mère de famille, Sophie Dencia, pointe du doigt, le candidat malheureux à la présidentielle de 2020, Kouadio Konan Bertin alias KKB. Selon elle, celui qui a été nommé ministre de la Réconciliation nationale en décembre 2020, serait passé à l’acte, lors d’un voyage à Divo, à 186 kilomètres de la capitale économique ivoirienne, Abidjan. Les faits remonteraient à ce mois d’avril.
Tout en accordant, elle aussi, au présumé violeur la traditionnelle présomption d’innocence, la Société civile des opinions ouvertes et publiques (SCOOP), par la voix de son président François-Dominique Delafosse, dénonce avec véhémence, l’acte. Morceaux choisis: «Un viol de trop. Non, c’est non. Le viol est un acte condamnable, quel qu’en soit l’auteur. Nous demandons une mise à disposition de la justice, du présumé auteur des faits. Si les faits sont avérés exacts, la démission et la condamnation sont exigées, la justice doit être appliquée à tous et bannir toute impunité.» Le glaive implacable de cette justice s’était abattu, sans état d’âme sur l’animateur de la chaîne de télévision qui, lui, avait écopé, pour apologie de viol, de 12 mois de prison avec sursis, d’une amende de deux millions de francs CFA, d’une interdiction de paraître sur le territoire ivoirien, à l’exception d’Abidjan, son lieu de résidence. Quant à son invité, Abdou Chérif Traoré qui s’était présenté comme un ex violeur et avait simulé une scène d’agression sexuelle, il a pris 24 mois de prison ferme et doit s’acquitter d’une amende de 500 000 FCFA. Il faut rappeler que Yves de M’Bella aura bu le calice jusqu’à la lie, la Haute autorité de communication audiovisuelle (HACA), dans un communiqué daté du 31 août 2021, l’ayant suspendu de toutes les antennes des chaînes de télévisions et de radios en Côte d’Ivoire, pour une durée de 30 jours.
Cabale politique contre le ministre, dont ses bisbilles avec son ancienne famille du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dont les caciques n’ont jamais digéré la fronde de KKB contre leur inusable leader, Henri Konan Bédié. Qui plus est, la participation, envers et contre tous, de KKB à l’élection présidentielle d’octobre 2020, est resté en travers de la gorge aux adversaires de KKB, même si cela lui a valu la récompense qui a pris la forme du maroquin de la Réconciliation. Si, les réseaux sociaux qui se sont déchaînés contre le ministre ivoirien de la Réconciliation nationale, et des organisations de la société civile, appellent la justice à sévir contre cette pratique ignoble et avilissante pour les victimes, qu’elles soient des adultes ou des enfants, des femmes ou des hommes, il faut reconnaître avec SCOOP, que «quel que soit le montant d’une réparation, il ne peut égaler la destruction morale et physique» de la personne violée.
Les faits imputés au ministre relèveraient-ils simplement de la diffamation? Comment réagira le présumé auteur du viol en dehors de la plainte qu’il a déposée? La démission ne faisant pas partie du répertoire des dirigeants africains qui s’accrochent plutôt à leurs postes comme des sangsues, KKB osera-t-il franchir le pas pour s’assumer devant la justice, et, le cas échéant laver son honneur? La justice sous les tropiques étant souvent dépeinte comme un instrument qui ne s’abat que sur les pauvres et les faibles, se mettra-t-elle à la hauteur des espérances des justiciables, et juger pour l’exemple? Le gouvernement ivoirien sortira-t-il de ses effectifs, le détenteur du maroquin de la Réconciliation nationale pour lui permettre de défendre sa cause ou de subir le châtiment adéquat s’il est reconnu coupable?
Autant d’interrogations dont le peuple, notamment tous les violés du monde et leurs proches, attend une réaction appropriée de la part des autorités et de la justice ivoirienne, pour jauger le degré de bonne gouvernance et d’équité, du régime Ouattara. Mieux, les justiciables comptent davantage sur le présumé auteur de viol, pour montrer la voie de la réconciliation, en consolidant le terreau des valeurs morales et de la justice.
En tout cas, l’inénarrable Chris Yapi annonce encore un autre cas de viol dont un autre ministre serait l’auteur! Si cela s’avère, la question qui vient à l’esprit pourrait être: la Côte d’Ivoire est elle la république des violeurs?
Par Wakat Séra