Une Ivoirienne: «Moi, j’ai perdu mon mari dans la crise de 2011, mais je suis contente qu’il (Laurent Gbagbo, NDLR) vienne». Une autre : «Moi je vais acheter le pagne qu’on appelle Allons à Gagnoa, je vais chausser mes lêkê (chaussures en plastique à la mode en Côte d’Ivoire à l’époque) et si j’ai les moyens, j’irai à l’aéroport l’accueillir». Des propos recueillis en Côte d’Ivoire, par nos confrères de France24. Dans le même temps, Issiaka Diaby, le président d’un collectif de victimes, lui, mobilise ses troupes pour manifester contre l’ancien président ivoirien, à qui il promet la prison dès qu’il rentre en Côte d’Ivoire. Et le gouvernement ivoirien qui dit n’avoir pas été informé de cette date du 17 juin pour le retour du «christ de Mama». Le ministre ivoirien en charge de la Réconciliation, Kouadio Konan Bertin en prend donc acte.
C’est dire combien, depuis son annonce, avec cette fois-ci une date précise, soit le 17 juin prochain, le retour de Laurent Gbagbo provoque joie et indignation. Il y a ceux qui sont contents. Il y a ceux qui ne sont pas contents. Et il y a le pouvoir qui navigue entre deux eaux, soufflant le chaud et le froid. Pourtant, l’événement trouve, en toute logique, place dans le processus de réconciliation, enfin lancé par les autorités ivoiriennes. Le président Alassane Dramane Ouattara a même affirmé que son prédécesseur, qui lui avait donné du fil à retordre lors de la proclamation des résultats de la présidentielle de 2010, pouvait revenir en Côte d’Ivoire, où il devrait jouir des privilèges liés à son statut d’ancien chef de l’Etat.
Si tout porte à croire que le retour de l’acquitté de la Cour pénale internationale (CPI) porte l’onction de son successeur, il n’est un secret pour personne que bien des thuriféraires du pouvoir sont en désaccord avec cette option, pourtant fondamentale pour la réconciliation et la cohésion nationale que les Ivoiriens et Ivoiriennes, espèrent ardemment. Des caciques du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, pouvoir), sans doute à défaut de dire ouvertement leur désaccord sur le retour, demandent que l’ancien président qui a traversé dix bonnes années de houle judiciaire et d’exil forcé, revienne sur la terre de ses ancêtres, furtivement, comme un voleur. Sont-ils des porte-paroles de leur chef? ADO donne-t-il de la main droite pour retirer de la main gauche? En tout cas, en tant que garant de la bonne marche de la nation ivoirienne, il est temps que le chef de l’Etat mette fin à cette polémique préjudiciable, à plus d’un titre, à la paix, cette denrée devenue rare sur les bords de la lagune Ebrié, depuis que se sont enfilés, rébellion, guerres civiles, crises postélectorales, manifestations meurtrières contre le 3è mandat, etc.
Qu’est-ce qui empêche les autorités ivoiriennes de jouer le charmant jeu de la réconciliation jusqu’au bout, pour le bonheur de populations qui s’entredéchirent, aujourd’hui, sur tout, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la vie de tous les jours? Est-ce aussi compliqué pour les Forces de défense et de sécurité, pourtant habituées à casser du manifestant, d’encadrer la joie des GORs, les «Gbagbo ou rien»? De plus, c’est une manifestation qui pourrait servir de jauge à la popularité, supposée ou réelle, d’un Laurent Gbagbo éloigné depuis une décennie des siens, mais dont on dit que le charisme est resté intact. Excellente occasion donc pour ADO de savoir s’il faudra en faire un allié pour les combats politiques à venir ou le garder comme adversaire politique, facile à écraser sur le terrain.
En tout cas, il urge, pour l’instant, de ramener et préserver la paix en Côte d’Ivoire autour de laquelle n’ont jamais cesser de roder les démons de la violence. Même les victimes, au nom de qui certains disent se battre, ne voudront certainement pas faire d’autres…victimes de la bêtise humaine.
Par Wakat Séra