La présidentielle 2020 trouvera-t-elle un opposant de taille libre de ses mouvements, en Côte d’Ivoire? Rien n’est moins sûr, car Alassane Ouattara et son Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le fameux RHDP, n’en veulent pas. Ils ne veulent surtout pas sentir, même pas en rêve, qui que ce soit rôder autour de ce pouvoir qu’ils n’entendent lâcher pour rien au monde. L’ancien président Laurent Gbagbo et son lieutenant Charles Blé Goudé éloignés de la Côte d’Ivoire grâce à une Cour pénale internationale (CPI) qui les maintient solidement dans ses serres. Guillaume Kigbafori Soro, délestés des siens par le biais de la justice ou d’autres moyens, est poursuivi pour milles et uns délits dont le procureur du tribunal de grande instance d’Abidjan, Richard Adou se gargarise désormais au quotidien. Il ne reste que l’octogénaire ancien président ivoirien et président de l’historique Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié. Lui aussi, tout dinosaure de la politique ivoirienne qu’il est, pourra difficilement prendre place dans les starting blocks de la présidentielle du 31 octobre 2020. Non seulement le parti dont il a hérité de Nana Houphouët, premier président de la Côte d’Ivoire, a perdu du poids, plusieurs de ses cadres ayant pris le large, appelés par les sirènes du RHDP, mais le nerf de la guerre lui fera probablement défaut. Ils peuvent à peine se compter sur le bout des doigts d’une main, les hommes du PDCI, jadis puissants, dans les affaires ou aux postes de décision.
Pourtant, l’échéance électorale approche à grands pas et les candidats n’ont plus beaucoup de temps pour rendre publique leur ambition pour le fauteuil que devra quitter Alassane Ouattara, aux termes de la Loi Fondamentale de son pays. A moins d’essayer le troisième mandat qui malheureusement porte très peu chance. Ce sera pratiquement tenter le diable, dans une Côte d’Ivoire où la réconciliation nationale demeurée un serpent de mer et l’élection à venir ont mis les nerfs à vif. Alassane qui n’est jamais à court d’idée dans ses alchimies politiques trouvera-t-il cette fois-ci un allié à même de lui prêter main forte pour permettre au RHDP de rester maître du fauteuil présidentiel? De nos jours, pour aller à l’assaut d’un électorat ivoirien difficile à séduire par un seul candidat, il faut forcément du renfort. Seule une alliance d’au moins deux partis forts peut, logiquement, prétendre gagner une élection présidentielle. Quelle carte jouera donc le RHDP, dont le poulain le plus en vue est l’actuel Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, à qui les bookmakers et autres analystes politiques donnent peu de chance dans cette course à la présidentielle ivoirienne de 2020? Guillaume Soro et Henri Konan Bédié qui ont été les véritables artisans des deux victoires de Alassane Ouattara aux précédentes présidentielles de 2011 et 2015, sont tombés en disgrâce depuis lors. Ils sont même les pires ennemis du pouvoir en place qui a organisé une chasse aux sorcières en règle contre eux. L’aile dissidente du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, fera-t-elle l’affaire du RHDP? En politique, tout est possible, car on ne dit jamais jamais dans cette jungle où les amis d’hier sont des ennemis aujourd’hui pour redevenir des amis demain. Dans cette même logique, le retour à la paix avec Gbagbo ou Guillaume Soro peut se négocier. Même Henri Konan Bédié pour encore s’aligner derrière le champion du RHDP, même si on ne sait à quelle sauce il sera mangé par la révision constitutionnelle que mijote dans le plus grand secret, Alassane Ouattara.
Ou alors, un troisième larron, candidat charismatique et rassembleur, sortira-t-il des bois et s’emparera de «maître Aliboron»? C’est, du reste le mieux à souhaiter pour une Côte d’Ivoire prise en otage par les vieux politiciens. Une chose est certaine, si les uns et les autres continuent de se regarder en chiens de faïence et à présenter la prochaine élection comme celle de tous les dangers, ce sont les pauvres citoyens qui en pâtiront, les vieux démons de la guerre postélectorale de 2010 ne sont pas aussi loin que cela. Pour le moment, l’Eglise catholique qui exprime ouvertement son désaccord avec la réforme de la Commission électorale indépendante et le tripatouillage de la Constitution en ligne de mire, a déjà jeté une grosse pierre dans le jardin de Alassane Ouattara.
Par Wakat Séra