Ce 3 octobre était jour de rentrée pour de nombreux élèves et écoliers qui ont pris d’assaut, alertes et guillerets, les établissements scolaires. Mais cette reprise s’est faite sans celui qui a été surnommé «le chef de classe», lui qui a dû traverser les frontières pour se retrouver au Togo voisin, après sa démission «volontaire» de ses fonctions de président du Faso. En effet, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, lui, est contraint à des vacances à durée indéterminée par le capitaine Ibrahim Traoré qui lui a soufflé son fauteuil de patron du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), la junte militaire au pouvoir au Burkina. Le lieutenant-colonel qui, lui-même avait mis hors-jeu son prédécesseur dont le roc(h) s’est effrité et cassé contre la dure cuirasse des terroristes et autres Hommes armés non identifiés (HANI), n’ayant pas pu réaliser sa promesse d’éradiquer ce fléau meurtrier qui sévit dans le Sahel africain et maintenant dans d’autres pays du golfe de Guinée, a dû rendre le tablier, dans une chute précipitée.
Mais le bourreau du lieutenant-colonel, le capitaine de 34 ans qui a fait le même vœu que «le chef de classe», sera-t-il en mesure de réaliser la prouesse d’extirper, en quelques mois, le ver qui est dans le fruit depuis maintenant près de 10 ans? En attendant, le constat est là qu’un enfant burkinabè de moins d’un an aura connu, par la force des coups d’Etat, deux présidents de la république, alors qu’un adulte de 40 ans ressortissant d’un certain pays de l’Afrique centrale qui a requis l’anonymat, selon la formule consacrée en journalisme, n’en n’aura connu qu’un.
Mais dans ce pays loin du Burkina où le chef de l’Etat est régulièrement reconduit grâce à des urnes qui, comme par magie, rejettent les bulletins de ses rares concurrents, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), ne peut condamner les parodies d’élections, a fortiori imposer quelque sanction que ce soit. Du reste, tant que ce n’est pas une prise de pouvoir par les armes, mais l’expression populaire suscitée et imposée par les largesses de l’inamovible «président-fondateur», passez, il n’y a rien à voir, la démocratie est en marche!
La CEDEAO qui tire souvent plus vite que son ombre, veille au grain dans cette partie ouest-africaine du continent qui vit comme un printemps des putschs militaires et où des pays comme le Mali et le Burkina Faso se permettent même le luxe de s’en offrir deux en moins d’une année. Même si l’organisation ouest-africaine ne va pas lancer, hic et nunc, une salve de sanctions, contre Ouagadougou où sa délégation attendue le lundi, sera finalement présente ce mardi, se donnera certainement le devoir de rappeler au nouveau chef du MPSR, l’engagement pris par son devancier d’organiser, en juillet 2024, des élections démocratiques pour remettre le pouvoir aux civils.
La bienveillance de l’institution sous-régionale à l’endroit de l’un de ses meilleurs élèves, Paul-Henri Sandaogo Damiba, pour ne pas le nommer, déteindra-t-elle sur son tombeur? Du reste, pour éteindre l’incendie allumé par les deux frères ennemis du MPSR, la CEDEAO et son président en exercice, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Emballo, ont ajouté de l’eau à l’eau des leaders coutumiers et religieux du Burkina Faso. Toute chose qui a permis d’éviter l’affrontement fratricide qui se dessinait autour du palais présidentiel de Kossyam.
Si le capitaine Ibrahim Traoré qui joue la carte de l’apaisement reste dans les sillons tracés par le lieutenant-colonel Damiba pour mener les 24 mois de transition, tarif servi par la CEDEAO aux putschistes maliens, guinéens et burkinabè, nul doute que l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, médiateur désigné par l’organisation sous-régionale auprès des dirigeants de la transition au Pays des Hommes intègres, continuera, lui aussi, de rendre de bonnes copies après ses séjours au Burkina. Tout devrait bien se passer, si la CEDEAO joue la carte du peuple et que les nouveaux patrons du MPSR font preuve de cette bonne foi qu’ils affichent, officiellement en tout cas.
Même si les pyromanes de service ne dorment que d’un seul oeil, il faut espérer que les rencontres se déroulent toujours dans un climat de compréhension et de respect des engagements pris par les uns pour coller au délai de la transition et les autres pour accompagner cette transition. Une chose est certaine, le volet sécurité et lutte contre le terrorisme s’invitera à la table non pas garnie de poulets bicyclettes mais des questions qui peuvent fâcher.
Par Wakat Séra