La Commission nationale des droits humains (CNDH) condamne les bavures auxquelles s’adonneraient certains agents de sécurité chargés de faire respecter le couvre-feu au Burkina Faso, en vue de la limitation de la propagation du Coronavirus qui touche 261 personnes à la date du 30 mars 2020.
Déclaration
Le Burkina Faso, à l’instar de nombreux pays du monde, est confronté à la pandémie du coronavirus (COVID-19) qui a causé à ce jour plus de deux cent personnes contaminées et plus de dix (10) décès. La Commission nationale des droits humains (CNDH) présente ses condoléances aux familles éplorées, félicite le personnel de la santé dont les efforts ont déjà permis la guérison de plus de vingt (20) personnes et souhaite un prompt rétablissement aux personnes déclarées positives.
Les circonstances exceptionnelles liées à la propagation de la maladie exigent l’adoption de mesures exceptionnelles, notamment celles portant sur les restrictions de certaines libertés fondamentales (instauration d’un couvre-feu, interdiction des rassemblements de plus de cinquante personnes, mise en quarantaine de certaines villes, fermeture des établissements d’enseignement, …). La CNDH rappelle que l’adoption de ces mesures est admise par les conventions internationales et la législation nationale à condition qu’elles soient nécessaires, adéquates, proportionnées aux circonstances et non discriminatoires. La CNDH salue donc l’adoption de ces mesures et invite les populations à leur strict respect.
Toutefois, la CNDH condamne les actes de tortures, les traitements cruels, inhumains et dégradants occasionnés par le contrôle du respect du couvre-feu et rappelle qu’aucune circonstance, fusse-t-elle exceptionnelle, telle que la situation occasionnée par le COVID 19, ne saurait les justifier. Elle exhorte les éléments des forces de défense et de sécurité à mener leurs missions de contrôle dans le strict respect des droits humains des populations, notamment le droit de ne pas subir la torture.
La CNDH condamne également les actes de provocation, de violence et de défiance contre des éléments des forces de défense et de sécurité de la part de certaines personnes. Elle invite les populations à l’observation stricte des mesures d’hygiène et de sécurité prises par les autorités compétentes pour contenir la propagation du COVID-19. Elle appelle les instances habilitées à prendre toutes les dispositions nécessaires et conformes aux droits humains et à l’Etat de droit pour faire respecter les mesures édictées en vue de faire face à la propagation de la maladie et à sanctionner les contrevenants conformément à la législation en vigueur.
La CNDH invite par ailleurs le gouvernement à s’assurer que les mesures déjà prises n’affectent pas plus qu’il ne le faut les droits des populations, surtout ceux des personnes les plus vulnérables (personnes déplacées internes, personnes âgées, personnes handicapées, personnes démunies, …) qui doivent effectivement être protégés dans ce contexte particulier. Elle invite particulièrement le gouvernement à renforcer les mesures de prévention de la pandémie dans les zones à forte densité notamment les camps de personnes déplacées internes et les lieux de privation de liberté.
La CNDH appelle à la mobilisation générale et communautaire de tous les acteurs étatiques et non étatiques, particulièrement les communautés religieuses et coutumières ainsi que les organisations de la société civile, dans la prévention et la lutte contre cette pandémie. A cet égard, elle recommande au gouvernement de s’assurer de la gestion rigoureuse et transparente des ressources mobilisées dans le cadre de la lutte contre la pandémie.
Dans la mesure où les instruments internationaux reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence et étant donné que les mesures prises pour contrer l’expansion de la maladie ont un impact certain sur l’activité économique et les conditions de vie des populations, la CNDH recommande au gouvernement d’adopter des mesures d’accompagnement pour soulager les populations et faciliter leur accès aux produits de première nécessité. Dans ce sens, elle salue l’adoption des mesures de plafonnement des prix de certains produits et encourage le Gouvernement à poursuivre les opérations de contrôle en vue de leur respect effectif.
La CNDH félicite le gouvernement pour les dispositions déjà adoptées en vue de la prise en charge des personnes infectées et l’incite d’une part, à accroître le nombre et les capacités d’accueil des sites retenus pour les soins des personnes infectées et, d’autre part, à s’assurer que les personnes testées positives au COVID 19 bénéficient d’un accès égal et non discriminatoire à la prise en charge.
En outre, la CNDH exhorte le gouvernement à doter en matériels de protection tous les personnels (personnel médical, forces de défense et de sécurité, …) qui, par leurs missions, sont mobilisés dans la lutte contre la pandémie ou sont en contact avec des usagers ou des supports susceptibles de propager le virus. La CNDH invite également le gouvernement à s’assurer que les entreprises publiques et privées fournissent à leurs employés particulièrement exposés des moyens adéquats de protection.
Le droit à la santé est certes une obligation qu’il incombe au Gouvernement de mettre en œuvre mais il est aussi de la responsabilité individuelle et collective de préserver sa santé et celle des autres par le respect des mesures édictées.
Enfin, la CNDH encourage le gouvernement dans ce contexte difficile à redoubler d’effort dans la sécurisation du territoire et dans la lutte contre les actes de terrorisme qui endeuillent quotidiennement de nombreuses familles burkinabè.
Fait à Ouagadougou, le 31 mars 2020
Le Président
Kalifa Yemboado Rodrigue NAMOANO