Des élèves sont partagés sur la mesure du gouvernement burkinabè instituant le port du cache-nez obligatoire dans les classes à partir du 20 octobre 2020, en vue de lutter contre la maladie du Covid-19. Certains encadreurs, également, sont divisés sur le même sujet traité différemment d’une école à une autre. Si pour les uns, il faut strictement faire respecter la décision de l’Exécutif avec rigueur, pour d’autres par contre, il faut une souplesse dans l’application de cette mesure compte tenu des réalités sociologiques du pays des « Hommes intègres ».
Depuis le 9 mars 2020, avec la confirmation du premier cas du coronavirus au Burkina, une maladie potentiellement contagieuse qui s’est déclarée à Wuhan, en Chine, fin décembre 2019, le pays, à travers le gouvernement, prend en fonction de l’évolution de l’infection, des mesures pour lutter efficacement contre cette maladie. C’est ainsi qu’après avoir suspendu les cours en fin d’année 2019-2020, l’Exécutif burkinabè a décidé à cette rentrée scolaire 2020-2021, du port obligatoire des masques dans les classes. Cette décision est sensée s’appliquer à toutes les catégories confondues d’apprenants, allant du post-primaire, primaire, secondaire au supérieur, pour contribuer à lutter contre la pandémie qui sévit dans le monde entier et oblige des pays européens à se reconfiner pour une deuxième fois.
Au lycée Nelson Mandela de Ouagadougou, l’un des plus grands établissements publics du Burkina, les élèves ont repris le chemin de l’école. Mais cette fois-ci, un sujet, celui de la maladie à coronavirus, est au bout de toutes les lèvres, surtout qu’il oblige les élèves et leurs encadreurs a adopté un type de comportement dont le port obligatoire du cache-nez, le lavage régulier des mains et l’usage du gel-hydro-alcoolique, ainsi que d’autres astuces.
Farida Cissé, élève en classe de 1ère, au Nelson Mandela, est bien imprégnée du sujet qui divise les élèves. « Nous sommes tous témoins que l’année scolaire passée n’a pas été facile car elle a été bousculée par la maladie à coronavirus mais heureusement que maintenant la situation s’est un peu atténuée et nous avons pu reprendre les cours », a d’abord rappelé Farida Cissé qui remarque à cette rentrée scolaire dans son école, « des installations de lavage des mains devant toutes les classes ».
Pour cet élève, la mesure gouvernementale est « une très bonne initiative », car elle permettra aux apprenants de se désinfecter les mains avant d’accéder dans les salles. « Le port du cache-nez est une bonne chose, c’est pour notre bien et je pense que c’est ainsi qu’on peut contribuer à lutter contre cette pandémie », apprécie Farida.
L’avis de Farida Cissé est partagé par Marc Zongo, élève en classe de terminal au lycée Nelson Mandela. Marc a fait son choix entre la contrainte du port obligatoire du masque et de sa nécessité. Pour lui, le port obligatoire de la bavette ne lui pose « aucun problème » puisque cela vise à le « protéger » contre la maladie à coronavirus. « Que ce soit le lavage régulier des mains ou le port des masques, moi j’y adhère et je n’ai pas de souci pour ça », dit-il.
Mais, le port du masque dans les classes « est fatigant », reconnait Marc Zongo, même s’il ne nie pas le fait que la décision du gouvernement est « nécessaire » et il la faut obligatoirement. « J’ai vu certains élèves qui se plaignent mais il faudra qu’ils fassent avec, parce que j’estime que c’est mieux de supporter le masque pour bosser que de tomber malade et ne pas pouvoir bosser », martèle l’élève qui cherche cette année le premier diplôme universitaire, le Baccalauréat.
Le proviseur du lycée Nelson Mandela, Victor Bonou, lui, est très clair sur la préoccupation. La mesure qui a été prise par les autorités éducatives doit être respectée sauf en cas de force majeure où nul n’est tenu. Et pour cela, l’accent doit être mis sur le port obligatoire du cache-nez et sur l’assainissement, c’est-à-dire, le lavage régulier des mains aux savons, entre autres. M. Bonou pense que si cela est respecté, son établissement, non seulement, sera épargné du virus mais participera ainsi à la lutte contre cette pandémie.
En ce qui concerne les mesures que le lycée a prises pour faire face à la pandémie du Covid-19, « nous avons obtenu un certain nombre de dotations, notamment, en savon et cache-nez, que nous allons mettre à la disposition des élèves et de tout le personnel. Nous avons reçu 1 000 cache-nez qui seront distribués aux élèves », déclare le proviseur du lycée public qui porte le nom de l’ex-président sud-africain. Pour le moment, poursuit-il, son école « n’a pas encore enregistré de plaintes en ce qui concerne les cache-nez. Mais si cela arrivait on fera face pour voir quelles solutions trouvées », rassure-t-il avant d’ajouter que « toutes les salles sont dotées en lave-mains et en savons en nombre suffisant ».
Au Lycée technique national Aboubacar Sangoulé Lamizana (LTN/ASL), ex-Lycée technique de Ouagadougou (LTO), les avis divergent sur le sujet. L’intendant de cet établissement, Daouda Siaka Barro, indique que les mesures pour lutter contre le virus qui est fortement contagieux, avaient été prises depuis l’année scolaire écoulée. « Nous avions en son temps bénéficié du soutien de notre ministère de tutelle, le MENAPLN, (ministère de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales, NDLR) qui nous a doté en cache-nez et en savon, conséquemment, pour dire que nous utilisons ce même appui jusque-là ».
Les partenaires également du LTN/ASL dont l’amicale des anciens élèves qui est dynamique à travers une association, ont soutenu l’école avec « beaucoup de lave-mains, des gels hydro-alcooliques et du savon », ajoute M. Barro qui note que son établissement a aussi eu le soutien de l’Association des Parents d’Elèves (APE). « Je peux dire qu’ici nous avons suffisamment du matériel pour pouvoir contrecarrer la maladie à coronavirus », garantit monsieur l’intendant de l’ex-LTO.
Dans ce lycée qui met l’accent sur la technique, « pratiquement devant chaque salle de classe, on a un dispositif de lave-mains, chaque élève a eu ses deux cache-nez, les professeurs comme l’administration aussi ont été dotés en matériel. Cette année nous avons renforcé les mesures barrières pour contrecarrer cette maladie », poursuit Daouda Siaka Barro. Comme soucis, il y a eu quelques cache-nez qui ont été « défectueux mais c’est en nombre insignifiant. C’est quelques ficelles qui ont lâché ou la dimension qui n’est pas adéquate mais c’est des cas qui sont gérés et pour le moment nous n’avons pas de plaintes à ce niveau », conclu l’intendant du LTN/ASL, affirmant que l’école accueille près de 2 500 élèves.
Davis Sinaré, élève en classe de terminal F1 au lycée LTN/ASL portant le nom de l’ancien président burkinabè, souligne qu’en étant en classe le port obligatoire des bavettes « est gênant » car souvent les élèves veulent communiquer entre eux mais avec « le masque ce n’est pas possible, c’est un peu compliqué ». Pour cet élève, « si ce n’était que dehors, il n’y avait pas de problème » pour le respect de la mesure. « Moi je ne pense pas que c’est une bonne idée, mais comme on n’a pas le choix, on va devoir faire avec », se résigne-t-il sous le regard approbateur de ses camarades qui ont lancé : « monsieur le journaliste, il a tout dit ».
L’avis de Sinaré Davis est largement partagé dans cette même école par Toussaint Bamogo, nouveau bachelier du LTN/ASL, venu soutenir ses anciens camarades qui reprennent la classe de terminale. Il estime que le port du cache-nez dans les classes gêne beaucoup. « Si tu portes le masque, en plus d’avoir des difficultés à respirer, tu ne peux pas bien suivre les cours. Par exemple, pour parler aux professeurs tu es obligé de parler fort sous le masque et ce n’est vraiment pas simple », argue l’ex-élève de LTN/ASL.
M. Bamogo renforce son argumentation : « C’est pareil pour le professeur qui aussi doit faire beaucoup d’effort pour parler aux élèves, donc pour les professeurs qui ne parlent pas fort, les élèves ne les entendent pratiquement pas et cela joue beaucoup sur la compréhension des matières qu’on dispense. Son explication ne sort pas. En tout cas on en a tous eu les masques et il y avait aussi le dispositif de lave-mains mais souvent même, quand tu viens et que le temps est limité et tu risques d’être en retard, on oublie » tous ces dispositifs sanitaires.
A l’école primaire Bilbalogho, la directrice, madame Collette Zombré, confirme, également à son niveau, que concernant la lutte contre la maladie à coronavirus, le gouvernement a « doté tous les élèves de cache-nez, mais aussi des boules de savons pour le lavage des mains ». Dans cet établissement scolaire, en plus du gouvernement, des anciens élèves de l’école, ont apporté des lave-mains pour l’assainissement des élèves dans cet établissement.
Dans l’ensemble, en ce qui concerne, l’application du port obligatoire des masques, elle avoue que c’est un véritable souci. « Concernant le port du cache-nez, là c’est un véritable problème », confesse-t-elle. « C’est vrai que le ministère a dit qu’à partir du 20 octobre, le port des cache-nez est obligatoire, mais moi je ne suis pas trop d’accord pour cette décision puisse que si un élève ne veut pas rentrer en classe, il est capable d’utiliser ça comme alibi pour déserter l’école », avoue-t-elle.
La directrice de cette école primaire publique située dans le Centre-ouest de Ouagadougou renchéri qu’« un élève qui veut faire l’école buissonnière vous dira qu’il n’a pas envoyé de masque et si vous le renvoyez, c’est un prétexte pour lui de rentrer tranquillement à la maison ». Et même dans la pratique pour Collette Zombré, « c’est très difficile » de veiller obligatoirement au port du masque des enfants car même le problème de l’entretien du cache-nez se pose. « Si ça tombe et l’enfant prend pour porter par exemple, il augmente même les risques de contracter le virus et même d’autres maladies », soutient madame Zombré.
Effectivement bon nombre d’élèves du primaire que nous avons croisés ont sorti de leurs poches ou sacs, leurs cache-nez, après demande. C’est pourquoi madame Zombré demande aux parents des élèves, dès la maison, de faire passer le message aux enfants « sinon c’est un peu difficile que seulement à l’école on puisse leur inculquer cette valeur, ce mode de vie ». De son avis, il faut mettre l’accent sur le rappel permanent pour l’assainissement, c’est-à-dire, faire de telle sorte que les enfants aient le réflexe de se laver régulièrement les mains.
Sur la rigueur de l’application de cette mesure, à la lumière de notre constat dans plusieurs établissements scolaire, secondaire et supérieur, il est difficile d’avoir une ligne médiane de conduite, car, chaque école ayant sa particularité, tente d’appliquer la mesure du port obligatoire du masque avec ses moyens de bord en fonction de ses réalités, pour contrecarrer la maladie à coronavirus. Fait important à noter, les élèves que nous avons approchés ne doutent pas de l’existence de la maladie et mieux sont bien imprégnés de l’actualité de la pandémie même au-delà des frontières du Burkina Faso.
Depuis l’apparition de la maladie à coronavirus en Chine, près de 50 millions de personnes ont été contaminées par l’infection, depuis le début de la pandémie mondiale. Plus de 1,2 million de personnes sont décédées tandis que plus de 34 millions d’individus sont guéris du Covid-19. C’est aux Etats-Unis, en Inde et au Brésil que le virus a tué le plus depuis janvier 2020 avec respectivement plus de neuf millions, plus de huit millions et plus de cinq millions de cas.
Par Bernard BOUGOUM