L’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) a indiqué, vendredi, que la pandémie de Covid-19 s’était accompagnée d’une utilisation excessive d’antibiotiques pour les patients hospitalisés atteints du nouveau coronavirus, ce qui pourrait avoir exacerbé une propagation « silencieuse » de la résistance aux antimicrobiens (RAM).
Alors que seulement 8% des patients hospitalisés atteints de Covid-19 souffraient également d’infections bactériennes nécessitant des antibiotiques, des antibiotiques ont été utilisés chez trois patients sur quatre, soit environ 75%, ont été traités avec des antibiotiques « au cas où » ils seraient utiles.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le taux le plus élevé d’utilisation d’antibiotiques a été observé chez les patients atteints de Covid-19 grave ou critique, avec une moyenne mondiale de 81%. Dans les cas légers ou modérés, l’OMS a observé des variations considérables d’une région à l’autre, le taux d’utilisation le plus élevé étant enregistré dans la région africaine (79%).
Directement responsable de 1,27 million de décès par an
L’administration d’antibiotiques « au cas où ils seraient utiles » pourrait avoir accru la résistance aux antimicrobiens, un problème de santé publique que l’OMS considère comme l’une des 10 plus grandes menaces auxquelles l’humanité est confrontée.
Selon le Groupe de direction mondial sur la résistance aux antimicrobiens, la RAM serait d’ores et déjà l’une des principales causes de décès dans le monde, directement responsable de 1,27 million de décès par an. Un décès sur cinq concernerait des enfants de moins de cinq ans, principalement dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.
Selon les chiffres de l’OMS, la RAM a contribué à 4,19 millions de décès supplémentaires dans le monde.
« Lorsqu’un patient a besoin d’antibiotiques, les avantages l’emportent souvent sur les risques associés aux effets secondaires ou à la résistance aux antibiotiques. Cependant, lorsqu’ils ne sont pas nécessaires, ils n’offrent aucun avantage tout en présentant des risques, et leur utilisation contribue à l’émergence et à la propagation de la résistance aux antimicrobiens », a déclaré la Dre Silvia Bertagnolio, cheffe d’unité de l’OMS pour la surveillance et le renforcement des laboratoires, à la Division de la résistance aux antimicrobiens de l’OMS.
Méditerranée orientale et Afrique
L’utilisation d’antibiotiques varie selon les régions. La Méditerranée orientale et l’Afrique sont les zones où elle est la plus répandue (83% des patients hospitalisés), tandis que l’Asie-Pacifique affiche le taux le plus bas, à savoir 33%.
Le pourcentage était le plus élevé chez les patients atteints de formes graves et aiguës de la Covid-19, qui ont reçu des antibiotiques dans 81% des cas, selon l’étude, qui indique que dans des régions telles que l’Europe et les Amériques, l’utilisation des antibiotiques a diminué tout au long de la pandémie, alors qu’elle a augmenté sur le continent africain.
« Ces données appellent à une amélioration de l’utilisation rationnelle des antibiotiques afin de minimiser les conséquences négatives inutiles pour les patients et les populations », a ajouté la Dre Bertagnolio.
Pour parvenir à ces conclusions, l’OMS a étudié les données de 450.000 patients admis dans des hôpitaux de 65 pays entre janvier 2020 et mars 2023, une période qui coïncide presque avec celle au cours de laquelle elle a déclaré une urgence internationale pour la maladie.
Potentiel de résistance plus élevé
L’OMS classe les antibiotiques selon la classification AWaRe (Access, Watch, Reserve), en fonction du risque de résistance aux antimicrobiens. Il est inquiétant de constater que l’étude a révélé que les antibiotiques « à surveiller », qui présentent un potentiel de résistance plus élevé, étaient les plus fréquemment prescrits à l’échelle mondiale.
Dans l’ensemble, l’utilisation d’antibiotiques n’a pas amélioré les résultats cliniques des patients atteints de Covid-19. Au contraire, elle pourrait être préjudiciable aux personnes ne souffrant pas d’infection bactérienne, par rapport à celles qui ne reçoivent pas d’antibiotiques.
Cela souligne la nécessité urgente d’améliorer l’utilisation rationnelle des antibiotiques afin de minimiser les conséquences négatives inutiles pour les patients et les populations.
A noter que les résultats de ce rapport sont publiés en marge d’un congrès mondial, qui se tient à Barcelone, en Espagne, du 27 au 30 avril. Cette question sera également abordée lors de la prochaine réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la résistance aux antimicrobiens, qui aura lieu en septembre prochain à New York.