Des agents de l’Office national d’identification (ONI), situé à Ouaga 2000, ont dit, face à la presse, avoir « été séquestrés par des policiers » employés par l’agence publique qui ont aussi « empêché » le directeur général de l’Office, Arsène Yoda, en fin de suspension d’un mois, d’accéder à son bureau et reprendre son service ce mardi 29 mai 2018.
A en croire des agents de l’ONI qui se sont confiés à Wakat Séra, « tout le personnel (de l’office) a été pris en otage » en cette matinée par des éléments de la Police nationale qui assurent la sécurité du service.
« Vous-mêmes vous constatez, c’est à travers les trous des murs que vous m’interviewez. Nous avons été séquestrés ce matin depuis 9H et demi, à l’arrivée du DG qui a été bloqué à la porte par des policiers et nous aussi qui sommes à l’intérieur on a été bloqués, donc personne ne sort, ne personne ne rentre », a confié le chef de service comptabilité Jean-Baptiste Kabré que nous avons interrogé à travers un des trous d’aération du mur de l’ONI. Pour M. Kabré, « cette situation est inacceptable de la part de personnes sensées faire respecter les règles dans un Etat de droit ».
« C’est à notre grande surprise ce matin qu’on nous a annoncé la reprise du DG (Yoda) et nous avons tous été (aussi) surpris, que la porte ait été fermée par des éléments de la police, lui interdisant l’accès aux locaux » de l’Office, a affirmé Pierre Arsène Ouédraogo, agent à l’Office national d’identification, par ailleurs secrétaire général de la force ouvrière. « Vous êtes peut-être arrivés un peu en retard, sinon vous auriez vu le véhicule du DG bloqué à la porte, impossible de rentrer, le personnel civil pris en otage à l’intérieur de la cour avec incapacité de sortir. Des gens sont venus faire le pied de grue ici mais ils n’ont pas pu rentrer », a regretté M. Ouédraogo, entouré par quelques-uns de ses collègues aux environs de 12H, à l’extérieur de l’ONI.
Comme lui et M. Kabré, des agents, une dizaine que nous avons interrogée sur place se disent « étonnés » de la situation parce que pour « nous la crise avait été vidée ». Ils disent avoir l’impression qu’« il y a autre chose » après la déconvenue qui a opposé le premier responsable de l’ONI aux policiers qui se seraient sentis diminués par M. Yoda.
« Que les gens aient le courage de poser les problèmes au lieu de prendre en otage une structure publique », a lâché Pierre Ouédraogo qui souligne que dans ce pays, il y a le « dialogue social pour résoudre les problèmes, nous (agents civils) travaillons avec des collaborateurs qui utilisent des armes, donc un couac et le danger est vite arrivé ». « Il faut que l’autorité prenne ses responsabilités pour nous éviter cet enfer que nous vivons », a-t-il avancé.
« Nous avons estimé qu’avec les tractations, ce contentieux (entre le DG et les agents de police) avait été vidé. Nous ne comprenons pas qu’aujourd’hui, il y ait une situation pareille et nous-mêmes agents, nous nous retrouvons bloqués, victimes même de cette situation », a déploré également de son côté le chef comptable de l’ONI qui appelle également l’autorité publique à prendre ses « responsabilités ».
Pierre Ouédraogo a estimé que la situation qui s’est présentée à l’Office en cette matinée du mardi est « une page d’une crise qui a débuté à l’ONI depuis le 30 mars 2018 ». « Elle est née d’un Conseil d’administration où il y a eu des propos désobligeants », a-t-il rappelé en notant qu’en réalité les autorités ont « essayé de faire une médiation pour résoudre cette crise ». « Après l’échec du Conseil d’administration, du secrétaire général de l’Office, le ministre (de la Sécurité, Clément Sawadogo) s’est auto-saisi du problème et a pris un certain nombre de dispositions dont une a été la suspension du DG qui était mis en cause, pour un mois. Ensuite il a envoyé une inspection pour investiguer sur les problèmes à l’ONI et faire rédiger une lettre d’excuse par le DG à l’intention de l’institution de police parce que visiblement c’est ce qui semblerait poser problème », a expliqué M. Ouédraogo.
Pour lui, il y avait des prémices qui annonçaient cette situation tendue car « rien qu’avant-hier, nous (travailleurs) avons adressé une correspondance au président du Conseil d’administration pour attirer son attention sur un certain nombre de faits parce que l’ONI est un Etablissement public de l’Etat (EPE) et à ce titre, il a un programme d’action ». « Si vous comptabilisez du 30 mars au 30 mai, nous serons dans soixante jours de crise avec toutes les conséquences qu’il peut y avoir. Et nous avons l’impression que de façon tacite, les gens accompagnent cette crise-là sans prendre leurs responsabilités ou de décisions », a-t-il laissé entendre.
Dans le souci de l’équilibre de l’information, nous avons tenté à maintes reprises de faire réagir un des agents de la police mais sans succès. C’est gentiment qu’ils nous ont répondu qu’ils n’ont « rien à dire » sur la situation vécue à l’ONI.
C’est à partir de 11H30 que nous avons constaté que les agents de police ont commencé à filtrer et à laisser rentrer dans les locaux de l’Office, par la porte principale, les usagers qui étaient venus pour bénéficier de leurs services. La plupart des travailleurs sortaient aussi de la cour dans le même temps.
Par Mathias BAZIE