Ceci est la déclaration liminaire de Léonce Koné lors de la conférence de presse qu’il a tenu ce lundi 21 octobre 2019.
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à notre invitation pour cette conférence de presse.
1 – Contexte des concertations d’Abidjan
Comme vous le savez, le 22 Septembre 2019, la direction du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) a organisé un congrès extraordinaire, à l’issue duquel certains cadres et militants du parti ont été sanctionnés, sur le motif d’avoir commis de présumés manquements à la discipline du parti.
Les personnes qui vont s’exprimer ici, devant vous, représentent une partie (la plus nombreuse) des militants qui ont fait l’objet de ces sanctions. Certains sont des visages déjà connus de vous. D’autres ne le sont peut-être pas. Mais à la fin de la conférence, vous recevrez, en même temps que le texte de notre déclaration liminaire, la liste des personnes au nom desquelles nous nous exprimons.
Nous avons souhaité vous rencontrer dans le but de vous donner des informations claires et précises sur les derniers développements de la crise qui a donné lieu à ces sanctions et, singulièrement, sur les dispositions que nous avons prises pour donner suite aux orientations qui ont été fixées par le Président d’honneur du CDP, le Président Blaise Compaoré, à l’occasion des concertations qu’il a organisées à Abidjan les 8 et 9 Octobre 2019.
Avant d’aborder ces développements, je dois dire, en ce qui nous concerne, que nous déplorons vivement que la direction du CDP en soit arrivée, aujourd’hui, à connaître une fracture aussi profonde sur la question de la désignation du candidat que les militants du parti considèreront comme le mieux qualifié pour recevoir leur investiture, en vue de compétir pour l’élection présidentielle de 2020. Pour importante qu’elle soit, cette question n’en reste pas moins secondaire, quand on considère la situation extrêmement grave que traverse notre pays. En tout cas elle ne devrait pas être traitée dans le climat hystérique qui a pollué la vie du parti depuis plusieurs mois, donnant une piètre image de l’esprit de discernement et du sens des responsabilités de ses dirigeants.
Vous connaissez autant que moi les drames et les dangers croissants qui pèsent sur la vie quotidienne d’un grand nombre de nos concitoyens et compromettent le devenir du pays tout entier. Dans ce contexte, il est indécent pour un parti politique qui a géré le pouvoir d’Etat et aspire à assumer encore cette responsabilité de donner l’impression qu’il n’est préoccupé que par des luttes intestines sur le choix de son candidat à l’élection présidentielle.
Je ne veux pas être hypocrite : ce choix est important en soi. Il l’est davantage encore en raison de l’état de crise profonde que connaît le Burkina. Il est normal qu’un parti qui se veut démocratique connaisse la confrontation d’ambitions antagoniques. Mais ce n’est pas une raison pour exposer à la face du pays et devant nos militants un psychodrame interminable sur les problèmes de leadership au sein du CDP.
Fort heureusement, pour aider à résoudre les divergences irréductibles qui viendraient à se présenter concernant son organisation, son fonctionnement et ses choix politiques les plus importants, , le CDP dispose d’un recours moral, en la personne de son Fondateur et Président d’honneur : le Président Blaise Compaoré.
C’est ainsi que, voyant la dérive outrancière dans laquelle le parti s’était engagé, avec les mesures d’exclusion prononcées par le congrès extraordinaire du 22 Septembre 2019, le Président d’honneur a décidé, de sa propre initiative, de se saisir de cette question, en vertu des prérogatives qui lui sont reconnues par les Statuts du CDP.
C’est le lieu pour moi d’apporter un démenti formel à deux informations fausses qui ont été diffusées à ce sujet.
Premièrement, j’ai entendu dire que nous, les militants sanctionnés, aurions effectué une démarche pressante auprès du Président Blaise Compaoré pour l’amener à solliciter la levée des sanctions auprès de la direction du parti. Rien n’est plus faux. Personne parmi nous n’a entrepris une telle initiative. Nous nous sommes bornés à prendre acte de ces mesures, nous réservant d’en tirer les conséquences. Comme vous l’avez noté, certains de nos camarades qui n’avaient pas été exclus, ni même frappés par aucune sanction, ont choisi de démissionner par solidarité, ou en signe de protestation contre ces mesures d’ostracisme, contraires aux valeurs qu’ils croyaient être celles d’un parti dans lequel ils avaient milité depuis son origine. Je voudrais ajouter, à ce propos, que le Président Blaise Compaoré n’a pas besoin d’être sollicité pour agir dans le sens qu’il juge conforme à l’intérêt du CDP. Son rôle historique, comme Fondateur du parti, lui donne une entière légitimité pour intervenir dans la marche de celui-ci, de sa propre initiative. C’est cette responsabilité historique que les militants du CDP, réunis en congrès en 2018, ont voulu consacrer en le désignant comme Président d’honneur du parti, avec des prérogatives explicites. Outre que cela est faux, c’est faire preuve d’immodestie que de laisser entendre que le Président Compaoré a dû intercéder auprès de quiconque pour solliciter la clémence en faveur des personnes sanctionnées.
Deuxièmement, certains organes de presse ont rapporté une déclaration du Président du CDP, qui aurait expliqué que préalablement à la prise des sanctions par le congrès, il aurait obtenu l’accord du Président d’honneur, accompagné même de chaleureuses félicitations pour son sens de l’autorité. Cette affirmation est également fausse, puisqu’elle est contredite par le Président d’honneur lui-même qui, dans les récentes correspondances qu’il a adressées aux militants et à la Direction du parti a expressément reproché à celle-ci de ne l’avoir pas informé au préalable de ces mesures, qu’il juge nocives.
Je ne vais pas m’attarder davantage sur le démenti de ces fausses allégations, parce que, pour obéir à la recommandation de conciliation faite par le Président d’honneur, nous voulons aborder à présent une phase plus paisible, moins conflictuelle, de nos relations avec la direction du parti. Mais pour favoriser une véritable entente il faut commencer par se dire la vérité. Et il faut veiller aussi à ce que les militants, les sympathisants et ceux qui s’intéressent à la vie du CDP reçoivent des informations véridiques et fiables sur ce qui s’y passe. Surtout lorsqu’il s’agit de relater des faits qui mettent en cause le Président d’honneur du parti. Faute de quoi aucun crédit ne pourra plus être accordé aux déclarations émanant de la Direction du CDP, ce qui serait une situation indigne pour des dirigeants qui, au-delà du parti, ont l’ambition d’inspirer confiance au peuple burkinabè.
Cette double clarification étant faite, je voudrais maintenant vous parler des concertations que nous avons eues à Abidjan, avant de vous exposer les conséquences que nous en tirons.
Le 2 Octobre 2019, nous (les personnes sanctionnées au congrès extraordinaire) avons reçu une correspondance du Président d’honneur, nous invitant à désigner une délégation pour se rendre à Abidjan, en vue d’y participer à des concertations avec la direction du parti, sous ses auspices.
Les discussions ont eu lieu du 8 au 9 Octobre entre chacune des délégations et le Président d’honneur. Au terme de ces consultations, il a fait connaître ses conclusions dans les correspondances, en date du 11 Octobre 2019, qui ont été largement diffusées par la presse et les réseaux sociaux. Ces lettres ont été adressées respectivement à la direction du parti, aux personnes sanctionnées et aux militants du CDP.
Voilà pour la chronologie des faits.
2- Orientations définies par le Président d’honneur du CDP
Quelle est la substance des orientations que le Président d’honneur a fixées aux différentes parties prenantes ?
Tout d’abord le Président d’honneur signifie au Président du parti son mécontentement de n’avoir pas été consulté sur « la nature et le niveau des sanctions prononcées contre un certain nombre de camarades dans les conditions qui ont été décrites ».
Il invite le Président du parti à rapporter ces mesures.
Il indique son souhait que la gouvernance du parti s’inscrive désormais « dans le sens du dialogue, de la cohésion, de l’unité et du rassemblement, comme cela a été de tout temps depuis sa création le 05 février 1996. »
Il le félicite, cependant, pour l’excellente animation qu’il organisée depuis son retour à la tête du parti.
Il invite tous les militants sanctionnés à se tenir prêts pour rejoindre les rangs du parti et à y travailler dans la discipline, l’unité et la cohésion.
Il appelle tous ceux qui, pour des raisons diverses, ont saisi la justice de leurs griefs à l’égard de la gouvernance du CDP à retirer immédiatement ces recours.
Il recommande que les querelles intestines au sein du CDP soient gérées à l’avenir conformément aux dispositions des Statuts et du Règlement intérieur du parti.
Il précise que, concernant les autres préoccupations qui lui ont été exposées relativement à la gouvernance du parti, il engagera de larges concertations en vue de les traiter ultérieurement.
Il invite les militants à mettre en pratique la vision d’un CDP, digne de sa vocation de parti de gouvernement, œuvrant à réaliser le plus grand rassemblement possible, dans l’unité d’action et la cohésion,
Enfin, il félicite les militants pour leur résilience et leur esprit de parti, qui ont favorisé les succès importants emportés par le CDP, en dépit d’un contexte hostile.
3 – Suites réservées par le groupe aux orientations du Président d’honneur
Quelles suites le groupe que nous représentons compte-t-il donner à ces orientations du Président d’honneur ?
Tout d’abord, nous devons remercier le Président Blaise Compaoré d’avoir pris l’initiative salutaire de s’impliquer personnellement pour dénouer la crise aigüe que connait le CDP. Il l’a fait avec la patience, la courtoisie et le sens du compromis qu’on lui connaît. Il a su faire preuve aussi de fermeté, lorsqu’il a estimé que certaines limites avaient été franchies.
Nous saluons la hauteur de vue, la sagesse, ainsi que la volonté de préserver l’unité et la cohésion du CDP, qui ont présidé à ses décisions et à ses recommandations. Nous avons pleinement conscience que cette vision a pour finalité de mettre le CDP dans les meilleures conditions pour affronter les prochaines échéances électorales et, dans leur prolongement, les défis du redressement d’une situation nationale gravement compromise. C’est pourquoi nous sommes résolus à respecter ses directives, sans aucune réserve. D’ores et déjà, ceux de nos camarades qui avaient introduit des recours auprès de la Justice pour des griefs liés à la gouvernance du CDP ont invité leurs avocats à arrêter ces procédures. Je précise que cette mesure concerne le groupe des personnes qui sont représentées à cette conférence et dont la liste vous sera communiquée.
Vous n’ignorez pas que notre camarade Mahamady Kouanda avait engagé de son côté différentes actions devant les instances judiciaires et administratives. Nous entretenons avec lui les meilleures relations, mais il a une approche différente sur cette question, qu’il ne m’appartient pas de commenter.
Je crois savoir, par ailleurs, que la direction du CDP aurait elle aussi déposé des plaintes en justice contre certains militants. J’ignore si cela est vrai, ou faux. Quoiqu’il en soit, je peux dire que pour l’ensemble des personnes sanctionnées, chacun fera ce qu’il juge approprié pour respecter la volonté d’apaisement exprimée par le Président d’honneur. En ce qui concerne notre groupe, les choses sont simples et claires : les demandes en justice seront retirées.
Ayant dit cela, je dois préciser que la meilleure façon pour la direction du CDP de se prémunir contre les recours en justice est de respecter scrupuleusement les textes du parti et les lois qui lui sont applicables. Il faut en outre que les instances du parti soient des lieux ouverts à un dialogue franc, courtois et apaisé.
Dans cette optique, nous sommes prêts à engager un dialogue constructif au sein de la direction du CDP, dans un climat de respect mutuel, en ayant en vue l’intérêt supérieur du parti, qui dans les circonstances présentes, coïncide avec celui de notre pays, en cette période d’incertitude qui appelle au rassemblement et à la cohésion de la Nation burkinabè.
Il reste entendu que nous sommes disponibles également pour prendre part aux consultations ultérieures que le Président d’honneur envisage d’organiser sur les autres questions qui ont été soumises à son appréciation lors de notre rencontre d’Abidjan. Elles sont importantes, parce qu’elles touchent à la gouvernance du parti et à ses choix politiques fondamentaux. J’ai été un peu long, je m’en excuse, parce que mes camarades et moi avons pensé qu’il fallait donner des informations précises, par votre intermédiaire, à ceux qui s’intéressent à la vie du CDP et à nos militants.
Pour conclure, je voudrais vous dire que nous formons l’espoir ardent qu’il sera possible au Président Blaise Compaoré de rentrer au pays pour contribuer plus activement à la recherche de solutions durables aux difficultés que traversent à la fois notre parti et notre Nation, dans une dynamique de réconciliation des burkinabè et d’apaisement des tensions. De concert avec les instances du parti, nous travaillerons à mobiliser l’engagement des militants et des sympathisants du CDP, ainsi que le soutien des citoyens burkinabè épris de paix et de concorde, pour cette cause qui est conforme à l’âme de notre pays. Dans le même esprit, nous continuerons d’œuvrer pour le retour dans la mère-patrie, dans des conditions paisibles, de tous nos compatriotes qui ont été contraints à l’exil pour des raisons politiques.
Je vous remercie pour votre attention et mes camarades et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.