Dormir sur la natte d’autrui, c’est dormir à même le sol. Ce proverbe bien africain est plus que d’actualité avec l’avènement du G5 Sahel dont la création de la Force a été solennellement actée ce dimanche 2 juillet 2017, en présence des cinq chefs d’Etat du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Tchad, du Niger et du Mali, pays hôte du sommet. C’était sous l’œil bienveillant mais vigilant et sans complaisance de Emmanuel Macron, le président français, missi dominici du G5 Sahel auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies. Après avoir reçu l’onction de l’Union africaine (UA), des Nations Unies et surtout de l’Union Européenne (UE) qui a craché 50 millions d’euros à son bassinet, la Force du G5 Sahel prend des couleurs locales. Si ses dirigeants tiennent parole et délient le cordon de la bourse pour en sortir les 10 millions d’euros que chacun d’eux doit miser pour lancer la machine, le G5 Sahel connaîtra certainement des jours heureux. Le budget de 423 millions d’euros nécessaire pour son fonctionnement sera certes loin, et très loin, d’être bouclé mais les Africains auront pris en main leur sécurité et déploieront davantage d’efforts pour venir à bout de l’hydre qui plombe désormais tout espoir de développement du continent. Après près de 60 ans d’indépendance dans la dépendance, il est temps que les Africains mettent fin à cette vie d’éternelle assistés qui les contraint à tendre la sébile partout, pour manger, pour boire et même pour construire des latrines.
A Addis-Abeba où s’ouvre ce lundi 3 juillet, le refrain ne devrait pas changer. L’indépendance financière de l’UA partagera le menu de son 29è sommet avec les réformes qui sonnent désormais comme une nécessité absolue et les multiples crises qui secouent l’Afrique, du Mali, au Maroc en passant par la Lybie, etc. Là également, il s’agira pour les Africains de détacher l’organisation chère aux pères fondateurs panafricanistes, de la double laisse qui la retient à l’Union Européenne et la Chine. La nouvelle taxe sur les produits non africains qui envahissent le continent noir, consommateur devant l’Eternel, est l’une des pistes privilégiées pour renflouer les caisses de l’UA, en pleine conquête d’une crédibilité dans le concert des nations. Aucune part de souveraineté ne peut être revendiquée par les nations africaines tant qu’elles seront sous une perfusion financière qui ne dit pas son nom mais qui est soigneusement emballée dans le concept pudique de coopération dite bilatérale ou multilatérale. Pourtant, ce ne sont pas les ressources qui manquent à une Afrique dont les fils, en quête de survie sont englouties par millier par une méditerranée qui est devenue pour eux un cimetière géant. Et pendant qu’ils vont à l’assaut de ces citadelles imprenables que sont devenues l’Europe et les Etats Unis, ceux de là-bas prennent tranquillement l’avion pour venir profiter des richesses d’une Afrique présentée comme le continent de l’avenir.
Il est donc temps pour les Africains de tresser leurs propres nattes car ils en ont l’intelligence et les ressources. Toutefois, des sacrifices seront inévitables. Chaque Etat doit déjà se départir de cette propension à s’accrocher à une souveraineté qui n’existe que de non et qui les confine à tort dans des petites frontières à l’intérieur desquelles les économies étouffent, faute de marchés importants. De même, la jeunesse africaine qui n’a plus comme repères que des politiciens spécialistes de la courte échelle et qui profitent et abusent d’elle juste le temps d’élections truquées, doit pouvoir être ambitieuse, entreprenante et surtout persévérante pour construire son avenir sur du solide. C’est dire combien il sera également important pour les fameux coopérants venus du nord de jouer franc jeu en matière des relations commerciales afin d’éviter cet envahissement de leur cocon doré et surtout la multiplication des foyers terroristes qui recrutent à tour de bras dans ces milieux défavorisés où la misère est reine.
Et tant mieux si le G5 Sahel dans sa lutte sans merci contre le djihadisme et l’Union Africaine dans sa recherche de crédibilité et d’émancipation tirent en même temps le train de l’Afrique sur les rails d’une véritable indépendance.
Par Wakat Séra