C’est à 12h15 que Guillaume Soro a atterri à Ouagadougou, ce mardi, à en croire le communiqué de Générations et Peuples solidaires (GPS), le mouvement politique proche de celui qui a annoncé la fin de son exil le dimanche 11 novembre. L’heure de l’arrivée qui est, en principe, celle du déjeuner, prouve à suffisance que celui qui foule, ou plutôt refoule, le sol burkinabè, jouit d’une estime certaine de la part de ses hôtes. On n’invite pas n’importe qui à sa table. En tout cas, selon le communiqué de GPS, «cette rencontre revêt un caractère important pour M. Soro, en raison des relations particulières entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, deux pays voisins et frères». Et l’«audience-avec le capitaine Ibrahim Traoré, le président du Faso- sera suivie d’un déjeuner», a précisé GPS, dont le sigle sonne étrangement comme GKS, les initiales de Guillaume Kigbafori Soro.
La seule information qui ne figure pas dans les détails du séjour de l’ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, est sa date de retour. Normal, vu qu’en Afrique, on ne demande pas à son «étranger» quand est-ce qu’il retourne chez lui ou d’où il vient. De plus, il a été dit que Guillaume Soro vivra entre Niamey, Bamako et Ouagadougou. Du reste, il s’est toujours bien senti au Burkina Faso où il avait ses habitudes sous le régime de l’ancien président Blaise Compaoré. A Ouaga, Soro est tout sauf en terre inconnue. Ses visites, officielles comme privées au pays des Hommes intègres, s’enfilaient, jusqu’à la date du 8 janvier 2016, lorsqu’ un mandat d’arrêt a été émis contre lui, alors qu’il était accusé d’avoir apporté son soutien à la tentative du coup d’état de septembre 2015, contre la transition en cours. Mais de l’eau a coulé sous les ponts! Beaucoup de tractations ont pu calmer les ardeurs du côté burkinabè.
C’est ainsi que dans la foulée de l’annulation du mandat, le 28 avril 2016 pour vice de forme, l’Interpol qui avait été saisie pour une arrestation éventuelle du président de l’Assemblée nationale ivoirienne d’alors, s’appuyant sur l’article 3 de ses textes de fonctionnement, s’est également désistée, en mai de la même année. «Toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite à l’Organisation», stipule la disposition en question. Malgré tout, Guillaume Soro, compte tenu d’une situation délétère entre lui et certaines personnalités au pouvoir à l’époque, à Ouagadougou, ne pouvait toujours pas remettre les pieds dans cette ville où il ne comptait pas que des amis. Il doit donc être bien heureux, après avoir décrété la fin de son exil de cinq ans, de pouvoir respirer l’air du Burkina, pays d’où lui et ses compagnons ont lancé la rébellion de 2002 contre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo.
A Ouaga, Guillaume Soro n’était, où n’est, qu’à un millier de kilomètres d’Abidjan. Mais, pour l’instant, son pays reste si proche, mais si loin de lui, et ce, depuis qu’il est tombé en disgrâce auprès d’Alassane Ouattara. Le retour du «fils prodigue» se fera donc attendre encore. Pourtant, le même Guillaume Soro, dans ses discours, ne ratait aucune occasion pour tourner en dérision, ses compatriotes qui vivaient les affres de l’exil quand Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir. Florilège: «Je dis encore, à ce micro, aux exilés de rentrer. Si tu te reproches rien, pourquoi tu vas t’exiler, avoir faim tous les jours? Ils n’ont pas le droit d’infliger autant de souffrances à leurs enfants, à leurs femmes, à leurs familles. Rentrez! (…) S’ils ne se reprochent rien, qu’ils rentrent! Maintenant, s’ils se reprochent quelque chose, qu’ils le disent (…)». Guillaume Soro se reproche-t-il donc quelque chose? Sans vouloir s’acharner contre un homme, contraint de fuir son pays, simplement parce que ceux qu’il a aidés à avoir le pouvoir en ont décidé ainsi, il faut reconnaître que la roue tourne! Comme on le dit trivialement dans les rues d’Abidjan, «le renard passe passe, chacun à son tour chez le coiffeur Mamadou».
N’est-il pas temps que le président ivoirien, qui s’est fait chantre de la réconciliation, mais a visiblement «oublié hier» comme on le dit à Ouagadougou, rouvre la porte à celui qu’il appelait son «fils»? Plus que quiconque, Alassane Ouattara qui est loin d’être blanc comme neige, doit faire jouer la sagesse dont nombre de personnes le donnent dépositaire, et mettre définitivement fin à l’exil de Guillaume Soro. Même les condamnations de 20 ans de prison et de perpète collées à GKS par une justice, que certains disent aux ordres, peuvent être levées par la magnanimité du «chef» qui peut faire, facilement, jouer les leviers de la grâce présidentielle et de l’amnistie.
Sinon, à trop tirer sur la corde on finit toujours par la casser! Et Ouattara le sait mieux que tous, lui qui a vu la corde se casser entre les mains de son prédécesseur de l’époque, son «jeune frère» Laurent Gbagbo!
Par Wakat Séra